Conflits d'intérêts : au tour du secteur de l'assurance
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Voilà pourquoi l’Autorité des marchés financiers (AMF) vient de publier un document de réflexion portant sur la gestion des risques de conflits d’intérêts liés aux incitatifs versés par lea assureurs aux cabinets, représentants autonomes, sociétés autonomes et représentants certifiés, et ce, tant pour l’assurance de personnes que pour l’assurance de dommages.

 

« L’objectif est d’approfondir la réflexion à l’égard du risque que certaines catégories d’incitatifs nuisent au traitement équitable des consommateurs, des mécanismes de contrôle et de supervision que les assureurs devraient mettre en place pour réduire ce risque et du déséquilibre compétitif entre assureurs que peuvent engendrer ces incitatifs », explique Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF.

 

Le document de réflexion dresse en premier lieu un portrait de la plupart des incitatifs répertoriés au Québec. Ces incitatifs, qui sont répertoriés selon un niveau de risque élevé, moyen ou faible de conflits d’intérêts, sont principalement liés à la rémunération.

 

L’AMF considère par exemple que le système des bonifications pourrait mener à de mauvaises pratiques commerciales et représente donc un risque élevé de conflits d’intérêts. « La bonification est directement liée à un volume de primes et à un seuil de performance. L’atteinte d’un seuil de performance exerce une pression sur les représentants et les intermédiaires », affirme l’AMF.

 

Les bonifications s’ajoutent à la rémunération de base par voie de commissions auxquelles le représentant et l’intermédiaire peuvent avoir droit sous certaines conditions. Or, certains types de bonifications s’apparentent plus à une exigence de l’assureur en matière d’atteinte de volume pour une année donnée, comme la commission de croissance par exemple. Dans tous les cas, plus la performance de l’intermédiaire est bonne, plus la bonification augmente et devient intéressante, constate l’AMF.

 

Ainsi, les programmes de participation aux bénéfices (commission de contingence) sont souvent très exigeants en termes de cibles à atteindre et peuvent influencer un intermédiaire quant au choix de produits ou de l’assureur à proposer à un client. Cette bonification peut représenter des montants importants.

 

Les commissions, qui sont un mode de rémunération très répandu dans l’industrie de l’assurance, représentent un risque moyen de conflits d’intérêts, estime l’AMF. « Le versement des commissions est, par contre, calculé uniquement à partir du volume de vente, soit les primes. Par ailleurs, un produit pour lequel l’assureur offre un taux de commission plus élevé pourrait amener l’intermédiaire ou le représentant à favoriser la vente de ce produit sans que celui-ci soit le meilleur produit pour répondre aux besoins du client », estime l’organisme.

 

La rémunération sous forme de salaire a été considérée à risque faible, car elle est habituellement fixe. Elle ne tient pas compte du volume de vente ou du niveau de performance et elle n’est pas orientée vers la vente d’un produit en particulier, explique l’AMF.

 

D’autres types d’incitatifs, comme les concours de ventes, représentent un risque élevé de conflits d’intérêts. Ce type d’incitatifs est généralement relié à la vente d’un produit particulier, à une catégorie de produits ou à la performance du représentant. Ainsi, plus le représentant effectue de ventes d’un produit, plus il a de chances de participer au concours. « Pour se qualifier à un congrès, à un voyage ou pour gagner des prix, un représentant pourrait être tenté de concentrer sa production à un seul endroit », souligne l’AMF.

 

L’appartenance à des clubs sélects, l’attribution d’un titre, comme directeur des ventes par exemple, l’accès à une plate-forme informatique ou à des logiciels ainsi que le référencement de clientèle sont des exemples d’autres avantages qui peuvent inciter les intermédiaires à augmenter leur chiffre d’affaires afin d’obtenir l’avantage qui en découle. Dans le cas de l’attribution d’un titre, le client pourrait être porté à croire que ce titre a été attribué au représentant en raison de sa compétence, selon l’AMF qui juge que ces avantages représentent aussi un risque élevé de conflits d’intérêts.

 

La publication du document de réflexion est une autre étape d’un processus entamé par l’AMF en 2013, lors de la mise en œuvre de la Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales. L’organisme avait aussi fait parvenir un questionnaire d’autoévaluation à 219 assureurs en mai 2014 et a rendu public, en juillet 2015, un rapport présentant les résultats de cet exercice.

 

Les intervenants du secteur de l’assurance sont maintenant invités à soumettre d’ici le 15 octobre 2017 leurs commentaires et observations concernant les questionnements soulevés par l’AMF dans ce nouveau document de réflexion.