Mervyn King propose ni plus ni moins de mettre fin, ou d’atténuer, ce qu’il considère comme l’«alchimie» de la création monétaire par les banques. Pour lui, il est évident que les banques se financent avec trop peu de capitaux propres (qui sont en grande partie composés du capital-actions). Autrement dit, parce qu’elles ne doivent conserver qu’une fraction des dépôts et qu’elles se servent du reste pour augmenter leur levier financier, les banques auraient, selon lui, un «taux d’alchimie […] trop élevé».

La situation est d’autant plus problématique que ce levier est rendu possible grâce à des garanties (de plus en plus explicites) de l’État. L’arrangement risque fort, selon lui, d’imposer aux «futurs contribuables» une charge financière insoutenable.

Un constat répandu

Le constat du problème de la création monétaire par les banques, jadis réservé aux réformistes plus radicaux, commence à faire son chemin chez les experts. Martin Hellwig et Anat R. Admati (http://tinyurl.com/hw3ucar) faisaient la promotion, il y a quelques années, de ratio de capitaux propres beaucoup plus graves pour les banques. Aujourd’hui, en raison des accords de Bâle, ces ratios se situent à quelque 7 % (avec un extra pour les grandes banques). Les deux auteurs suggéraient des taux entre 20 et 30 %.

En 2012, deux économistes du Fonds monétaire international (http://tinyurl.com/9vuqh3p) remettaient au goût du jour le fameux Plan de Chicago, une proposition, datant des années 1930, de mise en place d’un système bancaire à 100 % de réserves. Les banques ne pourraient accorder de prêts qu’à partir de profits réalisés ou avec de l’argent prêté… par le gouvernement. Pour Mervyn King, cela équivaut à «nationaliser la monnaie sans pour autant nationaliser les banques».

Dans un livre paru cette année, l’ancien directeur de la Financial Services Authority britannique, Adair Turner affirmait aussi vouloir «briser le tabou» et se disait en faveur d’un système où l’État et la banque centrale seraient responsables de la création monétaire. L’Islande a aussi étudié la question il y a un peu plus d’un an (http://tinyurl.com/zggd52t).

Un prêteur sur gages

Mervyn King propose quelque chose d’un peu différent. Il est en effet favorable au Plan de Chicago, notamment parce qu’il permettrait que la monnaie redevienne un «véritable bien public». Par contre, il note que la formule serait non seulement difficile à mettre en place (politiquement), mais qu’elle n’éliminerait pas complètement la possibilité qu’une banque soit en manque de liquidités. Même avec des réserves à 100 %, les banques devront encore emprunter à court terme pour financer des prêts à long terme. En cas de problèmes économiques graves, ou de panique, la banque centrale sera encore appelée en renfort pour offrir une «assurance catastrophe».

C’est pourquoi Mervyn King propose de remplacer le rôle de «prêteur de dernier recours» que les banques centrales jouent actuellement par un rôle de «prêteur sur gages pour toutes saisons».

Parce que les banques centrales se retrouvent, en temps de crise, à devoir prêter de l’argent en échange d’actifs «médiocres», Mervyn King propose de faire payer cette «assurance liquidités» à l’avance. La banque présenterait ainsi, au préalable, les actifs qu’elle pourrait mettre en garantie advenant une crise de liquidités. La banque centrale déterminerait ensuite la décote à appliquer : par exemple, 50 % pour des prêts non liquides et 10 % pour des actifs relativement liquides. Le montant ainsi évalué par la banque centrale équivaudrait à une fraction des actifs initiaux de l’institution.

Mervyn King propose de limiter l’endettement (le levier) des banques précisément à ce montant. Autrement dit, les actifs liquides déterminés par la banque centrale seraient obligatoirement égaux ou supérieurs aux emprunts de la banque.

Un horizon de 20 ans

Mervyn King entrevoit une assez longue période pour mettre en place une telle réforme. «Ça peut prendre 20 ans pour éliminer complètement l’alchimie dans notre système, mais il n’y a pas de raison de retarder le début du voyage», insiste-t-il. «Dans 50 ans, est-ce que nos petits-enfants nous demanderont pourquoi on n’a pas eu le courage de mettre en place des réformes pour éviter une nouvelle crise ? J’espère que non.»