Si Québec va de l’avant avec sa loi, il se prépare des lendemains douloureux marqués par une détérioration du climat social, ont-ils prévenu, sur un ton menaçant qui a fortement déplu au gouvernement.

En point de presse, jeudi matin, en marge de la commission, certains d’entre eux ont une fois de plus rejeté catégoriquement ce projet de loi, s’estimant floués par le gouvernement, qui a orchestré selon eux un exercice de consultation complètement bidon, transformé en dialogue de sourds.

Le président de la Coalition syndicale pour une libre négociation, Marc Ranger, a traité le maire de Québec, Régis Labeaume, d’« amuseur public ». Le maire Labeaume était venu la veille se poser en ardent défenseur du projet de loi 3, donnant un appui inconditionnel au gouvernement. Il a piqué au vif les syndiqués en traitant ceux qui ont vandalisé l’hôtel de ville de Montréal lundi soir de « soldats prorusses en Crimée ».

Le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, a qualifié la commission de farce. Le gouvernement, qui « ne respecte rien », est en train de mettre la table pour « des perturbations sociales importantes », selon lui. « Le diable est aux vaches! », a-t-il dit.

La veille, la vice-présidente de la CSN, Francine Lévesque, avait tenu le même discours alarmiste, disant que la paix industrielle était menacée au Québec.

Plus tôt, en point de presse jeudi matin, le ministre des Affaires municipales, Pierre Moreau, avait mis le feu aux poudres en reprochant aux syndicats de rejeter le projet de loi 3 sans jamais proposer de solution de rechange.

« Moi, je m’attends à ce que les gens me disent quelles sont leurs solutions pour régler le problème », a fait valoir le ministre parrain du projet de loi qui fait l’objet d’une consultation jusqu’à mardi.

Par la suite, le premier ministre Philippe Couillard en a remis: « Je suis toujours à la recherche d’arguments de fond » dans le discours syndical, a-t-il dit, en conférence de presse conjointe avec la première ministre de l’Ontario.

« Je n’entends pas parler des contribuables », a-t-il ajouté, faisant référence au fait que si rien ne bouge ce sont les contribuables qui devront assumer les déficits des régimes de retraite, un scénario qu’il est bien déterminé à écarter.

« J’entends des gens dire: le statu quo n’est pas acceptable. Mais je n’entends pas la suite des choses », avait déploré le ministre Moreau, déclenchant aussitôt l’indignation des leaders syndicaux présents.

« C’est faux, il ment » à la population en tenant de tels propos, a répliqué Marc Ranger, furieux.

« On a plein de solutions à proposer et il les connaît déjà », a-t-il fait valoir, en ajoutant que, par exemple, l’idée d’inclure un fonds de stabilisation des régimes de retraite dans le projet de loi venait des syndicats. « C’est notre proposition! C’est notre idée! », a-t-il martelé.

« Notre degré de frustration monte, parce que le dialogue de sourds est d’un côté seulement », a ajouté celui qui estime que Québec se dirige tout droit vers un cul-de-sac dans ce dossier.

« Cette commission-là, c’est une farce! », a renchéri Yves Francoeur, de la Fraternité des policiers de Montréal, convaincu que l’affaire est déjà classée et que le projet de loi 3 sera adopté tel quel, quelles que soient les objections du monde syndical.

Yves Francoeur a eu droit par la suite aux remontrances du ministre Moreau, qui lui a réservé une leçon de choses.

Le ministre n’a pas du tout apprécié « « les menaces de perturbations sociales » proférées par le président syndical et il ne s’est pas gêné pour lui rappeler son serment de policier en commission parlementaire.

Prenant la chose de haut, Pierre Moreau lui a dit qu’il ne pouvait pas aborder l’étude du projet de loi avec l’attitude: « si ça fait pas mon affaire, je casse tout ».

Il a ajouté que celui qui ne fait aucune suggestion « ne peut pas se plaindre de ne pas être écouté ».

Plus tôt, le président du Regroupement des associations de pompiers du Québec et porte-parole des pompiers de Montréal, Ronald Martin, avait mis son grain de sel, en traitant le maire Régis Labeaume de « démagogue » dans ce dossier.

Durant son témoignage en commission, le regroupement a affirmé que les déficits passés des régimes de retraite municipaux devraient être assumés entièrement par les contribuables. Le projet de loi veut plutôt partager la note entre les employeurs et les employés.

Avec la remise en cause de l’indexation des rentes de retraite, la question qui consiste à savoir qui doit acquitter la facture des déficits passés est au coeur de la controverse autour du projet de loi.

En milieu syndical, on tient pour acquis que le gouvernement n’avoue pas ses véritables motivations et qu’il cherche à assainir les finances municipales et non les régimes de retraite, a soutenu le président de la Fédération des policiers municipaux du Québec, Denis Côté.

Ce point de vue a été repris par Yves Francoeur, de la Fraternité des policiers de Montréal. 

Changement de ton

Toutefois, le ministre Pierre Moreau a affirmé vendredi que les discusions des derniers jours avaient ouvert la porte à la possibilité de revoir la position du gouvernement en ce qui a trait aux régimes en bonne santé.

Marc Ranger, porte-parole de la Coalition pour la libre négociation, a par la suite réagi positivement à cette déclaration en mentionnant qu’elle représentait un « changement de ton ».