La course à la technologie
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La majorité des cabinets indépendants utilisent une solution développée par un fournisseur de logiciels externe. Ce n’est pas le cas des banques, dont les services internes d’informatique sont appelés à jouer un rôle de premier plan.

À la Banque Nationale, par exemple, de 10 à 15 systèmes informatiques différents sont concernés par la mise en application des règles du MRCC 2. Le développement d’éléments technologiques, tels que des interfaces entre les différents systèmes, était requis afin de permettre la collecte, l’analyse, puis la diffusion de l’information de manière conforme, confirmait Lise Dupont, vice-présidente, Initiatives d’affaires à la Financière Banque Nationale – Gestion de patrimoine, lors d’un entretien avec Finance et Investissement il y a un an.

De l’autre côté du spectre, la plupart des courtiers sont épargnés par les questions liées au développement ou à la mise à niveau de leurs systèmes technologiques.

«Chez nous, l’impact en matière technologique est relativement minime, témoigne Normand Morin, directeur général chez Excel Gestion Privée. Winfund, notre fournisseur de logiciels d’arrière-guichet, adapte nos systèmes pour que nous puissions satisfaire les exigences de la réglementation. Nous nous sommes aussi assurés que nos serveurs soient plus performants et que nos connexions Internet soient plus fiables.»

Même son de cloche chez Groupe Cloutier, qui considère que le «défi d’arriver à fournir l’information se trouve davantage entre les mains de Winfund et des sociétés de fonds, qui doivent d’abord nous envoyer les bonnes informations afin que nous soyons en mesure de produire les relevés de compte correctement», indique François Bruneau, vice-président, administration et investissement, au Groupe Cloutier.

Malgré tout, François Bruneau considère la phase trois de l’implantation comme étant la plus exigeante sur le plan technologique. «Les deux premières phases avaient nécessité quelques petites modifications, des ajustements au vocabulaire et l’ajout d’explications sur les relevés. Cette fois, il s’agit d’afficher de la nouvelle information et c’est une démarche majeure.»

Dans le cadre de la dernière phase du MRCC 2 entrée en vigueur le 15 juillet 2016, les courtiers doivent notamment

faire parvenir aux investisseurs deux nouveaux rapports : le Rapport sur le rendement des placements et le Rapport sur les frais et les autres formes de rémunération.

Winfund, qui propose un module de conformité s’intégrant à sa plateforme de gestion du patrimoine, a mis sur pied un groupe de travail avec plusieurs courtiers afin de développer les relevés requis par les besoins du MRCC 2.

Chez Croesus, une entreprise de technologie spécialisée en solutions de gestion de portefeuille et de relation client, plusieurs relevés correspondant aux obligations législatives imposées par le MRCC 2 étaient déjà pris en charge par le logiciel. Les autres, notamment ceux qui touchent les calculs de performance, auront été modifiés au moment voulu. Raymond James, de même que CIBC Wood Gundy, figurent au nombre des clients de Croesus.

La situation est similaire chez Univeris, un autre développeur de logiciels de gestion d’arrière-guichet, qui compte Desjardins et iA Groupe financier parmi ses clients. Le travail préparatoire en prévision de la mise en oeuvre du MRCC 2 est amorcé depuis quelques années déjà.

Du côté d’InvestorCOM, une entreprise de solutions de communication à l’investisseur, sa solution InvestorPOS, utilisée notamment par Russell Canada, est adaptée aux exigences de divulgation requise par les règles du MRCC 2, de l’Aperçu du fonds et des modalités de mise en oeuvre de l’information à fournir au moment de la souscription.

Soutenir le conseiller

Si la phase de développement des nouvelles fonctionnalités s’effectue en amont dans le processus et concerne principalement les firmes de programmation, il en va autrement de leur implantation au sein du cabinet qui doit tester et approuver les nouveaux relevés de compte. La plupart des firmes feront parvenir à leurs clients au début de l’année 2017 le premier relevé conforme au MRCC 2 comprenant les informations relatives à l’année civile 2016.

«Bien que nous sachions quelles informations seront ajoutées aux formulaires, comment nous voulons que ces informations apparaissent et quels graphiques nous voulons faire produire, Winfund en est encore au développement du visuel», signale François Bruneau au moment de l’entretien, en juillet dernier.

«Nous sommes donc un peu tributaires des échéanciers de Winfund, mais au début de l’automne, nous serons probablement en mesure de fournir une ébauche de relevés à nos conseillers et d’amorcer la formation auprès d’eux afin de leur expliquer exactement ce que leurs clients vont recevoir comme documentation», explique-t-il.

Idem pour Normand Morin, qui s’attendait quant à lui à avoir accès aux différents relevés avant la fin de l’été, et ainsi à bénéficier d’une fenêtre de plusieurs mois pour produire des tests, les vérifier et valider que les informations soient correctes. Il estime toutefois que l’impact de ces changements sera surtout ressenti par les conseillers, «qui doivent préparer leurs clients aux nouveaux relevés».

Plusieurs sociétés concernées ont d’ailleurs développé des formations et du matériel afin de fournir à leurs conseillers «du vocabulaire et une structure», selon Normand Morin. «Nous préparons nos conseillers depuis deux ans», dit-il.

Excel Gestion Privée a notamment développé du matériel qui permet à ses conseillers d’expliquer qui touche quels frais ou quelle rémunération, et comment le tout est réparti entre la société de fonds, le courtier et le représentant, quelle est la portion attribuable aux taxes, et quelles dépenses sont applicables à chacune des parties ; de même que les différents types de frais, par exemple le ratio de frais de gestion (RFG).

Certaines sociétés concernées ont toutefois recours à des entreprises spécialisées en formation et accompagnement. Par exemple, la firme ontarienne CRM2 Navigator, spécialisée dans le développement de formations et d’outils destinés au MRCC 2, produit du matériel accessible en ligne conçu pour la formation des conseillers et qui peut être utilisé directement lors de conversations avec les investisseurs.

Selon le site Internet de CRM2 Navigator, les outils sont conçus de manière à amener le conseiller à bien comprendre sa valeur, à articuler celle-ci en détail et à la communiquer. Placements Manuvie et Fidelity Investments figurent au nombre des clients de CRM2 Navigator.

Toute cette préparation n’est pas superflue, estime Ian Russell, président et chef de la direction de l’Association canadienne des valeurs mobilières (ACCVM). «La grande quantité d’informations fournies et, dans certains cas, des informations dissemblables (le calcul du rendement du portefeuille) dérangeront, étonneront et désorienteront les clients», a-t-il écrit dans l’édition de juillet 2016 de sa lettre mensuelle.

Selon lui, en raison des investissements en technologie et de l’augmentation importante des coûts de conformité liés aux nouvelles règles de mise en oeuvre du MRCC 2 et du régime d’information au moment de la souscription, il «est inévitable que les coûts, les honoraires et les frais soient plus élevés pour tous les clients de détail».

La valeur du conseiller

Les firmes de courtage assujetties ont jusqu’au 14 juillet 2017 pour présenter au client le montant des frais qu’ils perçoivent ainsi que leur rendement. Cette obligation de divulgation inciterait nombre de conseillers à transformer leur pratique afin d’adopter la rémunération par honoraires.

L’ouverture des conseillers face aux changements a surpris François Bruneau, de même que la vitesse à laquelle ils ont transformé leur pratique. «Nous avions tenu des sondages auprès de nos conseillers pour voir s’ils croyaient que la mise en oeuvre du MRCC 2 allait changer leur pratique, et ils nous ont affirmé que non. Mais dans la réalité, la situation s’est complètement renversée au cours des deux dernières années.»

François Bruneau attribue cette transition à la croissance du nombre de plateformes de gestion privée. «Parmi nos partenaires majeurs, plusieurs ont développé de belles plateformes qui nous donnent accès à des comptes importants, qui auparavant s’en allaient automatiquement chez des courtiers en valeurs mobilières. Évidemment, il s’agit de plateformes à honoraires.»

Différents outils technologiques permettent de faciliter cette transition. La mise en oeuvre du MRCC 2 a, par exemple, incité Kronos Technologies à effectuer une mise à jour majeure de son logiciel Kronos ABF, de manière à offrir une solution en matière de planification financière avancée.

«Le MRCC 2 nous a amenés à travailler sur deux éléments : la divulgation des frais, puis le changement du rendement», confirme François Levasseur, président-directeur général de Kronos Technologies.

«Pour la divulgation des frais, nous aidons le conseiller à maximiser la valeur de son service-conseil et à justifier sa rémunération en lui fournissant des outils technologiques qui génèrent par exemple des rapports détaillés contenant des optimisations fiscales.»

En ce qui a trait au rendement, Kronos Technologies prévoit lancer un outil accessible en ligne, qui permettra au conseiller d’expliquer à son client la différence affichée du rendement de son portefeuille, calculé selon un rendement pondéré en fonction des flux de trésorerie, ou un rendement pondéré en fonction de la durée.

«Kronos Technologies est spécialisée en développement de systèmes de relations clients et ce n’est pas notre rôle de calculer le rendement, mais il s’agit d’une application vraiment accessible qui sera significative pour le conseiller», avance François Levasseur.