Après avoir atteint un creux de 1 046 $ US l’once en décembre 2015, le prix de l’or a rebondi jusqu’à un sommet de 1 358 $ US en août 2016, puis est redescendu à 1 128 $ US en décembre dernier. Depuis, il connaît une belle poussée (1 235 $ US le 10 février).

On a attribué en bonne partie cette progression à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, mais ce n’est peut-être pas pour les raisons auxquelles on pense.

«L’or procure une bonne couverture contre l’inflation et la déflation, mais il n’est pas particulièrement efficace en cas de risque politique», explique Paul Wong, gestionnaire de portefeuille principal chez Sprott Asset Management, à Toronto.

L’effet d’un risque politique sur le prix de l’or n’est pas direct. Il se produit seulement si ce risque a un impact sur les taux d’intérêt, ajoute-t-il.

Facteurs favorables

Ainsi, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump agit simplement comme un catalyseur d’autres facteurs, notamment une remontée des taux d’intérêt qui se confirme.

Déflation et inflation sont toutes deux favorables à l’or, mais la balance penche actuellement davantage du côté de l’inflation, jugent les analystes. Cela tient essentiellement à la situation de l’économie américaine et aux politiques potentielles de Donald Trump.

En effet, le taux de chômage officiel de 4,8 % aux États-Unis annonce une pression à la hausse sur les salaires, ce qui provoque habituellement de l’inflation.

Par ailleurs, de possibles hausses de tarifs douaniers pour les biens et services du Mexique, et l’éventualité d’une «guerre» commerciale avec la Chine, entraîneraient des hausses de prix, et partant, de l’inflation.

Attention aux FNB

L’activité au sein des fonds négociés en Bourse (FNB) constitue un autre facteur crucial de l’évolution du prix de l’or, car elle amplifie sensiblement la volatilité du secteur, indique Robert Cohen, vice-président chez Gestion d’actifs 1832.

Les FNB agissent comme des banques centrales, en achetant et en vendant de l’or. Par contre, ils le font de façon indisciplinée, non progressive, en appuyant à fond sur l’accélérateur, contrairement aux banques centrales, explique Robert Cohen, qui gère le Fonds de métaux précieux Dynamique. Ce fonds se classe au 4e rang des fonds communs les plus performants du Canada pour les trois dernières années (+ 106,5 %), selon Barchart.

D’après Robert Cohen, la montée du prix de l’or au cours des années 2000 tient en grande partie aux FNB qui ont accumulé 2 600 tonnes d’or, surtout sous l’impulsion des fonds de couverture qui ont fait des achats massifs de FNB.

Puis, en 2013, les fonds de couverture et d’autres investisseurs ont liquidé leurs positions, ce qui a provoqué des ventes de 913 tonnes. «C’est comme si la Suisse ou la Russie vendaient toutes leurs réserves en un an, souligne Robert Cohen. Ainsi, la débandade de 2013 tient, aux deux tiers, au rôle qu’ont joué les FNB.»

En 2015, le retour des investisseurs a entraîné des achats de 400 tonnes. «Soyez vigilants face aux FNB», conseille-t-il.

Autre facteur déterminant du prix de l’or : le niveau du dollar. «Quand le dollar plonge, le prix de l’or plonge aussi, note Robert Cohen. C’est pourquoi je suis toujours son prix en dollars canadiens, pas en dollars américains.»

Enfin, dernier facteur important : la volatilité des marchés des actions. «Actuellement, l’indice VIX [qui mesure la volatilité du marché financier américain] est à un bas de 10,85 (au 10 février). Au fur et à mesure que la volatilité des marchés augmentera, le prix de l’or s’activera lui aussi», juge Robert Cohen.

D’autres métaux à surveiller

D’autres métaux précieux ont leur vie propre, plus particulièrement l’argent et le palladium. Le prix du premier suit toujours de près celui de l’or, mais avec un «effet de levier «, indique Benoît Gervais, vice-président principal, Gestion des placements, de Placements Mackenzie. Pour lui, «l’argent est un peu comme une option sur l’or».

«Quand le prix de l’or monte de 10 %, l’argent, lui, montera de 12 %», précise d’ailleurs Paul Wong.

On doit aussi s’intéresser au palladium, un composant important des convertisseurs catalytiques dans les autos, mais qui se fait de plus en plus rare, selon Paul Wong.

Cela fait que, tandis que les prix de l’or et l’argent dégringolaient de 2013 à 2015, le prix du palladium demeurait très stable. Cela signifie qu’il a «surperformé face à l’or et à l’argent, dit-il. Les conditions sont très propices à une montée de ce métal».

Miser sur différentes tailles

Dans un portefeuille de métaux précieux, la première diversification à considérer est celle de la taille des sociétés qui le composent, plus que tout autre type de diversification, géographique par exemple.

«C’est le problème des aurifères : elles sont très spéculatives, un facteur qu’on atténue par la diversification de la taille des entreprises», indique Onno Rutten, vice-président, Gestion de placements, de Placements Mackenzie.

La création de valeur provient des petites sociétés d’exploration, la croissance vient des sociétés moyennes, et la stabilité, des grandes sociétés, explique Onno Rutten.

Ainsi, l’actif du fonds Catégorie mondiale métaux précieux IG Mackenzie est réparti assez également entre les trois tailles d’entreprises. Pour sa part, un fonds comme celui de Paul Wong (le Fonds aurifère et de minéraux précieux Sprott) mise environ à 50 % sur les sociétés de petite et moyenne capitalisations.

Les 10 principaux titres détenus varient considérablement d’un gestionnaire à l’autre.

En outre, la canadienne Agnico Eagle obtient la préférence du Fonds de métaux précieux Dynamique et de Mackenzie parmi les grandes capitalisations.

«La direction est très bonne et fait preuve de beaucoup de discipline, souligne Onno Rutten. On n’en a pas vu autant chez les autres producteurs qui alignent les mauvaises acquisitions et les mauvais projets, comme Kinross, par exemple.»

Dans les moyennes capitalisations, le producteur ontarien Detour Gold représente la position la plus importante, soit 9,6 % du portefeuille, pour une raison majeure : «Une mine qui a 25 ans de réserves, c’est spécial, note Onno Rutten. Il est rare que les réserves dépassent 10 ans. De plus, l’entreprise bénéficie d’un très grand territoire, ce qui lui donne la possibilité d’autres découvertes».

Pour les petites capitalisations, les choix des portefeuillistes que nous avons interviewés vont dans différentes directions.

Robert Cohen donne préséance à Pretium Resources – société retenue aussi par Paul Wong -, ainsi qu’à TMAC Resources.

«Il s’agit de nouvelles mines qui commencent leurs activités au Nunavut, précise Robert Cohen. Je prévois qu’elles dépasseront les attentes. Elles sont à une étape de démarrage durant laquelle le marché se montre sceptique en général, mais se réchauffe si les choses se confirment. Je trouve que c’est un sweet spot pour un investisseur.»