Cependant, selon les ACVM, le fait de se contenter de déclarer un conflit reste un «mécanisme d’atténuation inadéquat». Ils proposent que les sociétés implantent des mécanismes qui visent à les repérer, à les contrôler et à les éviter.

«Les commissions, l’appréciation du rendement et les cibles de vente, et […] les promotions et l’évaluation du volume d’affaires des représentants à diverses fins (par exemple, la retraite et les primes) peuvent entraîner des conflits d’intérêts significatifs entre les sociétés ou les représentants et leurs clients», mentionne le document de consultation.

C’est pourquoi le groupe de régulateurs, dont l’Autorité des marchés financiers (AMF) fait partie, soutient que les courtiers devraient «intégrer des mesures incitatives qui permettent de verser une certaine rémunération aux représentants même s’ils conseillent aux clients de « ne rien faire », si cette recommandation est convenable».

Les sociétés devraient également surveiller étroitement les représentants qui s’approchent de seuils qui «leur attribuent un pourcentage plus élevé dans la grille de rémunération ; leur donnent droit à une prime finale ; entraînent une augmentation rétroactive des commissions perçues sur des opérations exécutées au cours de l’année si une cible donnée est atteinte ; leur donnent droit de participer à un club de reconnaissance, comme un « club du président ».»

«Il est raisonnable que le client soit informé que son courtier/représentant peut avoir un avantage financier à recommander un produit plutôt qu’un autre, indique Maxime Gauthier, chef de la conformité chez Mérici Services Financiers. Le courtier/représentant doit divulguer au client quels sont ses intérêts à recommander un produit et son lien avec le manufacturier.»

Les ACVM proposent d’encadrer les représentants qui ont aussi le droit de distribuer des produits bancaires ou des contrats d’assurance afin de gérer le risque d’arbitrage réglementaire : «Si un représentant recommande à un client d’investir dans un produit financier autre qu’un titre, par exemple un fonds distinct, et que le client peut supposer qu’il envisageait de placer des titres, le représentant doit être en mesure de démontrer qu’il a géré le conflit découlant du fait qu’il détient deux permis.»

Encadrement des produits maison

Selon les ACVM, certaines pratiques commerciales entraînent des «conflits d’intérêts importants» comme celui de verser une rémunération plus élevée pour des produits maison plutôt que pour des produits de tiers. C’est également le cas lorsque les coûts engagés par les courtiers dans le cadre du placement de titres d’un émetteur sont remboursés.

De plus, selon les ACVM, dans le cas des firmes qui négocient des produits exclusifs, l’avantage qui les pousse à les recommander donne lieu à un conflit d’intérêts.

C’est pourquoi le groupe de régulateurs envisage plusieurs divulgations pour les produits maison. Entre autres, le client devrait savoir si une société ne distribue que des produits exclusifs et si d’autres produits pourraient être meilleurs, pires ou équivalents.

Maxime Gauthier juge cette proposition raisonnable : «Trop de gens ignorent les contraintes en matière de distribution qui ont cours dans plusieurs réseaux».

Or, selon Gaétan Veillette, Fellow administrateur agréé et planificateur financier, «il est faux de croire qu’en général, les produits maison sont moins convenables ou concurrentiels que les produits de distribution par courtage».

«Certains courtiers concentrent l’actif de leur client dans une quantité restreinte de produits financiers», prétend-il.

Les ACVM proposent que les firmes qui distribuent à la fois des produits maison et ceux de manufacturiers externes indiquent au client la proportion de produits exclusifs offerts.

«Cela évite qu’un courtier qui ne distribue que des produits maison se cache sous l’étiquette de courtier indépendant en acceptant de distribuer de façon marginale quelques produits externes», commente Maxime Gauthier.

Gaétan Veillette affirme quant à lui que la notion de produits maison est fondée sur «un préjugé défavorable alimenté par le milieu du courtage». «Cette notion peut fausser la perception du consommateur, qui y associe une restriction de la gamme de produits. Beaucoup de produits à distribution exclusive s’avèrent d’excellents choix pour le client», note-t-il.

Par ailleurs, les ACVM s’attendent à ce que les sociétés et les représentants captifs s’assurent non seulement que les produits qu’ils recommandent conviennent au client, mais aussi, qu’ils résolvent «ce conflit d’intérêts au moyen de contrôles rigoureux qui l’atténuent efficacement, et qu’ils ne se contentent pas de le déclarer».

Relation claire

Les ACVM envisagent également d’obliger les courtiers et les représentants d’exercice restreint à divulguer au client qu’ils n’offrent qu’une gamme limitée de produits. C’est le cas notamment des courtiers en épargne collective et du marché dispensé.

Tout comme pour les produits maison, ils devront indiquer que leur évaluation de la convenance «ne tient pas compte d’une gamme complète de produits» et que ces autres produits pourraient être meilleurs, pires ou équivalents.

En outre, une firme de courtage de plein exercice devra déclarer si elle a été engagée par des émetteurs pour trouver des acheteurs pour leurs titres ; si elle est l’unique placeur pour les émetteurs ; et si elle offre des titres qui ne sont généralement pas liquides.

Gaétan Veillette met en garde les régulateurs contre la tentation de trop miser sur la divulgation : «plus le consommateur reçoit de l’information, moins il est enclin à la lire en profondeur. Un excès d’information est aussi grave qu’un manque d’information».

Par ailleurs, les ACVM envisagent de modifier la législation québécoise en créant «une obligation fiduciaire légale pour les personnes inscrites qui gèrent le portefeuille d’un client sous mandat discrétionnaire.» Selon Investor Economics, l’actif canadien dans ce type de compte est passé de 47,1 G$ en décembre 2010 à 134,6 G$ en juin 2015.

Les ACVM recueilleront les commentaires sur l’avis jusqu’au 26 août.