Unigestion : bientôt 10 % de ses actifs issus du Canada
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Installée au Canada en 2014 avec l’ouverture d’un bureau à Toronto, puis à Montréal, Unigestion a récolté jusqu’ici des mandats pour un montant de 2,1 G$ au 31 août 2016, ce qui représente 8 % de ses actifs, selon Fiona Frick, présidente du groupe Unigestion.

Au nombre de ses clients locaux, citons notamment Desjardins, l’Université du Québec, de même que le Saskatchewan Healthcare Employees’ Pension Plan (SHEPP).

Il s’agit d’une croissance relativement rapide, notamment si l’on considère que l’implantation d’Unigestion au Canada relève du hasard. « Nous avons beau nous croire très stratège comme chef d’entreprise, des fois les choses ne se font pas forcément comme on s’y attendait. Nous avons été invités à participer à un appel d’offres par Desjardins, que nous avons gagné, et c’est en rendant visite à Desjardins que nous avons commencé à voir d’autres gens, puis à grandir ici », rappelle Fiona Frick.

Selon elle, le Canada se distingue des autres régions du monde par son côté innovateur et entrepreneur.

« Dans certaines régions du monde, par exemple en Asie, il est très important d’être une grande maison pour avoir des clients. Si vous n’êtes pas Goldman Sachs ou une firme de cette stature, vous avez peu de chances de percer, illustre Fiona Frick. Nous, on se considère encore comme une boutique même si nous avons plus de 20 G$ d’actif sous gestion et au Canada, vous êtes beaucoup plus portés à découvrir de nouveaux styles de gestion dans des boîtes qui sont plus petites, plus flexibles, et dont l’approche du service client sera davantage sur mesure ».

Le Canada se distingue aussi par son côté précurseur, avance-t-elle. « Pour une personne comme moi qui vient avec mon chapeau européen, on constate au Canada un degré d’avancement par rapport à la sophistication de la gestion du portefeuille, qui est flagrant. C’est d’autant plus vrai dans le cas des actifs privés et principalement en matière d’infrastructures. Le Canada a été très précurseur par son approche sur certaines classes d’actifs privés comme l’infrastructure et je crois que c’est là que l’Europe devrait aller ».

Les défis du Brexit

Fiona Frick est étonnée de constater que les marchés n’aient pas davantage été secoués à la suite du vote sur le Brexit. « Ce fut une très mauvaise nouvelle pour la Grande-Bretagne et pour l’Europe et l’on sent qu’il n’y a plus la même cohésion. Quant aux négociations sur le Brexit, nous n’avons aucune idée de la manière dont elles vont tourner. Tout le monde joue l’attitude des négociations « dure », mais au final personne ne connaît les règles du jeu ».

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Selon elle, aussi bien la Grande-Bretagne que le reste de l’Europe seront touchés par une accentuation de l’incertitude politique et économique au cours des deux prochaines années, puisque le développement de l’Union européenne devient lui-même hésitant. « Au sein même de l’Angleterre, on ignore si le résultat du référendum serait le même aujourd’hui et pourtant, il n’est pas impossible que d’autres pays s’engagent dans une voie similaire ».

L’un des problèmes, selon Fiona Frick, tient au fait qu’il n’y a pas de politique économique commune. Elle explique cette situation par le fait que « vous avez des pays qui sont dans des parties de cycle économique différentes, l’Allemagne étant par exemple dans une bien meilleure situation que l’Italie ou la France. »

En conséquence, elle observe une forme d’affrontement entre deux écoles de pensées. « Il y a deux visions qui s’affrontent en Europe et à travers la politique mises de l’avant par les banques centrales. Il y a l’école allemande, qui tend plutôt vers l’austérité, et une autre qui vise à aller de l’avant avec des investissements, incarnée par Mario Draghi, ex-gouverneur de la Banque d’Italie et actuel président de la Banque centrale européenne (BCE). Cette seconde école privilégie la croissance des dépenses, notamment en matière d’infrastructures, pour relancer l’économie. »

La politique de Draghi a toutefois jusqu’ici mené à des taux d’intérêt qui mettent l’économie et le secteur bancaire en danger, signale Fiona Frick.

Chez Unigestion, le vote pour le Brexit n’a pas suscité d’impact d’un point de vue corporatif, estime Fiona Frick, bien que la firme helvète opère un bureau à Londres et un autre à Paris. Ces bureaux regroupent respectivement une quarantaine, puis une dizaine d’employés.

« Quoiqu’il arrive avec les suites du Brexit, nous aurons une couverture sur le marché européen par notre bureau français, et nous aurons toujours envie d’avoir beaucoup de gens à Londres », dit-elle.

Il s’agit à la fois d’un gisement de candidats dans lequel nous trouvons beaucoup de talents, et il s’agit également d’un marché très important pour nous, puisqu’il s’y trouve 30% de nos clients, indique Fiona Frick.

En ce qui a trait au portefeuille, Unigestion a pris quelques protections optionnelles depuis juin, « parce qu’à cette époque, la volatilité sur les marchés n’appréciait pas le Brexit et du coup, nous nous sommes couverts », signale Fiona Frick.