Cependant, le chef des placements global chez Fiera Capital s’attend à une récession dans quelques années. Il conseille de surveiller les taux d’intérêt par rapport aux taux neutres pour prévoir si et, éventuellement, quand ce ralentissement de la croissance économique se produira.

Finance et Investissement (FI) : Pourquoi vous attendez-vous à une récession à la mi-2020 ?

François Bourdon (FB) : L’économie se porte très bien, les banques centrales comme la Réserve fédérale ont commencé à augmenter les taux. On pense qu’elles vont continuer de ce pas pendant encore plusieurs trimestres et qu’on va arriver à un moment où la hausse du taux d’intérêt aura un impact sur l’économie. L’année 2020 nous semble être un moment approprié : on n’est plus dans la première manche du cycle économique, on approche plus de la septième ou huitième manche. Donc, nous prévoyons deux ou trois ans encore sans récession.

FI : Quels indices économiques devrions-nous surveiller pour déterminer si cette récession se produira ou non ?

FB : Pour nous, l’élément le plus important est le niveau des taux d’intérêt par rapport aux taux neutres. Ç’a été un indicateur très utile pour nous lors de la dernière récession et au cours de celle d’avant. À ce stade-ci, le taux neutre va osciller entre 2 % et 3 %, donc si les taux d’intérêt se retrouvent en haut de cela, il faudra commencer à le regarder de plus près. Le signe qui nous laissera croire que les banques centrales vont augmenter les taux d’intérêt, c’est l’inflation. On pense que l’inflation sera un élément crucial et, pour notre part, on est d’avis qu’elle va augmenter et probablement se situer au-dessus de 2 % pour l’année 2018. Cela aura pour résultat que la Banque du Canada, tout comme la Réserve fédérale, va augmenter ses taux.

FI : Vous estimez que les décisions de placement non traditionnelles offriront un meilleur rapport risque-rendement. Quelles stratégies vous intéressent plus particulièrement ?

FB : Nous pensons que les stratégies non traditionnelles vont donner de bons résultats, parce que les stratégies traditionnelles comme les obligations et les actions se sont extrêmement bien illustrées au cours des 30 dernières années, particulièrement depuis la crise de 2008. Donc, il n’y a pas beaucoup de jus. Selon nous, les stratégies non traditionnelles vont produire de bons rendements, parce qu’elles sont moins tributaires de la baisse des taux d’intérêt que les obligations et, jusqu’à un certain point, que les actions. Une de nos stratégies préférées, c’est l’agriculture. C’est une nouvelle stratégie où il y a d’importants besoins de capitaux et où la circonstance d’offre et de demande est attrayante. Selon nous, l’augmentation de la classe moyenne dans les pays en développement va contribuer à une forte hausse de la demande. De plus, la disponibilité des terres arables est en diminution constante, et en investissant dans l’agriculture, on peut améliorer la productivité et potentiellement bénéficier de prix à l’heure. C’est la stratégie qu’on pense être la plus porteuse.

On aime aussi les fonds de couverture, qui ne sont vraiment pas recherchés ces jours-ci. C’est sûr que quand les marchés boursiers augmentent de 10 à 15 % par année, on ne regarde pas vraiment les stratégies de couverture. Mais dans un environnement plus normal, auquel on s’attend dans les prochaines années, la demande en stratégies de couverture devrait reprendre.

FI : Quelles sont les perspectives pour le revenu fixe dans les 12 à 24 prochains mois ?

FB : Pas très bonnes, je vous dirais. Comme je l’ai mentionné, on s’attend à ce que les taux soient à la hausse, que la Banque du Canada commence à augmenter ses taux de façon plus énergique l’an prochain, que l’inflation soit plus élevée. De plus, au même moment, on se retrouve avec des écarts de crédit aux entreprises assez serrés. Cela ne laisse pas beaucoup d’espace pour réaliser de gros rendements d’obligations pour l’année 2018.

FI : Quels signes vous font croire que les banques centrales vont relâcher leur approche interventionniste ?

FB : On pense que les après de la crise de 2008 sont maintenant derrière nous. L’économie va beaucoup mieux. L’inflation commence à s’améliorer, donc il n’y a plus de raison de soutenir l’économie par des politiques monétaires beaucoup trop souples. Dans cet environnement-là, nous croyons que les banques centrales vont redevenir ce qu’elles étaient auparavant, qu’elles vont augmenter les taux pour les ramener à des niveaux plus neutres.

FI : Est-ce que la hausse récente, en septembre, du taux directeur de la Banque du Canada vous a surpris ?

FB : Un peu, en raison du moment où ça été effectué. On croyait qu’il était nécessaire d’augmenter les taux, mais on pensait qu’elle le ferait au mois d’octobre. Quand on regarde ça dans une perspective plus longue, que ça se fasse au mois de septembre ou au mois d’octobre n’a pas vraiment d’incidence, mais en gros, ça amplifie peut-être les problèmes de communication que la Banque connaît depuis un moment.