Mawer et son laboratoire de sélection des titres
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Des méthodologies éprouvées sont ce qui caractérise depuis longtemps Gestion de placements Mawer, permettant à cette firme de Calgary de remporter plusieurs prix. Mais les changements historiques et les progrès technologiques ont amené Mawer à mettre en place son laboratoire de recherche au début de 2015 pour améliorer son processus de sélection des titres et gérer 40 milliards de dollars (G$) d’actifs.

Prenez par exemple l’outil de Mawer nommé Moneyball, évoquant l’approche par les chiffres de Billy Beane, directeur général des A’s d’Oakland. Le recours à l’analyse statistique par M. Beane pour remettre d’aplomb l’équipe perdante de la Ligue américaine de baseball a initialement été rendue populaire dans le livre Moneyball, écrit par Michael Lewis, et ensuite dans le film du même nom mettant en vedette Brad Pitt.

Lors de l’analyse des avoirs du fonds, l’équipe de Mawer divise le processus de placement en trois étapes, dit Justin Anderson, chez Mawer depuis 2014 et analyste des actions faisant partie de l’équipe de quatre personnes du laboratoire de recherche.

Tout d’abord, ils surveillent le processus de filtrage afin de déterminer s’il ajoute de la valeur. La deuxième étape consiste à examiner le processus de diligence raisonnable, qui comprend l’analyse des flux de trésoreries actualisés, entre autres outils. Enfin, une fois qu’une action est initialement achetée, ils vérifient la performance de cette action lors des transactions suivantes.

« Chez Mawer, Moneyball consiste à évaluer chacun de ces trois segments, et à effectuer des tests statistiques pour déterminer d’où provient l’alpha », dit M. Andersen, vétéran de dix ans de l’industrie qui détient plusieurs diplômes universitaires, notamment une maîtrise en ingénierie aéronautique de l’Université MIT.

Par exemple, lorsqu’elle vérifie le segment des transactions, l’équipe de recherche regroupe toutes les parts qu’elle a achetées dans un portefeuille fictif et place toutes les parts qu’elle a vendues dans un deuxième portefeuille hypothétique. Ensuite, elle effectue des tests statistiques sur la performance des deux portefeuilles, afin de déterminer si les transactions ont ajouté de la valeur.

Un exemple d’acquisition est Suncor Énergie (SU), détenue dans le Fonds d’actions canadiennes Mawer (2,7 G$ d’actifs sous gestion). Elle a été acquise au lieu d’une autre compagnie énergétique et par la suite contribué davantage à la performance que l’action qui n’a pas été choisie. « Mais la grande question, c’est de savoir si quand on prend en compte toutes les transactions, et pas seulement une, est-ce que le portefeuille des achats surclasse celui des ventes? L’une des difficultés du placement, c’est qu’on ne peut jamais savoir si le choix d’une certaine action a été une bonne décision, dit M. Anderson. C’est comme au poker, c’est possible d’avoir une bonne main mais de perdre quand même, même si ça ne veut pas dire que l’on a pris la mauvaise décision. Mais la seule façon de comprendre ces procédés, c’est de les examiner d’un point de vue statistique. Et les preuves s’avèrent de plus en plus du côté de la diligence raisonnable. »

La création du laboratoire de recherche a été motivée par une source inattendue en la personne de Ed Thorp, un professeur de mathématiques retraité de Californie, compteur de cartes de blackjack et joueur de roulette qui n’a cessé de se réinventer pour toujours garder une longueur d’avance (et écrire le livre Beat the Dealer en 1966). M. Thorp a fini par tout laisser tomber pour s’impliquer dans l’arbitrage en bourse. « Il essayait toujours de trouver la prochaine occasion. Chaque fois que le marché devenait trop efficace dans un secteur, il allait voir dans un autre secteur. Il recherchait toujours un avantage », dit M. Anderson.

Premièrement, pour reprendre l’analogie du poker, dit M. Anderson, les gestionnaires d’actifs veulent « jouer à la bonne table » pour trouver les bonnes occasions. « Ils ne veulent pas se retrouver avec un groupe de joueurs agressifs, mais plutôt avec des joueurs plus faibles. Ensuite, il faut jouer une bonne partie, avec un bon processus et une stratégie disciplinée. »

M. Anderson ajoute que la stratégie est encore très simple. « Recherchez les entreprises intéressantes gérées par de bons gestionnaires et achetez les actions à un prix raisonnable. Tout ce qui change, c’est la façon dont on trouve ces compagnies. »

Une initiative portant le nom de « Productivity » (Productivité) est un autre instrument de la trousse d’outils du laboratoire de recherche. Grâce aux progrès de l’apprentissage soi-disant automatique, l’équipe a analysé les recommandations de 16 000 analystes de maisons de courtage dans le monde entier. Des tests effectués sur leurs succès et leurs échecs ont déterminé que seuls 4 %, soit environ 480 analystes, ont surclasssé les données aléatoires. « Il s’agit de gagner un avantage. Donc nous nous attachons à parler à ceux qui sélectionnent les actions », dit M. Anderson. « C’est notre façon de participer davantage aux meilleures idées. »

Un bon exemple est celui de PrairieSky Royalty (PSK), qui détient des droits miniers dans l’Ouest canadien et récolte des redevances sur les locations. L’une des questions principales dans l’analyse du laboratoire de recherche était de déterminer la compétitivité de l’industrie canadienne du pétrole et du gaz naturel par rapport à son homologue américaine. « Nous avons examiné le coefficient de renouvellement dans les rapports sur les réserves de toutes les compagnies nord-américaines et en avons conclu que l’industrie canadienne du pétrole et du gaz naturel continuait de demeurer concurrentielle par rapport aux États-Unis, et PrairieSky devrait bien s’en sortir », dit M. Anderson. Malgré l’examen par l’équipe de la qualité de la direction de PrairieSky et l’analyse des flux de trésorerie actualisés, l’analyse des réserves a représenté un élément clé de la décision d’achat. L’action, qui est détenue dans le Fonds d’actions canadiennes Mawer, est en hausse d’environ 33 % depuis son acquisition à la fin de 2016.

Parallèlement, l’équipe a utilisé un outil de filtrage appelé « autoDCF » pour analyser Tencent Holdings Ltd. (TCEHY), une firme chinoise de médias sociaux similaire à Facebook. « Elle a eu de bons résultats au test autoDCF car sa croissance était tellement élevée. Mais à examiner seulement le ratio cours-bénéfices, qui est un filtre traditionnel, ça aurait l’air moins bon car le ratio cours-bénéfices est très élevé », dit M. Anderson. Tout d’abord acquise à la fin de 2015, l’action est en hausse d’environ 66 % et détenue dans le Fonds d’actions internationales Mawer, coté 5 étoiles.

L’industrie des fonds s’étant intensifiée au fil des années, M. Anderson continue d’affirmer que le laboratoire de recherche est le moyen de faire face à la concurrence. « Pour nous, il s’agit de s’en tenir à l’essentiel. Mais ensuite on essayera de prendre de l’avance en utilisant les nouveaux outils disponibles grâce à la technologie. »