«Plusieurs voient dans le VIX ce qu’il n’est pas», avance Ron Meisels, président de la firme d’analyse technique Phases & Cycles, à Montréal.

«Il ne traduit pas un sentiment de peur ou d’autre chose ; il est simplement une mesure de volatilité.»

«Selon l’opinion populaire, un VIX de bas niveau présage d’une correction de marché, écrivait Steven Sears dans sa chronique du magazine Barron’s, à la mi-juin dernier. Rien n’est moins vrai. Le VIX est simplement l’expression d’une formule compliquée qui mesure la volatilité implicite d’options d’achat et de vente sur l’indice S&P 500. Ce que le VIX nous dit en réalité, c’est si les primes sur les options sont chères ou non.»

Ainsi, le VIX peut être bas, tandis que le marché américain, lui, peut être dans n’importe quel état : en hausse, en baisse ou en stagnation, explique Ron Meisels.

«Historiquement, il ne donne aucun signal, dit-il. Toutefois, ses mouvements soudains peuvent constituer un bon pronostic.»

Ainsi, Ron Meisels voit dans tout soubresaut accentué du VIX un précieux signal d’achat.

Il appuie sa proposition sur plusieurs exemples récents. En 2013, l’indice était monté à 21,91 le 28 juin, alors qu’il était à 12,26 six semaines plus tôt. En ce 28 juin, le S&P 500 était à 1560, et cinq semaines plus tard, il était monté à 1710.

Même phénomène au début de 2014. Partant de 12,28, le 15 janvier, le VIX avait bondi à 21,48 le 3 février. À la suite de ce saut, l’indice S&P 500 était passé de 1740 le 3 février à 1883 le 7 mars suivant.

Évidemment, avertit Ron Meisels, bien qu’il soit un important révélateur, le VIX est seulement un indice parmi une quinzaine d’autres sur lesquels il appuie ses analyses et ses pronostics.

Pour se «couvrir»

Le VIX est souvent utilisé dans le monde des fonds de couverture. C’est le cas chez RDA Capital, de Montréal. L’indice «est au coeur de notre stratégie pour la protection du portefeuille», indique François Magny, président fondateur de la firme de gestion de portefeuille qui a démarré en 2009.

Ce fonds investit essentiellement dans des titres à forte volatilité et couvre ses positions en achetant des dérivés du VIX, qu’il s’agisse de fonds négociés en Bourse (FNB) qui suivent le VIX ou de contrats à terme sur cet indice.

«Si nous essuyons des pertes dans nos positions longues, elles sont compensées par le VIX, qui va monter», explique François Magny.

Le recours à ce genre de produits découlant du VIX n’est cependant pas universel. Frankie Liu, de Blackheath Fund Management, à Toronto, qui gère un fonds de couverture investi essentiellement dans des options sur contrats à terme, ne trouve aucune utilité au VIX.

Selon lui, cet indice est essentiellement réactif, nullement anticipatif, et sert seulement à révéler l’écart entre volatilité implicite et volatilité réalisée.

«Il ne nous est pas particulièrement utile, dit-il, et quel que soit son niveau, il ne nous aide pas dans notre analyse.»

Creux inquiétant

Qu’on se serve du VIX pour l’analyse technique ou pour la stratégie de portefeuille, certains analystes de marché confirment la valeur «affective» du VIX en tant qu’«indice de la peur».

François Magny, par exemple, juge qu’on a tout lieu de s’inquiéter du creux historique où s’établit actuellement le VIX.

«Le marché actuel est trop calme, estime cet investisseur. Et le VIX est un peu trop bas pour témoigner de marchés sains.»

«Un jour, il va remonter de façon brutale. C’est comme les petites secousses avant un tremblement de terre majeur. Elles forcent les gens à rester attentifs. Il faut des corrections pour relâcher les tensions, sinon on est pris par surprise par la grande secousse», anticipe-t-il.

Jean-Pierre Couture, économiste et stratège, marchés émergents, chez Hexavest, abonde dans le même sens. En 2007, rappelle-t-il, le VIX a atteint un creux de 10,3. Au début de juillet 2014, il était à 10,8. «On se retrouve à des niveaux de complaisance extrême de 2007», dit-il.

Selon lui, une foule de signes indiquent que nous sommes au seuil d’une correction majeure, probablement d’une nouvelle crise financière.

Par exemple, l’indice P/E Schiller, qui mesure le ratio cours/bénéfice en tenant compte des bénéfices des 10 dernières années, s’établit à 25, ce qui est supérieur à sa moyenne historique de 16,6 et près de son niveau de 27 en 2007.

«On en est au point où Alan Greenspan en 1996 parlait d' »exubérance irrationnelle »», fait ressortir le stratège.

Un autre signal inquiétant, parmi plusieurs autres : le niveau de marge dans les comptes d’investissement atteint actuellement 2,6 % du PIB. «On a dépassé le niveau de 2007 et on atteint le sommet de 2000 qui a été de 2,8 %», ajoute Jean-Pierre Couture.

Pire, à cause de la faiblesse des taux d’intérêt, les investisseurs se sont précipités vers des actifs traditionnellement risqués, dont les rendements sont eux-mêmes déprimés.

Par exemple, note François Magny, les obligations à haut rendement – autrefois appelées «obligations de pacotille» – sont très populaires, mais donnent des rendements très bas, un phénomène que souligne aussi Jean-Pierre Couture.

«L’Espagne peut emprunter à un taux plus faible que celui qu’obtient le gouvernement américain, s’étonne François Magny. Pourtant, le pays était en faillite il y a seulement deux ans, le chômage y est toujours démesuré, la dette et le déficit sont immenses, mais le marché n’y voit aucun risque.»

Les marchés entretiennent l’illusion que «les banques centrales seront là pour les secourir coûte que coûte, ajoute François Magny, de telle sorte qu’ils sont encouragés à prendre plus de risque. Mais l’empereur est nu, la flexibilité des banques centrales est très réduite et il n’y a plus de marge pour baisser davantage les taux.»

Aucun doute possible, selon Jean-Pierre Couture : une répétition de la crise financière qui a commencé en 2007 se prépare. La seule incertitude, note-t-il, «c’est qu’on ne sait pas quel en sera l’élément déclencheur».