«Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une guerre des prix, soutient Dan Hallett, vice-président et responsable de la recherche chez HighView Financial Group. Une guerre des prix entraînerait des baisses plus importantes des frais de gestion et des coûts administratifs.»

Rudy Luukko, rédacteur, Investissements et finances personnelles chez Morningstar Canada, souligne pour sa part qu’il y a certainement «une pression à la baisse» sur les frais, et ce, en grande partie en raison de la concurrence des fonds négociés en Bourse (FNB).

«Dans l’univers canadien des FNB, plusieurs entreprises ont pris des initiatives de réduction des prix qui ont eu pour effet d’abaisser les frais de gestion sur certains mandats à des niveaux qui n’ont jamais été observés par le passé», affirme Rudy Luukko, citant l’exemple de Vanguard.

Évolution en dents de scie

Le 7 octobre dernier, Placements Vanguard Canada réduisait les frais de gestion de 11 de ses 21 FNB canadiens. Ainsi, ses frais moyens – déjà parmi les plus bas de l’industrie – sont passés de 0,19 à 0,14 %.

Investissements Manuvie n’est pas en reste. Le 1er et le 6 octobre, la société a abaissé les frais de gestion et le ratio des frais de gestion (RFG) de près de 25 de ses produits financiers. Par exemple, le RFG du Fonds mondial d’infrastructures Manuvie a diminué, passant de 1,68 à 1,50 %.

Puis le 10 octobre, c’était au tour de Placements Mackenzie de confirmer la diminution de 15 points de base à 1,85 % des frais de gestion de 11 de ses fonds communs des catégories équilibrée et d’actions canadiennes axées sur le revenu.

En Amérique du Nord, les RFG de certains produits financiers ont évolué en dents de scie ces dernières années, selon les données fournies par la firme Investor Economics (voir le tableau).

Par exemple, de décembre 2009 à décembre 2013, le RFG des FNB sur les actions américaines est passé de 0,33 à 0,32 %, tandis que celui des FNB sur les obligations canadiennes a évolué de 0,31 à 0,32 %.

Autre exemple : le RFG des fonds communs indiciels (séries A sur les actions américaines) est passé de 0,85 à 0,95 % de décembre 2009 à décembre 2013, tandis que le RFG des fonds communs gérés de manière active (séries A des obligations canadiennes) a baissé, passant de 1,15 à 1,06 % pour la même période.

Économies d’échelle

Chez Placements Vanguard Canada, on se défend bien d’avoir déterré la hache de guerre pour s’emparer de parts de marché.

«Depuis 40 ans, Vanguard réduit constamment les frais de gestion de ses produits, et nous avons tout simplement adopté la même approche à notre arrivée au Canada en 2011», souligne Atul Tiwari, directeur général des activités canadiennes de Vanguard.

Pour sa part, Investissements Manuvie fait valoir que ce sont les économies d’échelle qui lui permettent de réduire certains RFG, sans dire ouvertement si elle réagissait aux baisses annoncées par ses concurrentes.

«Bien que ce ne soit pas la première fois que nous réduisons nos frais, nous allons poursuivre nos efforts pour offrir une gestion solide qui apporte de la valeur aux conseillers et aux investisseurs canadiens», souligne Derek Saliba, vice-président adjoint et directeur des produits des fonds communs chez Manuvie.

D’autres baisses viendront

Même si les analystes refusent de parler officiellement de guerre des prix, l’onde de choc des baisses récentes de frais de gestion se fera sentir dans l’ensemble de l’industrie, soutient Rudy Luukko.

«Comme certaines entreprises baissent leurs frais, cela exercera de la pression sur d’autres sociétés pour qu’elles réduisent à leur tour leurs frais dans les mêmes proportions afin de rester concurrentielles.»

Cela se traduira par des marges bénéficiaires plus faibles, surtout si le rendement de l’investissement demeure bas, dit-il.

Les baisses des frais de gestion observées au cours des dernières semaines pourraient aussi contribuer à la poursuite de la consolidation dans le secteur de la gestion de placements au détail, ajoute l’analyste de Morningstar Canada.

Pour sa part, Dan Hallett s’attend plutôt à un impact mineur sur l’industrie, car il ne prévoit pas de réductions de frais de l’ampleur de celles observées dans le passé aux États-Unis ou plus tôt cette année au Canada dans le marché des FNB.

«Je ne m’attends donc pas à ce que les réductions modestes et sélectives que nous avons vues ces dernières semaines aient un effet majeur sur le marché et l’industrie», insiste le vice-président de HighView.

C’est pourquoi il affirme que les petites sociétés de fonds communs pourront encore tirer leur épingle du jeu, malgré les baisses de frais de gestion annoncées par les Vanguard et autres Manuvie de ce monde.

«Les petites firmes ont déjà subi des pressions, ce qui les a obligées à se démarquer par d’autres moyens, en général, en offrant des produits de niche ou en affichant des performances supérieures, dit Dan Hallett. Ces sociétés seront à l’abri de pressions pour réduire les coûts pendant un certain temps, mais elles ne seront pas toujours en mesure de les éviter.»

En revanche, les conseillers devraient être touchés, selon Rudy Luukko. Il faut dire que ces baisses des frais de gestion surviennent alors que de nouvelles réglementations, notamment la phase 2 du Modèle de relation client conseiller (MRCC2), entreront progressivement en vigueur et exigeront une plus grande divulgation au client, dont la rémunération du conseiller.

«Les conseillers devront communiquer efficacement avec leurs clients sur la valeur qu’ils fournissent en échange de leurs honoraires et de leurs commissions, explique Rudy Luukko. Les conseillers qui ne parviennent pas à offrir une bonne valeur risquent de perdre des clients, ou carrément de sortir de l’industrie.»