RVER : un coup d'épée dans l'eau ?
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La résistance des conseillers constitue l’autre facteur qui explique la faible pénétration du régime. «J’offre le RVER, mais je n’en parle pas avec le même entrain», reconnaît Alain St-Pierre, représentant en épargne collective et en rente collective, de Alain St-Pierre La Solution Financière, qui admet n’en avoir implanté aucun.

«J’ai tellement de dossiers en assurance, qui s’avèrent beaucoup plus intéressants, c’est ce que j’ai privilégié», rapporte Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective chez Groupe Mathieu Turgeon, à Montréal. Il dit avoir fait un effort loyal de présenter le RVER à ses clients existants, mais sans grand enthousiasme. «Je ne l’ai pas saisi comme une occasion d’affaires», reconnaît-il, une attitude qu’il a perçue chez plusieurs de ses collègues.

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L’enjeu est une rémunération très modeste, comme le reconnaît Pierre André Gervais, représentant en assurance collective de personnes chez Avec Assurance : «Un client en assurance collective me rapporte 145 $ par employé, en régime de retraite, à peu près 40 $ ; en RVER, moins de 10 $, pour des régimes où l’employeur ne contribue pas, ce qui est le cas de tous mes RVER.» Par contre, une fois acquis, ce client d’un régime de retraite exige moins d’analyse et offre à Pierre André Gervais l’occasion de vendre d’autres produits financiers. Il faut noter que ce dernier est en début de carrière, et le RVER constitue un instrument privilégié de recrutement de clientèle.

Par contre, pour un vétéran comme Jean-François Rémillard, le RVER n’a guère d’attraits. «Est-ce que je veux faire du volume, ou miser sur des clients plus rentables ? Est-ce que je voulais « closer » 500 clients pour avoir des appels pour des transactions de 25 $ ou 30 $ ? J’ai considéré que je m’achetais peut-être plus de problème qu’autre chose.»

Déjà, la rémunération relative à un REER collectif n’est pas astronomique, reconnaît François Brui, conseiller en sécurité financière chez Lessard Gilbert et associés, à Alma. De plus, les portefeuilles d’employés qu’il recrute dans la campagne actuelle sont modestes : «Calculez qu’un travailleur qui gagne 40 000 $ par an et qui met 4 % de son salaire dans un fonds de placement représente un capital de 1 600 $. Ma rémunération brute, avant mes frais, est à peine de 16 $. Avec un RVER, elle serait divisée par trois.»

Les compagnies d’assurance fournisseurs de RVER déplorent cette faible rémunération, mais jugent qu’elles n’ont pas le choix. «Je comprend l’inquiétude des gens, mais les frais des régimes sont enchâssés dans la loi de façon à ce qu’ils soient peu coûteux, soutient Lyne Duhaime, présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. En conséquence, la rémunération liée aux RVER peut ne pas être très importante.»

Au 1er janvier 2017, une chose émergera probablement : le REER collectif sortira grand gagnant de la campagne RVER. Toutefois, le nombre de travailleurs qui y adhèreront restera sans doute modeste, puisque peu d’entre eux cotisent au RVER lorsque leur employeur ne le fait pas.

À terme, «tout cet exercice aura changé bien peu de choses dans la vie de bien peu de gens, prévoit Francis-Carl Rivard. Les vraies améliorations passeront plutôt par la bonification du Régime de rentes du Québec. À ce moment-là, les travailleurs n’auront plus l’argent nécessaire pour investir dans un autre régime, et on risque de voir encore moins de sommes s’accumuler dans les RVER et les autres régimes. Le RVER n’aura été qu’un grand coup d’épée dans l’eau».

«C’est un coup d’oeil bien pessimiste, rétorque Lyne Duhaime. Pour le moment, les taux de participation ne sont pas très élevés, mais pensez qu’auparavant, tous ces gens n’avaient accès à aucun régime de retraite. Au Québec, seulement la moitié des travailleurs ont accès à un régime de retraite. On essaie de mesurer tout ça trop rapidement. C’est un pas dans la bonne direction et les choses se bonifieront avec le temps.»