Chacun de ces réseaux vend des volumes presque identiques de produits d’assurance de personnes et de produits d’épargne. «Nous disons à nos conseillers de ratisser large, parce que s’ils ne vendent que des fonds distincts ou de l’assurance, ils ouvrent la porte à un concurrent», dit Stéphane Dulude.

La recette fonctionne. L’an dernier, SFL a enregistré la meilleure année de son histoire, affichant une croissance des ventes de 36 % en épargne collective et de 20 % en assurance. Ses ventes nettes en épargne collective se sont élevées à 476 M$, et son volume de primes en assurance s’est établi à 23 M$ pour un envigueur de 287 M$.

Le dirigeant de SFL explique ces résultats en partie par sa toute première campagne de notoriété lancée au printemps de 2015. «Les conseillers nous la demandaient depuis longtemps. Ils disaient que si SFL était mieux connue, cela faciliterait le démarchage», remarque Stéphane Dulude.

Les publicités diffusées à la télévision et dans les grands médias du Québec jusqu’à l’automne 2015 ont porté leurs fruits. Selon le patron de SFL, l’indice de notoriété du réseau est passé de 18 à 33 %.

L’as du recrutement

Il y a plus. Si ce réseau connaît de si bons résultats, c’est parce que sa force de vente ne cesse de s’agrandir et de se renouveler depuis 10 ans. SFL est reconnu pour sa capacité de recruter de nouveaux conseillers, en particulier dans la tranche d’âge des 25 à 35 ans.

«Près de 50 % de notre équipe de vente actuelle n’était pas là au début des années 2000», dit Stéphane Dulude. L’âge moyen des conseillers du réseau SFL est passé de 53 à 48 ans depuis 2005. «Chaque année, quand je rencontre mes conseillers, je leur dis que moi j’ai vieilli d’un an, mais qu’eux n’ont pas changé !», dit-il.

À 51 ans, cet homme sportif et élancé n’a rien à envier à ses jeunes recrues. Adepte de course à pied et de vélo, il parcourt en moyenne 4 000 km chaque été, et il a cinq Grands Défis Pierre Lavoie au compteur. En 2001, il a participé au Raid Pierre Harvey, une course d’endurance qui a duré trois jours, plus de 300 km en vélo de montagne entre Chicoutimi et Lac-Beauport.

Son entourage le décrit comme un modèle de discipline et d’efficacité. «C’est quelqu’un à qui on passe la rondelle et on sait qu’il va compter», dit son grand patron Denis Berthiaume, président et chef de l’exploitation de Desjardins Sécurité financière (DSF).

En 2011, c’est lui qui a entièrement négocié l’acquisition par DSF de Financière MGI, un réseau pancanadien de 250 représentants en fonds communs de placement qui gère un actif de 3,7 G$. Il a aussi collaboré de près aux acquisitions de State Farm et de Groupe financier Performa, une filiale de la Standard Life.

«Quand vous prenez une photo de MGI après cinq ans et que vous voyez que la grande majorité des conseillers sont encore là, vous pouvez dire « mission accomplie »», dit Stéphane Dulude.

De caissier à président

Et dire que Denis Berthiaume avait failli ne pas l’engager ! En 2005, alors qu’il cherche un remplaçant pour Steven Ross, Denis Berthiaume a une courte liste de candidats. Stéphane Dulude y brille par son absence. «Il n’était pas sur le radar. C’est un conseiller de SFL qui m’a dit, « As-tu pensé à Stéphane ? » À l’époque, je ne le connaissais pas beaucoup.»

Stéphane Dulude est alors directeur principal de Services financiers SFL/Placement Optifonds. Il est très apprécié de ses collègues et des conseillers du réseau. «C’est quelqu’un de très habile sur le plan relationnel, et le réseau avait besoin d’une présence rassurante après le départ de Steven Ross. Quelqu’un pour calmer le jeu», relate Denis Berthiaume.

Dès lors qu’il est intégré au processus de sélection, Stéphane Dulude se détache du lot. «Il a la capacité d’analyser rapidement une situation et de prendre une décision», ajoute Denis Berthiaume.

Son flair ne l’a pas trompé, puisque Stéphane Dulude sera de nouveau promu en mai 2016, cette fois au poste de PDG. Pas mal, pour quelqu’un qui a commencé comme caissier dans une banque et qui n’a jamais eu de plan de carrière !

«Je ne savais pas ce que je voulais faire», dit celui qui a couvert tous les secteurs des services financiers au cours de sa carrière, de l’épargne à l’assurance, en passant par le crédit hypothécaire.

À la fin de son baccalauréat en administration à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), en 1988, il est recruté à la Banque Laurentienne, où il entre à titre de caissier. Il est rapidement nommé directeur adjoint de succursale. En 1991, il joint La Laurentienne-Vie, qu’il quittera en 1999, cinq ans après la fusion de celle-ci avec Assurance vie Desjardins.

Il fait ensuite un saut du côté de l’Industrielle Alliance avant d’intégrer Services financiers SFL de 2002 à 2005. «Mon premier mandat a été de trouver mon salaire ! dit-il en riant. À l’époque, la distribution n’était pas un secteur d’affaires très profitable, mais j’ai réussi. La preuve est que je suis encore ici !»

Vendre le conseil

La rentabilité est un enjeu important, notamment en raison des coûts de la conformité qui explosent depuis quelques années. «À la fin des années 1990, il y avait un seul officier de conformité chez nous, et maintenant, j’ai arrêté de les compter», dit Stéphane Dulude.

«Notre masse critique de conseillers nous permet d’être rentables, car nous pouvons étaler nos coûts sur l’ensemble de l’actif», ajoute-t-il.

Recruter aussi coûte cher. SFL a ralenti ses ardeurs à cet égard et se concentre sur la rétention des conseillers actuels en leur offrant les meilleurs services. «Les conseillers indépendants peuvent être volages. S’ils ne sont pas satisfaits de leur rémunération et des services qu’on leur offre, ils iront chez le concurrent et emmèneront leur clientèle avec eux», dit Stéphane Dulude.

Son prochain défi sera d’aider les conseillers à faire face aux nouvelles normes de la phase deux du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), dont la dernière ronde de divulgation obligatoire sera mise en place chez plusieurs courtiers en janvier 2017.

«Avec le MRCC 2, les conseillers nous ont dit : « Aidez-nous à nous libérer de la paperasse et nous serons capables de mieux servir notre clientèle. » Nous travaillons donc sur tout ce qui touche de près ou de loin à l’approbation électronique des documents», remarque Stéphane Dulude.

En matière de réglementation, Stéphane Dulude est pragmatique. Avant de bouleverser l’industrie avec de nouvelles règles, les régulateurs devraient laisser le client décider et éviter de changer les choses qui fonctionnent. Il en va de même pour les risques d’inconvenance des fonds communs à frais d’acquisition reportés (voir «Problèmes de convenance soulevés», en une).

«Si c’est offert aux bons clients pour les bons besoins, je ne vois pas le problème. L’important, c’est que ce soit divulgué, pour que le client sache dans quoi il s’embarque.»

Pour lui, le rôle du conseil sera toujours important, surtout pour les plus fortunés, une clientèle prisée de SFL. «Il y aura sûrement une clientèle pour le conseiller-robot, mais cela ne tuera pas la distribution. Beaucoup avaient prédit que le courtage à escompte ferait disparaître les conseillers en placement, et ce n’est pas arrivé. Laissons le client décider», dit Stéphane Dulude.

SFL prévoit le lancement dans les prochains mois d’une campagne de planification de la retraite auprès des clients pour faire mousser la valeur du conseil. «La cliente qui verra sur son relevé qu’elle a payé des frais de 2 448 $ cette année sans avoir reçu d’appel de son conseiller sera en droit de lui demander ce qu’il a fait pour ça. Nous voulons nous assurer que nos conseillers sont outillés pour présenter la valeur du conseil», dit le président de SFL.

Le risque ? Que les clients aillent chez le concurrent. Et la concurrence, Stéphane Dulude entend bien la tenir à plusieurs tours de roue.