Quelques jours plus tard, l’action de Thera reprend sa valeur initiale, après l’annonce que la FDA a approuvé son médicament.

À la suite de ces événements, 121851 Canada inc. (121Can), une des entités qui a vendu ses actions à perte, intente un recours en dommages-intérêts contre Thera, plus précisément un recours en responsabilité visant le marché secondaire, espérant ainsi récupérer les sommes perdues dans l’opération.

Ce recours, qui se fonde sur l’article 225.4 de la Loi sur les valeurs mobilières (LVM), vise à obtenir dédommagement auprès de Thera, en raison du fait que l’entreprise avait prétendument omis de divulguer au marché certaines informations qualifiées d’importantes.

Le recours, quoique basé sur la LVM, est un recours collectif. Il est donc sujet aux règles applicables à tous les recours collectifs, qui prévoient l’autorisation préalable de la Cour. En parallèle, la LVM prévoit elle aussi une procédure d’autorisation des recours, selon laquelle un demandeur doit prouver que «l’action est intentée de bonne foi et qu’il existe une possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause».

Critères précisés

La Cour suprême du Canada ne s’était jusqu’à ce jour jamais prononcée sur l’interprétation de ces critères applicables à une demande d’autorisation d’un recours collectif en matière de valeurs mobilières. Elle vient de le faire dans la décision Theratechnologies c. 121851 Canada inc.1

Tout comme la Cour d’appel du Québec, la Cour suprême a comparé ces critères avec ceux contenus au Code de procédure civile (le C.p.c), qui guide l’analyse de l’autorisation de tous les recours collectifs. Suivant le C.p.c., un demandeur doit démontrer une apparence sérieuse de droit, c’est-à-dire que «les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées».

Dans sa décision récente Infineon Technologies AG c. Option consommateurs2, la Cour suprême a énoncé qu’un demandeur devait démontrer que sa cause était «défendable», et a qualifié de «peu exigeant» et de «seuil peu élevé» le critère à remplir.

Or, en ce qui a trait aux recours collectifs en matière de valeurs mobilières intentés en vertu de l’article 225.4 LVM, la Cour suprême précise dans Theratechnologies c. 121851 Canada inc. que les critères diffèrent.

Possibilité réaliste de gain

Confirmant sur ce point le jugement de la Cour d’appel, la Cour suprême reconnaît que la «possibilité raisonnable que le demandeur ait gain de cause» à laquelle le libellé de l’article 225.4 LVM renvoie établit un critère plus exigeant.

Afin de remplir ce critère plus rigoureux, un demandeur devra présenter une preuve suffisante pour convaincre le tribunal de la forte possibilité qu’il ait gain de cause, et non seulement démontrer que sa cause «est défendable». La barre est donc plus haute dans le domaine des valeurs mobilières.

La Cour suprême a en effet qualifié le processus d’autorisation de l’article 225.4 LVM de mécanisme de filtrage «plus significatif» que celui du droit commun, qui régit l’autorisation préalable de tous les recours collectifs.

La Cour suprême souligne notamment qu’en instaurant ce mécanisme, le législateur voulait «décourager» certains «recours opportunistes devenus courants aux États-Unis».

Sur le fond de cette affaire, et contrairement à la Cour d’appel, la Cour suprême conclut que Thera n’avait pas manqué à ses obligations d’information, puisque les différents éléments montrés du doigt par les plaignants ne constituaient tout simplement pas des changements importants qui auraient dû être divulgués au marché au sens de la LVM.

Selon la Cour suprême, des événements externes et hors du contrôle d’un émetteur assujetti, telles des questions soulevées par la FDA durant un processus d’approbation d’un médicament, ne constituent pas des changements importants, particulièrement s’ils concernent des sujets divulgués auparavant, tels que les possibles effets secondaires du médicament cités dans cette affaire. Pour cette raison, il n’existait aucune possibilité raisonnable que 121851 Canada inc. ait gain de cause dans son action en dommages-intérêts.