Selon l’ACCFM, «plusieurs membres» n’ont pas de politiques et procédures qui visent à s’assurer que ces fonds avec commissions étalées sur six ou sept ans s’harmonisent aux horizons de placement de clients âgés.

L’ACCFM a observé que chez certains courtiers, l’âge limite d’achat de fonds avec FAR est de 70 ans, alors que chez d’autres, il est de 65 ans. Il y a plus : «de nombreux achats» comportant des frais reportés ont été effectués pour le compte de clients ayant plus de 70 ans.

Autre problème, observe l’ACCFM : plusieurs membres n’ont pas adopté de procédures qui les engagent à s’assurer que les fonds avec FAR vendus tiennent compte de l’horizon de placement. Pire encore : «Des clients avaient parfois acheté des fonds avec FAR alors que leur horizon de placement était plus court que le barème des FAR du fonds souscrit».

L’ACCFM, qui regroupe 98 gestionnaires et distributeurs de fonds affichant plus de 450 G$ d’actif sous administration, n’a pas pour mission de surveiller les courtiers et les représentants en épargne collective du Québec. Toutefois, son influence est importante.

Chose certaine, l’ACCFM met en évidence le problème. Selon le régulateur, les membres devraient mettre en place des procédures appropriées en ce qui concerne la surveillance et l’évaluation de la convenance des opérations avec FAR et la divulgation de ces frais à l’achat et au rachat de ces titres.

«Étant donné que la convenance demeure un sujet d’intérêt pour l’ACCFM, surtout en ce qui a trait aux investisseurs âgés, nous continuerons d’examiner ces questions lors des futures inspections de la conformité», prévient l’organisme canadien d’autoréglementation (http://tiny.cc/1ndzay).

Délicat et… dangereux

Preuve que l’ACCFM touche une corde sensible, la plupart de nos demandes d’entrevues auprès de courtiers, de représentants et de gestionnaires de fonds communs ont été rejetées.

Sous le couvert de l’anonymat, un courtier affirme que certaines institutions financières ont intérêt à garder une formule de rémunération qui immobilise les clients pendant six ou sept ans. «Les frais reportés, c’est comme avoir un joker à chaque manche. Ceux qui ont le joker gagnent à tout coup». Un représentant dit vouloir éviter un sujet qu’il qualifie de «dangereux, une petite bombe à retardement pour l’industrie».

Ancien président de Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec et ex-associé fondateur de Talvest, Jean Morissette croit cependant que l’industrie doit montrer son jeu et jouer la carte de la transparence.

«Il faut prendre une décision qui s’appliquera à l’ensemble de l’industrie et ne pas laisser ce genre de décision entre les mains de chaque manufacturier. Sinon, cela montrera que l’industrie n’arrive pas à s’autoréglementer», dit Jean Morissette, maintenant consultant en gestion de patrimoine.

Quelle serait, selon lui, la règle idéale ? «Après 60 ans, il ne devrait pas y avoir de frais d’acquisition reportés, car même en bonne santé, un client de plus de 60 ans doit penser aux maladies graves et à la fragilité de l’existence», dit-il.

Débat enclenché

Sylvain De Champlain constate lui aussi que la question de la formule des frais reportés est très délicate. «Les distributeurs commencent à surveiller la question. Il est certain que les représentants qui ont des clients de 80 ans auront de plus en plus à justifier la rémunération comportant des frais reportés», ajoute le dirigeant du cabinet De Champlain Groupe financier, qui dit privilégier la rémunération par honoraires pour tous les types de clientèles.

Cofondateur et président du cabinet Services financiers Planifax, Daniel Bissonnette souligne que le prolongement de l’espérance de vie complique grandement l’équation. «La plupart des gens n’entrent pas dans une maison de retraite à 65 ans. À 65 ans, l’espérance de vie est de 82 ans chez les hommes et de 87 ans chez les femmes», rappelle-t-il, prévenant contre des solutions uniques qui seraient arbitraires à l’égard des têtes blanches et grises.

Daniel Bissonnette évoque une solution qui pourrait satisfaire tout le monde, y compris les jeunes représentants qui ont besoin des commissions liées aux FAR pour démarrer leur pratique professionnelle : l’intégration par les manufacturiers d’une garantie d’annulation des frais reportés en cas de décès du titulaire de ce type de fonds.