Le gouvernement Marois mentionnait à ce moment-là que Québec a mis en place au cours des dernières années plusieurs initiatives et opérations d’envergure pour déceler la criminalité économique et financière et l’évasion fiscale.

«Ces efforts ont entraîné un nombre croissant de poursuites pénales incluant des dossiers complexes dans lesquels plusieurs millions de dollars sont réclamés», lit-on dans le plan budgétaire.

Interrogé par Finance et Investissement, un fonctionnaire du ministère des Finances et de l’Économie notait cependant que son service ne sait pas comment les procédures judiciaires seront accélérées.

«Une fois que nous avons pris cette décision, c’est le ministère de la Justice qui décide comment il la mettra en place», disait-il lors du huis clos du budget.

Afin de soutenir cette mesure et une autre concernant la surveillance des dossiers de demande d’assurance sociale, le gouvernement de Pauline Marois prévoyait des crédits supplémentaires de 10 M$ par an au budget du ministère des Finances et de l’Économie à compter de l’exercice 2014-2015.

«La mesure contenue au budget vise essentiellement à octroyer des ressources additionnelles aux poursuivants, comme le Directeur des poursuites criminelles et pénales et la Cour du Québec afin qu’ils puissent accélérer le traitement des dossiers liés à l’évasion fiscale et aux crimes économiques. Je n’ai pas de détails sur la façon dont ces ressources se concrétiseront», ajoute Paul-Jean Charest, conseiller aux relations médias au ministère de la Justice du Québec.

Évidemment, les fonctionnaires attendent le résultat des élections provinciales pour savoir si la mesure sera adoptée.

Au 31 décembre 2013, le nombre de causes pénales portées devant les tribunaux par les procureurs de Revenu Québec (RQ), l’Autorité des marchés financiers (AMF) et le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) était estimé à 83 175, soit 9 418 causes pour RQ, 56 pour l’AMF et 73 701 pour le DPCP.

Parmi les causes de la DPCP, 12 000 étaient liées au domaine de la construction. Les amendes réclamées s’élevaient en tout à 666 M$. «Les dossiers de l’AMF sont habituellement complexes et nécessitent relativement beaucoup de temps en cour», apprend-on dans le budget.

Le document budgétaire cite même l’exemple d’un cas où un juge «a évalué comme trop longs les délais institutionnels portés à 51 mois par le tribunal». D’après lui, ces délais violaient les droits des accusés selon la Charte canadienne des droits et libertés, et il a ordonné l’arrêt des procédures.

«Les pertes pour le gouvernement dans cette cause (Agence du revenu du Québec c. Khoury), du fait de délais jugés déraisonnables, se situaient entre 30 et 60 M$», lit-on dans le plan budgétaire.

Poursuites futiles ?

Plusieurs conseillers en services financiers se plaignent de ce que l’AMF fait parfois preuve de zèle lorsqu’elle poursuit des représentants. Certains jugent que des crimes moins graves pourraient par exemple être sanctionnés par des avertissements ou des mesures moins sévères.

Le ministère des Finances pourrait-il demander à l’AMF d’être moins inflexible dans des cas spécifiques afin de réduire le nombre de procédures pénales ?

«À partir du moment où le dossier sera sur le bureau du ministère de la Justice, j’imagine que oui. Toutes ces questions devraient être prises en considération», dit le fonctionnaire du ministère des Finances.

Toutefois, Paul-Jean Charest du ministère de la Justice précise que la mesure n’a pas pour but de modifier la définition de ce qui constitue un crime pénal : «Aucune révision des critères n’est prévue».

Il reste que, selon les commentaires recueillis lors du «Pointage des régulateurs», certains répondants souhaitent que les autorités continuent d’imposer la ligne dure pour les auteurs de fautes graves (voir le dossier en pages 21 à 25 du présent numéro).