En novembre, le gouvernement chinois a créé à Toronto le premier centre d’échange du yuan dans les Amériques. Beijing a déjà implanté bon nombre de ces centres à l’extérieur de la Chine, notamment à Singapour, à Londres et à Francfort.

Ces centres visent à accélérer l’utilisation du yuan dans l’investissement et le commerce international. En mai 2014, le yuan était la septième devise la plus utilisée dans le monde (1,47 % des flux financiers), selon la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication (SWIFT).

L’utilisation de la devise chinoise progresse d’ailleurs rapidement. Par exemple, en 2013, la Colombie-Britannique est devenue le premier gouvernement étranger à émettre des obligations en yuans. Cette opération a permis à la province de récolter 2,5 milliards de yuans (475 M$ CA).

Nombreuses occasions d’affaires

En plus de l’émission de titres d’emprunt libellés en yuans – une opération qui était possible avant la création du centre d’échange -, la gestion de portefeuille est une des occasions d’affaires qui se présenteront aux institutions financières du Canada.

«Prenons par exemple une firme de placement au Canada qui offre un portefeuille d’actions regroupées dans un fonds. Eh bien, ce fonds pourrait être émis entièrement en yuans pour faciliter son introduction en Chine», explique Éric Lemieux.

Françoys Levert, directeur général et chef des marchés des capitaux au Québec de Marchés mondiaux CIBC, juge pour sa part que le centre d’échange facilitera et accélérera les transactions commerciales avec la Chine.

«Non seulement pour les entreprises du Canada, mais aussi pour celles d’autres pays des Amériques qui cherchent à accroître leurs activités et relations d’affaires au Canada», précise-t-il.

D’une part, le centre offrira aux banques de plus grandes possibilités de négociation et de compensation du yuan négocié à l’extérieur de la Chine (offshore).

D’autre part, le centre améliorera le règlement et l’accès au yuan négocié en Chine (onshore) pour les clients de la CIBC, et ce, quel que soit le lieu où ils font affaire avec l’institution financière.

Forte demande

La CIBC dit d’ailleurs avoir remarqué une forte augmentation de la demande de produits en yuans provenant de ses bureaux à Hong Kong et partout au Canada.

«Nos clients nous demandent de plus en plus souvent d’effectuer des opérations de couverture et de négociation du yuan et de faire des paiements et des investissements en Chine», précise Francoys Levert.

Même son de cloche chez RBC Banque Royale, qui croit être en bonne position pour profiter du nouveau centre d’échange du yuan, selon son porte-parole, Raymond Chouinard.

D’ailleurs, à l’instar de nombreuses banques au Canada, RBC offre déjà à ses clients d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie plusieurs produits financiers libellés en yuans. De plus, la banque peut agir aussi bien à titre d’émetteur qu’à titre d’investisseur dans les valeurs mobilières.

«Nous considérons que la création de ce centre en sol canadien constitue un élément positif pour nos clients et pour le commerce entre le Canada et la Chine», souligne Raymond Chouinard.

Attrayant pour les investisseurs

Selon Filip Papich, directeur général, Ventes, BMO Marchés des capitaux, le centre d’échange offrira de nouvelles possibilités à l’ensemble des investisseurs au Canada.

«À terme, tous les services bancaires en yuans seront accessibles : ouverture de comptes, dépôts bancaires, investissement dans les certificats de placement garanti, emprunt d’argent, etc.»

Filip Papich soutient que le centre d’échange attirera également de nouveaux investisseurs étrangers au Canada, tant dans le marché des actions que dans celui des obligations.

«Par exemple, les entreprises chinoises pourront investir immédiatement dans des titres canadiens par l’intermédiaire de ce service. Les particuliers pourront éventuellement le faire sous peu.»

L’inverse est aussi vrai : des investisseurs canadiens pourront investir plus facilement dans des actions et des obligations en Chine.

Du reste, des gestionnaires de portefeuilles au Canada peuvent déjà convertir leurs dollars canadiens en yuans pour acheter des titres chinois grâce au programme Renminbi Qualified Foreign Institutional Investor (RQFII).

La création du centre d’échange du yuan au Canada rend aussi plus intéressante une autre initiative en Chine : le projet-pilote Shanghai-Hong Kong Stock Connect, qui vise à faciliter les échanges entre la Chine et Hong Kong.

Ce projet permet aux investisseurs de l’ancienne colonie britannique de participer aux transactions de la Bourse de Shanghaï, et aux investisseurs chinois, de négocier des titres à la Bourse hongkongaise.

«Nous nous attendons à ce que ce type de service soit éventuellement disponible pour les Canadiens», affirme Filip Papich.

Payer en yuans est avantageux

La Banque Nationale compte bien elle aussi profiter de la création du centre d’échange du yuan au Canada, souligne Caroline Dion, directrice de produits devises, particuliers et entreprises.

En fait, l’institution financière place ses pions depuis quelques années pour profiter de la croissance de la Chine et de l’internationalisation de sa devise.

Par exemple, en 2012, la Banque Nationale a signé une entente avec la Bank of China qui lui permet de transférer des fonds pour ses clients canadiens, tant à l’intérieur de la Chine que dans les centres d’échange chinois à l’étranger.

De plus, en 2013, l’institution financière a commencé à offrir un compte commercial en yuans à ses clients.

Payer ses fournisseurs chinois en yuans peut être très avantageux. Selon la Banque Nationale, certaines entreprises chinoises seraient prêtes à offrir des rabais allant jusqu’à 5 % si elles sont payées dans la devise chinoise.

Précisons qu’en 2013, les exportations canadiennes en Chine ont totalisé 20,5 G$, soit moitié moins que les importations chinoises au pays, selon le gouvernement du Canada. Les investissements directs de la Chine au Canada ont atteint 16,7 G$, et les investissements directs du Canada en Chine, 4,9 G$.