«La raison d’être des obligations est avant tout de diversifier le risque lié aux actions», rappelle-t-il.

Selon lui, une bonne façon de se prémunir contre une éventuelle hausse des taux d’intérêt sera d’acheter un fonds d’obligations mondiales couvert contre le risque de change.

«Même si ces fonds peuvent sembler peu attrayants en raison d’une duration plus longue et de taux d’intérêt souvent inférieurs aux taux américains ou canadiens, ce n’est pas le cas», affirme-t-il.

Leur effet de diversification déjoue la théorie qui incite certains investisseurs à réduire la duration du portefeuille (et le risque) lorsqu’ils craignent des hausses de taux.

Imperfection de la duration

«La duration, un élément important dont il faut tenir compte avant d’investir, permet d’évaluer raisonnablement bien le risque lié au taux d’intérêt d’une obligation à échéance unique, mais elle est un paramètre moins efficace pour les portefeuilles d’obligations mondiales très diversifiés», explique l’analyste Brian Scott dans une récente recherche de Vanguard.

La duration est avant tout une estimation. Dans le cas de portefeuilles diversifiés internationalement, elle se révèle imparfaite puisqu’elle suppose un mouvement symétrique des courbes de taux d’intérêt, quels que soient l’échéance ou le type d’émetteur.

Dans la réalité, les valeurs des obligations dans un tel portefeuille ne seront pas touchées de la même manière. Les courbes de rendements obligataires dans les différents pays n’évoluent pas symétriquement entre elles.

Plusieurs facteurs comme les prévisions d’inflation, la croissance économique et la politique monétaire des pays auront une incidence sur l’aspect de ces courbes, explique Brian Scott.

«Puisque les obligations canadiennes sont très chères actuellement, il est judicieux d’acheter à l’étranger afin d’obtenir une diversification par courbe de taux d’intérêt. Même si les taux d’intérêt des pays développés et de certaines économies émergentes sont bas, la forme de la courbe de rendement différera d’un pays à l’autre», remarque Dan Hallett, CFA et vice-président de High View Financial Group.

Cette diversification géographique peut aider à réduire le risque et à compenser la duration moyenne plus élevée des obligations mondiales, ajoute-t-il.

Non-pertinence d’un taux unique

Vanguard a ainsi comparé les rendements des obligations américaines de cinq ans avec celles des autres pays (Barclays Global Aggregate ex USD Bond Index) entre 1990 et 2013. La régression des variations des valeurs des fonds obligataires américains montre que la duration et les taux d’intérêt à court terme aux États-Unis sont responsables d’environ 80 % (R2) des fluctuations des cours des fonds d’obligations américaines.

Qu’en est-il des fonds d’obligations mondiales ? La pertinence de la duration et des taux à court terme américains est coupée de moitié (R2 de 40 %).

«Dans l’univers mathématique des titres à revenu fixe, les résultats renforcent l’idée qu’un taux d’intérêt du marché unique ne convient pas pour évaluer la sensibilité du cours d’un produit de titres à revenu fixe diversifié à l’échelle mondiale», explique dans sa recherche Brian Scott.

Par ailleurs, on peut expliquer l’effet de diversification des obligations mondiales en observant la corrélation des taux d’intérêt entre les pays souverains. En comparant les rendements des obligations à long terme d’État de 16 pays, Vanguard observe que cette corrélation varie de 0,83 à près de zéro. Rappelons qu’une corrélation de 1 est une corrélation parfaite, et qu’une corrélation de – 1 est une corrélation inverse parfaite.

Cette relation imparfaite entre les taux représente donc une occasion pour les clients de limiter les effets négatifs d’une hausse des taux intérieurs des pays. De même, en regroupant des actifs imparfaitement corrélés, on réduit la volatilité du portefeuille et l’incidence d’une duration plus longue d’une telle catégorie d’actif.

Couvrir le risque de change

Pourquoi recommande-t-on souvent de couvrir le risque de change des obligations étrangères ? «Puisque les devises sont généralement plus volatiles que les prix des obligations, vous risquez d’augmenter le risque du portefeuille sans en hausser le rendement espéré», explique Daniel Bortolotti, blogueur et conseiller en placement financier chez PWL Capital.

En neutralisant le risque de devise, on élimine en quelque sorte le différentiel de taux d’intérêt entre deux pays. On peut donc supposer que le rendement de ces obligations internationales se rapprochera de celui du marché obligataire intérieur.

Les obligations mondiales, mêmes couvertes pour le risque de change, donnent à l’investisseur accès à un marché plus profond tout en lui permettant d’exploiter d’autres sources de risque comme les risques souverain et de crédit, selon une étude publiée l’an dernier par Vishal Mansukhani, analyste chez Morningstar.

C’est également le risque de change qui explique la préférence nationale marquée (home bias) des Canadiens lorsqu’il est question de revenu fixe, affirme Daniel Bortolotti.

«Les Canadiens ont intérêt à profiter du marché obligataire mondial, qui est extrêmement bien diversifié», affirme Fran Kinniry. Sachant que le Canada occupe moins de 5 % de ce marché, il y a beaucoup de place pour augmenter la pondération en obligations des autres pays.

De la théorie à la pratique

«En théorie, détenir un portefeuille d’obligations mondiales est tout à fait sensé, mais dans la pratique, il existe très peu de bons produits financiers qui donnent aux Canadiens accès à cette catégorie d’actif», nuance Daniel Bortolotti.

«Si les avantages d’avoir des actions étrangères dans un portefeuille sont énormes, puisque les rendements peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre, les avantages liés aux obligations internationales devraient être beaucoup plus minimes», ajoute-t-il.

Les frais de gestion et les coûts de couverture peuvent anéantir les bienfaits liés à la diversification.

Il faut donc rechercher un fonds dont la structure comporte de faibles coûts, tout en étant couvert pour les fluctuations de devises. «Cela limite les choix aux fonds offerts par Dimensional Fund Advisor (global fixed income funds), mais seuls certains conseillers les distribuent. Vanguard offre également depuis l’an dernier deux FNB qui remplissent ces critères, note Daniel Bortolotti : le Vanguard US Aggregate Bond index ETF (VBU) et le Vanguard Global ex-US Aggregate Bond index ETF (VBG).»