Selon le budget, un projet de loi omnibus sera donc présenté afin de modifier le Code civil du Québec dans le but «d’introduire l’interdiction partielle de céder une police d’assurance vie à des fins spéculatives».

«Enfin !»

Ce projet de loi a de quoi réjouir l’industrie de l’assurance de personnes, qui s’oppose depuis longtemps à ce genre de pratique. Ces dernières années, des firmes spécialisées dans ce commerce ont sollicité les clients par l’intermédiaire de médias grand public afin qu’ils leur cèdent leur police. Des assureurs avaient alors formellement interdit aux représentants de favoriser ces cessions de polices, certains menaçant même de résilier les contrats qui feraient l’objet de ce commerce.

Il faut dire que la tarification d’un contrat d’assurance découle d’hypothèses actuarielles, dont l’une touche la déchéance ou l’abandon de polices. Une éventuelle multiplication de la cession de polices d’assurance aurait faussé les hypothèses des assureurs, ce qui aurait pu miner leur rentabilité.

«Nous allons offrir notre collaboration pleine et entière pour que soit enfin limité ce type de commerce. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) se penche depuis un certain temps sur les problèmes liés au rachat de polices d’assurance vie par des tiers», a souligné Lyne Duhaime, présidente pour le Québec de l’ACCAP, dans un communiqué.

Dans une lettre envoyée en août 2016 à Richard Boivin, sous-ministre adjoint au ministère des Finances, l’ACCAP suggérait d’ajouter un article au Code civil du Québec qui statuerait qu’«une disposition d’un contrat d’assurance prévoyant que les droits ou les intérêts de l’assuré ou, dans le cas d’une assurance-groupe, de la personne couverte par l’assurance-groupe sur la vie, sont incessibles est par ailleurs valide».

L’ACCAP souhaitait également que le gouvernement ajoute à la nouvelle loi sur les assureurs qu’il soit interdit, à quiconque qui n’est pas un assureur vie, de s’annoncer comme un «acheteur de polices d’assurance vie ou de prestations prévues par des polices d’assurance vie» et de «faire le commerce de polices d’assurance vie afin d’en permettre, à luimême ou à une autre personne, la vente, le rachat, le transfert, la cession ou la mise en garantie par hypothèque».

Seules quatre provinces au Canada n’interdisent pas formellement le rachat de polices par des tiers à des fins commerciales ou spéculatives, soit le Québec, la Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Par ailleurs, bien que les lois sur les assurances du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse n’interdisent pas cette pratique, elles permettent à un assureur d’inclure dans son contrat d’assurance une disposition interdisant toute cession des droits de l’assuré.

«Si rien n’était fait, le Québec deviendrait la terre d’accueil de ce marché qui cible les personnes malades et vulnérables», craint Lyne Duhaime.

«Mauvaise nouvelle»

Rappelons que la cession de polices d’assurance à des fins viatiques est parfois utilisée auprès de clients qui étaient titulaires d’une police d’assurance vie et qui ont une maladie pouvant entraîner la mort ou qui sont en phase terminale, qui ont un besoin inattendu d’argent ou qui ne sont plus capables de payer leurs primes.

Un conseiller qui travaille dans le secteur du rachat de polices, mais qui a souhaité garder l’anonymat, estime que le gouvernement du Québec commettrait une grave erreur en empêchant cette pratique «somme toute méconnue du grand public».

«Cette annonce est une bien mauvaise nouvelle, oui, pour des sociétés comme la mienne, mais surtout pour les assurés eux-mêmes, qui n’auront désormais aucune autre option que de mettre un terme à leur police d’assurance vie», a-t-il indiqué dans un courriel adressé à Finance et Investissement en ajoutant que, dans ce genre de situation, «les compagnies d’assurance se réjouissent de l’annulation d’un contrat».