Il n’est pas surprenant que le budget fédéral 2015 renferme une proposition pour réduire le taux de retrait mimnimum des régimes enregistrés d’épargne-retraite. De nombreux commentateurs prônent une plus grande souplesse, et moi-même, je n’ai cessé de recommander des taux de retrait moins restrictifs dans plusieurs articles au fil des années. D’après moi, les changements proposés, quoique bienvenus, ne vont pas assez loin.

Plus particulièrement, ils ne reflètent pas vraiment l’extrême faiblesse des taux d’intérêt ou la volatilité des marchés et négligent le fait que les gens travaillent et vivent plus longtemps. Comme le savent tous ceux qui ont des parents vieillissants, il y a des coûts liés au vieillissement qui ne sont pas pris en charge par les programmes de soins gouvernementaux. Du point de vue des politiques publiques, il serait logique de laisser les individus garder davantage d’argent dans des abris fiscaux après l’âge de 71 ans en prévision de ces inévitables mauvais jours. Tôt ou tard, ces actifs seront retirés des FERR et imposés.

À supposer que ce budget soit accepté, une personne qui avait 71 ans au début de l’année sera tenue de retirer un minimum de 5,28 % du montant placé dans son régime, contre 7,38 % précédemment. Pour une personne de 93 ans, le pourcentage de retrait proposé sera de 16,34 % au lieu de 17,92 %, et à l’âge de 94 ans ce chiffre, qui est actuellement de 20 %, chutera à 18,79 %. À partir de 95 ans, le pourcentage de retrait sera de 20 % par an.

Les documents du budget comprennent un tableau intitulé Capital préservé selon les facteurs de retrait minimal d’un FERR, qui montre la cadence à laquelle un compte FERR hypothétique de 100 000 $ va se dégarnir avec le temps, selon les règles actuelles et selon les règles proposées. En pourcentages, le tableau montre des augmentations appréciables du montant demeurant dans un FERR si l’on applique les nouveaux barèmes.

Néanmoins, les nouveaux pourcentages de retraits se fondent sur des hypothèses de rendement et d’inflation qui peuvent s’avérer tout aussi imprécises que les récentes attentes du gouvernement en matière d’évolution des cours pétroliers. À quel point ces nouveaux pourcentages seront-ils bénéfiques? Ça dépendra de là où on va placer son argent et des performances de divers marchés.

Les taux de retrait actuels des FERR ont été mis en place il y a une vingtaine d’année, lorsque les taux d’intérêt étaient beaucoup plus élevés, et se fondaient sur un rendement nominal présumé de 7 % pour les actifs des FERR et une indexation à l’inflation de 1 % par an, hypothèses qui ne se sont pas vérifiées. Les pourcentages de retrait proposés à ce budget se fondent sur un rendement nominal de 5 % et une indexation de 2 %, hypothèse dont le document du budget dit qu’elles « s’harmonisent davantage avec les taux historiques de rendement réels à long terme d’un portefeuille de titres et l’inflation prévue ».

Mais à mon avis, les pourcentages de rendement proposés sont encore trop élevés par rapport aux taux d’intérêt actuels. Les investisseurs qui prennent un parti conservateur (pardonnez le mauvais jeu de mots), qui s’inquiètent à propos du marché boursier et veulent un taux d’intérêt garanti ont peu de chances de voir un rendement de 5 % dans l’immédiat. En fait, la plupart des institutions offrent moins de 2 % par an sur les CPG de cinq ans non remboursables. De plus, quiconque est investi dans le marché boursier sait bien, ou devrait savoir, que l’Indice composé S&P/TSX a perdu 35 % de sa valeur en 2008. Les marchés ont coutume de rebondir, mais si l’on est forcé de retirer un montant défini lorsque les marchés sont en baisse, il reste moins dans la cagnotte pour les moments de relance, et moins à l’extérieur de son régime pour réinvestir dans un CELI ou ailleurs, parce que le retrait était imposable comme un revenu. Qui plus est, les nouveaux taux de retrait (notamment les 20 % qu’on doit retirer après 95 ans), ne tiennent pas compte d’une longévité accrue.

J’ose espérer qu’un gouvernement futur donnera aux retraités la souplesse de ne retirer que ce qu’il leur faut, et si la longévité tient de famille, la capacité de minimiser les retraits. Ce que le ministre des Finances Joe Oliver pourrait faire dès maintenant, c’est de donner aux personnes âgées quelques années de plus que 71 ans pour abriter totalement leur argent dans des régimes de retraite.

Comme je l’ai fait remarquer dans des articles passés, la seule manière de faire durer son FERR très longtemps est d’avoir un(e) conjoint(e) beaucoup plus jeune. Dans ces circonstances-là, les règles autorisent de baser les taux minimaux de retrait des FERR sur le membre le plus jeune du couple plutôt que sur l’âge de celui ou celle qui détient le FERR. Si la personne la plus jeune du couple a moins de 71 ans, le retrait minimal se fonde sur le nombre d’années qui la sépare de 90 ans. Donc, si la plus jeune a 60 ans et que celle qui détient ce régime en a 71, le retrait minimal la première année est 1 divisé par 30, soit 3,33 % pour cette personne de 71 ans, et pas 5,28 %. Ma recommandation à M. Oliver est de loger toutes les personnes âgées à la même enseigne, qu’elles soient célibataires, divorcées, veuves ou qu’elles vivent avec quelqu’un du même âge, et de leur donner la même capacité de retraits minimaux réduits.

J’avais coutume de penser qu’une fois qu’on prenait sa retraite, on n’avait pas besoin d’autant de revenu parce que certains frais liés au travail comme l’habillement ou le transport n’existaient plus. C’est toujours le cas les premières années de la retraite. Ce qui devient évident est que les personnes d’un certain âge doivent engager du personnel pour faire des choses qu’elles ne peuvent plus faire elles-mêmes, comme pelleter la neige ou entretenir le gazon. Elles ont aussi des frais médicaux que les régimes provinciaux ne prennent pas en charge. Ajoutez-y le coût d’un personnel à temps partiel ou à plein temps et vous aurez immédiatement une meilleure idée de l’argent qu’il faut pour faire face à cette augmentation des frais quand on dépasse 90 ans.