«Nos 131 succursales bancaires au Québec et les centres commerciaux sont à la disposition des conseillers en placement. On effectue une division géographique, et les conseillers y sont rattachés régionalement», explique Stéphan Bourbonnais, premier vice-président et directeur régional, Est-du-Canada, Gestion de patrimoine TD.

Les recommandations bancaires font partie d’un tout et sont une autre façon d’aider le conseiller à élargir sa clientèle. En échange, ce dernier devra respecter certaines règles, entre autres se présenter en succursale au moins une fois par mois pour discuter de stratégies de développement des affaires, participer à certaines activités, en plus de rétribuer la succursale.

«Le conseiller versera à la succursale 35 % des revenus qu’il génère sur une période de cinq ans», précise Stéphan Bourbonnais. Après ce laps de temps, le client «appartient» entièrement au conseiller en placement. Chez TD, pour que le client d’une succursale bancaire soit transféré en gestion de patrimoine, il doit généralement posséder un actif financier minimum de 500 000 $.

«Selon nous, 40 % de la clientèle fortunée fait déjà affaire avec l’organisation et si on la transfère à notre division de gestion de patrimoine, cela nous permettra de gagner des parts de marché plus rapidement que les autres», ajoute Stéphan Bourbonnais.

L’évaluation de la performance de ceux qui dirigent les services de détail, les services commerciaux et la gestion du patrimoine repose notamment sur la réussite des recommandations effectuées entre ces différents groupes.

Premiers pas plus faciles

On a également offert à Marie-Josée Turcotte la possibilité de s’allier à des succursales bancaires. La conseillère en placement et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns avait jusqu’alors misé sur une approche plus entrepreneuriale.

Au début des années 2000, la firme a permis à des conseillers en placement d’avoir des bureaux dans plusieurs succursales bancaires.

«Certains y travaillent quelques jours par semaine. De mon côté, je garde mon bureau au centre-ville, mais je vais désormais visiter deux succursales à Longueuil. Tout part des besoins en gestion de patrimoine de la clientèle en succursale», explique Marie-Josée Turcotte.

Puisqu’elle fait de la gestion discrétionnaire, Marie-Josée Turcotte souhaite qu’on lui recommande des comptes de plus de 400 000 $, bien qu’elle n’exclue pas la famille proche et les clients à haut potentiel, précise-t-elle.

Elle devra verser 25 % des revenus bruts qu’elle a générés à la succursale qui lui réfère des clients. Marie-Josée Turcotte s’estime malgré tout gagnante.

«Quand un client est recommandé par la banque, cela suppose qu’il existe déjà un lien de confiance avec notre institution. Et le banquier va d’abord détecter les besoins de l’individu, c’est ainsi plus facile pour nous de passer à l’étape suivante», dit-elle.

Miser sur son réseau

Pour certains conseillers en placement, les recommandations bancaires sont carrément impossibles, ni même souhaitables. C’est l’opinion de Jean-Marc Milette, qui se consacre entièrement au développement des affaires.

Pendant ce temps, son partenaire Marc Dalpé s’occupe de la gestion de portefeuille. Les deux conseillers partenaires travaillent à la société de gestion de patrimoine indépendante Richardson GMP.

«Quand on passe la journée sur un terrain de golf avec des clients, on ne peut pas gérer de l’actif. Plusieurs conseillers qui travaillent pour de grandes banques vont vendre des produits gérés afin d’avoir plus de temps pour le développement de la clientèle», remarque Jean-Marc Milette.

De nombreux conseillers ne voudront pas partager leurs revenus avec des succursales bancaires. Ils miseront plutôt sur leur réseau de contacts.

«Chez nous, chaque conseiller peut développer ses propres stratégies. On a une équipe de marketing qui s’assiéra avec le conseiller et l’aidera à bâtir un plan de match», affirme Jean-Pierre Janson, président de la division montréalaise de Richardson GMP. Les conseillers sont également actionnaires de la firme.

De solides références

La stratégie de développement des affaires du duo Dalpé-Milette repose sur l’obtention de références solides. Grâce à elles, «le taux de réussite du conseiller est automatiquement plus élevé puisque quelqu’un a fait un travail pour lui», dit Jean-Marc Milette.

«Encore faut-il que ces personnes qui parlent en notre nom disent les bonnes choses», rappelle-t-il. C’est ce qu’ont compris les deux conseillers en suivant une formation sur le sujet : «Il faut trouver un fait court, précis et punché, et ensuite passer le message à notre réseau. Par exemple : en avril 2009, on avait pratiquement récupéré toutes les baisses des marchés de 2008.»

Jean-Marc Milette a fondé un club d’affaires qui regroupe 20 personnes issues de plusieurs sphères d’activité. «On se réunit toutes les deux semaines pour échanger des informations. Il faut être imaginatif. Les comptables et les avocats sont déjà très sollicités. Par contre, j’ai une personne qui loue des automobiles et qui fait un travail extraordinaire pour moi. Elle connaît le bilan de ses clients et pourra leur dire que son conseiller en placement fait du bon travail et qu’elle peut le leur recommander s’ils en ressentent le besoin», dit-il.

Le duo Dalpé-Milette cible aussi des PDG québécois qui désirent vendre leur entreprise et qui n’ont pas de relève familiale. «On les aide à trouver un acheteur, et ensuite, on gère leur actif. Il s’agit de transactions de plusieurs millions de dollars et cela peut nous prendre de 6 à 8 mois pour conclure la transaction», précise-t-il.

Fidéliser le client et le conseiller

Bien des contrats d’embauche stipulent que la clientèle recommandée par une succursale bancaire reste la propriété de la firme de courtage et qu’elle ne pourra pas être sollicitée par le conseiller advenant son départ.

Cette pratique n’est-elle pas un bon moyen de fidéliser le conseiller en placement ? «C’est une bonne question. Je ne le vois pas ainsi. Les clients recommandés par l’organisation permettront aussi au conseiller d’accroître son actif encore plus rapidement. Ensuite, il pourra attirer l’entourage de ces personnes. Si le partenaire n’a aucun lien avec celles-ci, elles resteront exclusivement les clientes du conseiller», commente Stéphan Bourbonnais.

Chez Richardson GMP, les clients appartiennent au conseiller. «Ceux qui viennent chez nous ont le choix d’aller ailleurs, mais ce sont eux qui décident de se joindre à nous. S’ils ne sont pas heureux et qu’ils souhaitent partir, ils peuvent le faire et nous réglerons les choses correctement, contrairement à certaines grandes firmes de courtage», précise Jean-Pierre Janson.

Marie-Josée Turcotte considère quant à elle que les recommandations bancaires représentent une autre corde à son arc, qui lui permet de croître et de développer de nouvelles relations. Elle ne s’est jamais préoccupée des possibles conséquences de son départ de la firme sur la valeur de sa clientèle. «Ce n’est pas le genre de choses auxquelles je pense», dit-elle.

«Ultimement, c’est le client qui décidera de changer de firme ou non», ajoute Jean-Marc Milette.