Le FISF montré du doigt
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«Le FISF n’indemnise pas les consommateurs financiers en cas de faillite d’un courtier en épargne collective, sauf si la faillite résulte directement d’une fraude commise. Le FISF indemnise les consommateurs financiers en cas de dilapidation d’avoirs financiers causée par une fraude, que le courtier inscrit soit solvable ou non», relève Pierre Lortie, conseiller principal, Affaires, dans le mémoire qu’il a écrit au nom du cabinet d’avocats Dentons.

La CPI de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels ou le fonds de protection Assuris pour les assureurs de personnes vise plutôt à protéger les clients en cas de faillite ou d’insolvabilité d’un courtier ou d’un assureur.

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Selon Pierre Lortie, le FISF s’inspire pour sa part des mécanismes d’indemnisation établis par l’Ordre des comptables agréés du Québec ou la Chambre des notaires du Québec. «Les principes qui sous-tendent la réglementation des courtiers en épargne collective et le FISF sont centrés autour du représentant en tant que professionnel, à l’exclusion – presque – de la société qui l’emploie ou pour le compte de laquelle il travaille à titre d’agent», précise-t-il.

Pierre Lortie observe que 60 % des représentants inscrits travaillent pour des courtiers en épargne collective membres de l’ACCFM dont le siège social est situé au Québec, et 30 % pour d’autres courtiers membres de l’ACCFM qui exercent des activités dans la province. Ce sont donc 90 % des représentants qui sont des employés ou des mandataires de firmes liées à l’ACCFM. «Un mécanisme d’indemnisation des épargnants centré sur les représentants ne cadre pas avec la structure du secteur», souligne Pierre Lortie.

«En effet, outre le fait que les institutions financières sont très réglementées et encadrent rigoureusement leurs représentants, elles dédommagent sans délai les consommateurs lésés en cas de fraude ou de manoeuvre dolosive afin de conserver leur réputation et la confiance de leurs clients. Le FISF ne leur est donc d’aucune utilité», précise-t-il.

Abolir le FISF ?

Ce qui pousse certains à se demander si la spécificité québécoise doit être maintenue. Or, si l’on se fie à la consultation menée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) de décembre 2011 à mars 2012, le FISF soulève deux problèmes. Le premier est que l’investisseur n’est protégé que si l’intermédiaire a agi dans les limites permises par sa certification (voir l’article ci-dessus).

Le deuxième est que les clients pourraient être traités différemment selon qu’ils fassent affaire avec un représentant en épargne collective ou un conseiller en placement. «Par exemple, le fait qu’un investisseur qui achète un fonds commun auprès d’un représentant en épargne collective soit protégé par le FISF, mais que celui qui achète le même produit par l’intermédiaire d’un représentant de courtier de plein exercice ne le soit pas pose un problème d’équité», peut-on lire dans le «Rapport sur l’application de la LDPSF» du ministère des Finances.

Lors de la consultation, 15 des 28 répondants se sont prononcés pour l’abolition de la spécificité québécoise tandis que 13 autres voudraient plutôt la maintenir.

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Les détracteurs du FISF voudraient qu’on reconnaisse l’ACCFM comme organisme d’autoréglementation du secteur de l’épargne collective et qu’on adopte ainsi sa CPI. Dans son mémoire, l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP) soutient qu’ailleurs au pays, «les cabinets en assurance de personnes ainsi que les courtiers en épargne collective sont tenus de souscrire une assurance de responsabilité professionnelle et de participer à un fonds d’indemnisation contre la fraude, les manoeuvres dolosives et les détournements de fonds».

«La CPI couvre les pertes subies par les investisseurs en cas de faillite du courtier, laquelle peut découler des réclamations des clients fraudés dans le cadre d’activités non autorisées», lit-on.

«Si nous établissions deux protections, les coûts seraient encore plus élevés. Si l’ACCFM était reconnue, nous croyons que seule la protection de la CPI devrait être conservée pour le secteur de l’épargne collective, poursuit l’ACCAP. Si le FISF était maintenu, les représentants rattachés à une institution financière devraient être exclus.»

Le Mouvement Desjardins s’est voulu tout aussi clair. «Il serait trop coûteux de maintenir deux systèmes d’indemnisation pour l’industrie, surtout pour les consommateurs qui assument en réalité les coûts d’encadrement», affirme-t-il.

Desjardins souligne que la couverture maximale offerte aux investisseurs par la CPI s’élève à 1 000 000 $ par rapport à 200 000 $ par réclamation au FISF.

Dans son mémoire, la coopérative souligne l’importance de sa contribution au FISF : «Au Québec, puisque les cotisations sont établies sur le nombre de représentants par courtier, Desjardins Cabinet de services financiers assume le tiers des cotisations au FISF (environ 1,2 M$ en 2014) par rapport aux 158 715 $ de la CPI basés sur l’actif sous gestion», objecte Desjardins.

La coopérative déplore le fait qu’elle a ainsi assumé le tiers de la facture pour l’indemnisation des victimes de Norbourg. «Par extension, ce sont donc les membres de Desjardins qui ont payé pour indemniser des investisseurs floués par un concurrent», lit-on dans son mémoire.

«Un membre ou un client victime d’une fraude commise par un employé de Desjardins serait immédiatement remboursé. Il ne saurait être question de diriger qui que ce soit vers le FISF», lit-on dans le mémoire de Desjardins.

À la défense du FISF

D’autres, au contraire, se portent à la défense du FISF. Dans son mémoire, la Chambre de la sécurité financière (CSF) avance que «le Fonds est un dispositif qui offre aux épargnants un recours simple et non judiciarisé».

«L’avantage qu’il représente est notable, même si la protection qu’il offre n’est pas nécessairement harmonisée à l’échelle du pays. Il offre une protection intéressante pour les investisseurs floués sans qu’ils aient à passer au travers d’un processus de faillite avec l’ensemble des créanciers d’une société, comme dans certains autres régimes d’indemnisation», lit-on dans le mémoire de la CSF.

L’AMF favorise aussi le maintien du FISF. Selon elle, l’approche québécoise permet au consommateur de bénéficier d’un système de réclamation simplifié sans qu’il ait au préalable à épuiser tous les recours judiciaires. Il y trouve également son compte puisque le FISF permet un recours unique contre les agissements d’intermédiaires qui exercent dans plusieurs disciplines.

«Seulement 5,7 % des demandes d’indemnisation reçues à l’Autorité concernent des représentants qui ne détiennent pas un historique de pratique multidisciplinaire», précise l’AMF dans un document publié en 2013 où elle dévoile ses orientations liées au FISF.

«L’Autorité voit difficilement comment l’adhésion à la CPI réglerait entièrement le problème de la désharmonisation des systèmes d’indemnisation canadiens, puisque cette solution ne trouverait d’application que pour les représentants de courtiers en épargne collective. Les autres intermédiaires continueraient d’être couverts par un régime distinct, le Fonds d’indemnisation, ce qui obligerait les consommateurs à s’adresser à deux organismes différents. Ainsi, globalement, le fonctionnement actuel du FISF semble favorable aux consommateurs», pondère l’AMF.

Pierre Lortie, pour sa part, insiste : «L’expérience avec l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) démontre qu’une telle approche comporte des avantages substantiels». Il cite l’exemple du précédent établi par le Fonds canadien de protection des épargnants (FCPE), qui couvre un membre de l’OCRCVM, qui est reconnu par l’AMF, tout comme Assuris.

Pour ce qui est des pertes causées par la fraude ou des manoeuvres dolosives, Pierre Lortie propose que l’on oblige les firmes à s’assurer contre les erreurs, les omissions et les détournements commis par les employés.