Carole Chapdelaine est embauchée à titre de caissière, puis passe à la Banque Royale du Canada, où elle évolue durant 26 ans.

En août 2011, elle entre à la Banque Scotia, pour prendre les fonctions qu’elle occupe actuellement.

Dès son arrivée, sa mission est claire : faire «grandir la Scotia au Québec», où la banque a 3,5 % de parts de marché dans le secteur bancaire de détail, et consolider sa position dans l’Est de l’Ontario, où ses parts de marché s’élèvent à 33 %. Le chiffre d’affaires combiné de ces deux régions s’élève actuellement à 45 G$, dit-elle.

«C’est stimulant d’avoir un mandat qui nous permet d’assumer deux fonctions. D’une part, il faut donner la priorité au service à la clientèle et à la rétention de clients, et d’autre part, au Québec, nous avons davantage un rôle de chasseur à la recherche d’occasions d’affaires», explique la vice-présidente.

Carole Chapdelaine devait donc en quelque sorte réécrire l’histoire de cette banque fondée à Halifax en 1832.

En juillet 2000, la Scotia vendait 43 de ses succursales québécoises à la Banque Laurentienne, lui cédant ainsi 165 000 clients et 480 000 comptes, d’après les données fournies par la Laurentienne au moment de la transaction.

L’achat qui «brasse la cage»

Après son embauche, Carole Chapdelaine affichait ses couleurs en évoquant l’ouverture de 40 succursales en quatre ans.

Toutefois, les choses évoluent rapidement. En août 2012, la Scotia a fait l’acquisition des activités canadiennes de la société ING Direct au terme d’une transaction de 3,13 G$. Elle se dote ainsi d’un réseau virtuel consacré aux transactions bancaires courantes.

Cet achat est venu «brasser la cage», aux dires de Carole Chapdelaine, forçant l’institution financière à revoir sa stratégie au Québec.

La même année, la Scotia concluait une entente avec Couche-Tard dans le but d’implanter 287 guichets automatiques dans tout le Québec.

C’est un déploiement majeur, puisque la banque ne compte alors que sur un réseau de 22 guichets automatiques à l’extérieur de ses succursales. Un accès gratuit à ce réseau pour tous les clients d’ING Direct, renommé Tangerine en avril, est aussi confirmé.

Après l’inauguration de la succursale de Saint-Jérôme à l’automne 2013, la Scotia compte 60 succursales au Québec. À titre de comparaison, la Banque TD en possède 127 dans la province.

Réalignement stratégique

Actuellement, la stratégie québécoise de la Scotia semble en redéfinition.

La croissance reste la priorité, mais Carole Chapdelaine repense à l’ajout de 40 succursales au Québec. Son équipe et elle planchent actuellement à imaginer les attentes qu’auront leurs clients dans cinq ans.

«Est-ce que c’est vraiment indispensable qu’il y ait des succursales à tous les coins de rue ?» lance-t-elle, ajoutant dans un même souffle qu’elle «ne le pense pas».

Offrir aux clients l’accès à des conseillers, afin qu’ils puissent confier leurs avoirs à la banque, figure toutefois au coeur de la mission de la Scotia.

Chose certaine, Carole Chapdelaine veut croître au Québec. Elle vise l’augmentation de sa part de marché de 3,5 à 5 %, voire 6 %, au cours des trois prochaines années.

«C’est un objectif agressif, mais tout à fait réalisable», dit-elle.

Bien que le secteur bancaire du Québec soit dominé par le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale, elle le perçoit comme «un marché à très haut potentiel, et si nous n’y sommes pas présents, nous ratons des occasions», ne manque pas de souligner Carole Chapdelaine.

Elle n’a pas encore statué sur le nombre de succursales ouvertes à l’issue du processus, mais elle sait que cette croissance se fera sur le plan géographique.

Croissance par régions

Pour ce faire, elle compte jouer sur son absence de certaines régions. «J’ai des trous dans mon marché», analyse la vice-présidente, qui peut ainsi «ouvrir une succursale et n’aller chercher que de nouveaux clients».

Par exemple, la Scotia a investi 3,4 M$ à Drummondville, dans un centre régional dont l’ouverture est prévue à l’été 2014.

Elle estime pouvoir rentabiliser ces nouvelles succursales seulement en deux ans et demi. «Ce qui est de loin inférieur à ce qui se fait ailleurs au Canada», alors qu’une succursale bancaire peut prendre de trois à quatre ans avant d’atteindre le seuil de la rentabilité.

À l’instar de Drummondville, Sherbrooke et Trois-Rivières sont des villes cibles dans des régions dont l’institution financière est absente. En contrepartie, le réseau sera également consolidé. C’est le cas à Montréal, où la succursale de la Place Montréal Trust sera fusionnée à celle de la rue Sherbrooke Ouest, plus au nord.

Ralentissement immobilier

Carole Chapdelaine ne considère pas comme un frein à la croissance le ralentissement du secteur immobilier qui touche notamment l’Est de l’Ontario et le Québec.

«Il y a moins de construction et moins de maisons qui se vendent, mais il n’y a pas moins de maisons, et surtout, pas moins de besoins hypothécaires.» Pour Carole Chapdelaine, lorsqu’un client ne fait pas affaire avec la Scotia, il peut rapatrier son prêt hypothécaire auprès de l’institution.

Par ailleurs, la Scotia entend maintenir des relations avec des courtiers hypothécaires tels que Multi-Prêts Hypothèques.

Les activités du réseau des particuliers constituent pour Carole Chapdelaine un important levier de croissance pour les autres secteurs de la banque, dont la gestion de patrimoine.

Viser les jeunes

La Scotia préconise une stratégie visant à fidéliser la clientèle en début de vie active. «Quand on atteint 40 ou 45 ans, il est plus difficile de changer de banque. Si nous pouvons attirer [une clientèle plus jeune] chez nous plus tôt, les faire grandir avec nous, l’expérience client sera meilleure.»

Pour cibler une clientèle jeune, la Scotia mise sur le programme de fidélisation Scène, axé sur le divertissement, sur le déploiement de guichets automatiques dans des succursales Couche-Tard et sur l’acquisition des activités canadiennes d’ING Direct.

Une fois cette clientèle acquise, la Scotia vise à lui offrir une panoplie de services selon son profil, des cartes de crédit aux produits hypothécaires, en passant par des produits d’investissement à court et moyen terme.

Au Québec, l’institution financière compte près de 1 100 employés. De ceux-ci, 600 sont des «conseillers» répartis sur trois échelons. Ce partage de la clientèle auprès des trois échelons s’effectue principalement à l’aide d’un processus de segmentation.

Un premier groupe de représentants en épargne collective d’expérience sert 500 clients choisis selon leur potentiel de développement.

Ceux-ci possèdent un actif dans d’autres institutions financières, que les conseillers viseront à rapatrier.

Le deuxième groupe s’occupera de 750 clients, et devra en favoriser la rétention. Le renouvellement hypothécaire et la révision du portefeuille de placement sont ses activités principales.

Finalement, le troisième groupe répond aux besoins plus généraux de 2 500 clients environ, à qui des produits financiers de base sont offerts. L’analyse des besoins de la clientèle sert par la suite de point de départ vers les autres services offerts par la banque.

Gestion de patrimoine

La gestion de patrimoine relève d’une ligne d’affaires distincte de celle que supervise Carole Chapdelaine.

Les clients sélectionnés en succursales sont accompagnés dans le transfert du service régulier vers celui de la gestion de patrimoine. Un conseiller du Groupe Gestion privée Scotia se charge de déterminer quelle division de plein exercice, de Patrimoine Hollis ou de Scotia McLeod, les servira le mieux.

ScotiaMcLeod compte sur l’expertise de 755 conseillers dans tout le Canada, dont 71 au Québec. Dans le cas de Patrimoine Hollis, on dénombre 950 conseillers au pays, dont 54 au Québec.

Incubateur de talents

À l’image de ce qu’elle fait pour sa clientèle, la banque préfère recruter ses employés dès leurs premiers pas dans le milieu du travail et les faire progresser dans leur carrière.

Il s’agit souvent d’étudiants qui commencent comme caissiers, explique Carole Chapdelaine.

«Nous prendrons les meilleurs candidats, nous les formerons en épargne collective, et éventuellement, nous leur donnerons le mandat de conseiller la clientèle», dit-elle.

Selon la vice-présidente, ces candidats deviennent de meilleurs directeurs, parce qu’ils ont eu l’occasion de toucher à tous les types de services offerts aux clients.

Toutefois, elle en convient, cette filière ne suffit pas aux besoins de la Scotia. Ce qui amène la banque à recruter à l’externe, dans d’autres institutions financières ou directement parmi les jeunes diplômés.

Selon Carole Chapdelaine, les valeurs humaines que véhicule la Scotia sont un des attraits importants de l’institution financière.

«La culture de l’entreprise est axée sur les collectivités, les employés et les clients. Tout l’aspect communautaire, le bénévolat, est fortement reconnu au sein de l’entreprise», souligne-t-elle.