«Nous prévoyons notamment intégrer la CSF à l’AMF pour assurer une cohésion en matière d’encadrement», a noté Richard Boivin, sous-ministre adjoint au ministère des Finances du Québec, en entrevue avec Finance et Investissement lors du dépôt du budget du Québec.

«Nous ne savons pas encore comment nous allons le faire, car les orientations ne sont pas arrêtées. Il y a une panoplie de possibilités en matière de modifications législatives et il reste à voir comment nous allons coordonner le travail entre la CSF et l’AMF, et comment nous allons intégrer les missions», a-t-il précisé le lendemain, dans un suivi téléphonique.

Puisqu’il n’a pas reçu tous les ordres du cabinet du ministre des Finances, Richard Boivin soutient que les changements peuvent être «très mineurs comme majeurs». Rappelons qu’actuellement, la CSF encadre, entre autres, la déontologie des représentants et enquête à leur sujet.

Cette déclaration du sous-ministre a fait réagir l’industrie.

«Comme plusieurs acteurs, nous avons été étonnés par l’entrevue accordée par le sous-ministre adjoint, Richard Boivin, ainsi que par la nature de ses propos. La CSF est un organisme d’autoréglementation qui a fait ses preuves et qui, d’ailleurs, inspire d’autres juridictions au Canada», a soutenu dans un courriel Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF.

Selon elle, toute modification à la loi devra faire l’objet de consultations publiques «pour ne pas briser le régime d’encadrement québécois qui fonctionne bien et qui est reconnu pour son efficacité».

Gino Savard, président de Mica Services financiers et administrateur de la CSF, estime que «c’est drôle qu’on décide d’aller dans ce sens-là alors que le reste du Canada est en train de nous regarder et de trouver ça trippant ce qu’on fait au Québec sur le plan de [l’encadrement] de l’assurance». Il estime aussi que la position du ministère mérite d’être précisée.

Bientôt l’incorporation ?

Quoi qu’il en soit, le ministre des Finances Carlos Leitao prévoit déposer, au cours de la session du printemps 2016, un projet de loi omnibus proposant des modifications aux lois du secteur financier, y compris la Loi sur les valeurs mobilières (LVM), la LDPSF, la Loi sur les assurances, la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et la Loi sur les coopératives de services financiers (LCSF).

Selon le plan budgétaire, «la LVM sera modifiée pour donner la possibilité de partager une commission avec le cabinet pour le compte duquel un représentant agit, tel qu’il est prévu actuellement dans la LDPSF».

Richard Boivin a tenu à dissiper tout doute. «En ce qui concerne la LVM, ce que nous voulons faire n’a pas de rapport avec une possible incorporation des représentants en épargne collective. Ce n’est pas encore sur le radar», a-t-il dit.

Il a expliqué qu’en 2009, avant que l’épargne collective ne soit transférée de la LDPSF vers la LVM, un article de loi permettait des partages de commission entre un représentant et son cabinet d’assurance vie. Ce modèle d’affaires a été modifié en 2009. «L’Autorité des marchés financiers a toléré un certain temps le transfert, mais en janvier, elle a émis un bulletin disant qu’elle arrêtait tous ces modèles d’affaires-là, ce qui a déclenché un tsunami», a-t-il expliqué.

«On ne veut pas nécessairement nuire à des modèles d’affaires qui fonctionnent depuis des années. Ce qu’on a prévu de faire, c’est de ramener ce droit qui existait en 2009 du partage des commissions», dit Richard Boivin.

Indemnisation étendue

Selon le budget du Québec, la LDPSF sera modifiée pour que le Fonds d’indemnisation des services financiers «couvre tout investisseur victime d’une fraude commise par un intermédiaire dûment certifié, quelle que soit la nature du produit financier en cause». Un comité d’indemnisation indépendant, dont les membres seront nommés par le ministre, sera chargé d’approuver les demandes d’indemnisation et un mécanisme de révision de ces décisions devant le Bureau de décision et de révision sera mis en place.

«Par ailleurs, les règles portant sur la distribution sans représentants seront modifiées de manière à responsabiliser davantage les assureurs qui y ont recours», peut-on lire dans le plan budgétaire.

D’ailleurs, Québec souhaite aussi réformer la Loi sur les assurances afin de moderniser le droit relatif au fonctionnement des assureurs à charte du Québec. La nouvelle loi, qui sera baptisée Loi sur les assureurs, prévoit entre autres d’établir un cadre applicable aux assureurs pour la vente d’assurance par Internet.

«La Loi sur les assureurs énoncera les grands principes de la vente d’assurance par Internet. Par la suite, il reviendra à l’AMF d’encadrer la pratique», remarque Richard Boivin.

Lyne Duhaime, présidente de l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes (ACCAP), juge que le projet de loi omnibus est «une très bonne idée» en raison de sa plus grande cohérence : «L’ACCAP avait aussi fait des représentations auprès du gouvernement pour que la vente par Internet soit permise et prévue dans une loi sur les assureurs plutôt que dans la LDPSF.»

Cette Loi sur les assureurs devrait aussi modifier les rôles respectifs du gouvernement, du ministre et de l’AMF, notamment quant à l’adoption des règlements ; préciser les différents outils d’intervention de l’AMF ; et moderniser le droit pénal et le régime de sanctions administratives.

Rôle de l’AMF revu

Dans sa réforme, le gouvernement prévoit de changer le fonctionnement de l’AMF. Il entend entre autres «revoir le mode de facturation pour les cotisations aux institutions financières de manière à les établir à partir des prévisions budgétaires avec un ajustement à la fin de l’exercice».

Québec veut aussi financer à l’avenir la mission éducative de l’AMF à même ses revenus plutôt que par des pénalités et amendes, et qu’un comité consultatif qui représente les clients soit chargé de faire valoir leurs intérêts au sein de l’AMF.

Enfin, la future loi donnera aussi à l’AMF le pouvoir d’exiger du Mouvement Desjardins qu’il prenne les mesures nécessaires pour assurer l’efficacité d’un éventuel plan de redressement. Elle détaillera aussi certains pouvoirs du groupe coopératif, comme celui «de remplacer un administrateur ou un dirigeant d’une caisse, de révoquer un conseil d’administration» et «de permettre de forcer, sans impact pour les créanciers ou les déposants, l’absorption d’une caisse par une autre ou la liquidation d’une caisse en difficulté».

Le fonctionnement du Bureau de décision et de révision (BDR) changera également. Un renforcement des normes assurant l’indépendance et l’impartialité des membres du BDR et l’adoption des mesures visant l’amélioration de l’accessibilité et de l’efficacité de ce tribunal administratif sont notamment prévus.

Différentes mesures visent aussi à reconnaître l’indépendance opérationnelle du BDR. Il est ainsi prévu d’assouplir la procédure d’approbation des prévisions budgétaires.