«Le rythme est d’une fusion/ acquisition par an ! Et remarquons bien ceci : en assurance de personnes, il n’y a pas de Walmart ou de Target. Les assureurs américains n’entrent pas au Canada. Ils en sortent, tout comme les Européens», observe Robert Landry, ancien vice-président exécutif chez AXA Canada pendant plus de dix ans.

Marché mature

En effet, depuis 20 ans, aucune filiale étrangère ne se trouve parmi les consolidateurs de l’industrie canadienne de l’assurance de personnes (voir l’encadré : 20 ans de consolidation).

Robert Landry l’explique ainsi. «Le marché canadien est mature et la croissance est faible. Les bas taux d’intérêt vont perdurer et la réglementation est très contraignante. Les assureurs étrangers finissent par se rendre compte qu’ils ne font pas autant d’argent qu’ailleurs, surtout en Asie. Sous la pression des actionnaires, ils finissent alors par quitter le marché canadien».

L’avenir du seul assureur vie sous propriété étrangère serait-il donc menacé ? N’oublions pas qu’après la vente de la Standard Life, il n’en reste qu’un seul, Transamerica Vie Canada, qui appartient à Aegon, le deuxième assureur en importance des Pays-Bas.

À la lecture des rapports annuels d’Aegon, la compagnie canadienne est vulnérable. Les bénéfices avant impôts de Transamerica Vie Canada ont baissé de 55 % en 2013 par rapport à l’année précédente, de 17 % en 2012 et de 6 % en 2011. En outre, la filiale canadienne ne représentait plus en 2013 que 1 % des bénéfices avant impôts de Aegon, par rapport à 2,6 % en 2010.

«Toute filiale de société étrangère risque d’être larguée si les rendements ne sont pas au rendez-vous. En outre, Transamerica Vie Canada réalise plus de 85 % de ses revenus dans les secteurs peu dynamiques en matière de profit de l’assurance individuelle et des fonds distincts. Les actionnaires de Transamerica accepteront-ils encore longtemps de faibles rendements, une situation courante au Canada, mais à peu près unique dans le monde ? Cette compagnie est à la croisée des chemins», remarque Robert Landry.

Surprise en vue ?

Observateur attentif de l’industrie, l’ancien vice-président définit une règle d’or : le capital doit être investi là où il génère la plus grande profitabilité. «En dernière instance, il s’agit de l’élément crucial de toute décision d’affaires. Personne n’y échappe», ajoute-t-il.

Or, un manufacturier de produits d’assurance sous propriété canadienne lui apparaît vulnérable sur ce plan : Banque Nationale Assurances.

«Cette entité de la Banque Nationale vivote, en fabriquant notamment des produits d’assurance crédit. Elle fournit un apport très marginal aux activités de la Banque, elle ne fait pas partie de sa mission (core business) et elle ne contribue pas de façon significative à sa profitabilité. À mon avis, la Banque Nationale pourrait s’en départir ou faire manufacturer ses produits par un acteur plus important afin de se concentrer sur la distribution», dit-il.

Et s’il y avait vente, qui pourrait se porter acquéreur ?

Comme le mentionne la Banque dans son Rapport annuel de 2012, elle a commencé à vendre des produits de placement en gros dans le réseau de distribution de la Financière Sun Life en avril 2012. Son secteur de gestion de patrimoine a quant à lui prolongé pour une période de dix ans ses partenariats avec le Groupe Investors, Great-West Lifeco, Canada-Vie et London Life.

Or, relève Robert Landry, Sun Life et Great-West sont directement interpellées par l’acquisition de Standard Life Canada.

«D’ici quelques années, Manuvie sera beaucoup plus forte qu’aujourd’hui. Sun Life et Great-West Lifeco auront l’obligation de croître à leur tour, et si possible, en augmentant aussi la profitabilité de leurs affaires dans le secteur de l’assurance collective au moyen d’acquisitions», dit-il.

Leurs besoins de croissance pourraient ainsi être au moins partiellement résolus par deux cibles qui pourraient bien se présenter d’elles-mêmes, à savoir Transamerica Vie Canada et Banque Nationale Assurances.

«Personne ne peut prévoir que ces deux compagnies seront les prochains dominos de l’industrie de l’assurance de personnes. On doit cependant constater qu’au point de vue des stratégies d’affaires, il y a une forte complémentarité entre deux vendeurs potentiels et deux acheteurs possibles», résume Robert Landry.