Le contexte dans lequel M. Lescure quitte est bien différent de celui de son arrivée en 2009, lorsque la nomination du président et chef de la direction, Michael Sabia, ne faisait pas encore consensus et que l’institution avait affiché des pertes de 40 milliards de dollars (G$) l’année précédente.

« Nous avons nettoyé, géré le risque, couvert une partie du papier commercial adossé à des actifs et mis fin à un certain nombre d’activités, a-t-il expliqué, jeudi, au lendemain de l’annonce de son départ, dans le cadre d’une entrevue téléphonique. Nous avons aussi réinstallé la Caisse au Québec avec des investissements de qualité. Cela a permis de rétablir la confiance qui était complètement disparue à notre arrivée. »

Depuis, le gestionnaire québécois de caisses de retraite s’est affairé à diversifier ses placements, notamment avec les marchés émergents, tout en se tournant vers les infrastructures, qui génèrent des revenus stables.

Dans un contexte de montée du protectionnisme et de risques géopolitiques élevés, notamment avec l’élection de Donald Trump aux États-Unis et la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne, il est difficile de trouver un autre adjectif que « solide » pour qualifier la performance de la CDPQ, estime M. Lescure.

« La Caisse est solide et cela tombe bien parce que le monde est risqué et turbulent, a dit l’homme de 50 ans. On va avoir besoin de solidité pour naviguer dans un environnement qui demeure volatile. »

Ce dernier estime que son passage à la Caisse représente les « huit plus belles années » de sa carrière professionnelle.

M. Lescure a expliqué que son choix de rentrer en France avait été motivé par un « sentiment d’urgence », au terme d’une année « particulièrement frappante » et « choquante » pour tous ceux qui s’intéressent à la vie publique.

Le vote du Brexit a été un « premier coup de tonnerre », suivi, seulement quelques mois plus tard, par un deuxième: la campagne présidentielle américaine remportée par M. Trump.

« Je suis un Européen convaincu, ma femme est Irlandaise et j’ai travaillé sur les affaires européennes, a expliqué M. Lescure. Le fait que le Royaume-Uni puisse quitter l’Union européenne a été une espèce de signal d’alarme. »

S’il ne pointe pas du doigt un moment précis comme élément déclencheur, une nuit du mois de janvier marquée par de l’insomnie semble néanmoins avoir pesé dans la balance.

« Je suis tombé sur une entrevue de M. Macron sur France Culture dans laquelle il parlait d’éducation et de culture, a raconté M. Lescure. Je me suis dit que d’avoir un président intelligent et cultivé qui va remettre la culture au coeur du modèle français, c’était parfait. »

Sa décision survient alors que la campagne présidentielle est bien en marche, avec un premier tour prévu dès le 23 avril.

M. Lescure a vanté quelques éléments du programme électoral de M. Macron, comme son soutien à l’Union européenne ainsi que la volonté de ramener une forme de « discrimination positive » dans les banlieues françaises, un « lieu de fracture sociale et un terreau horrible pour le fondamentalisme islamique ».

L’homme d’affaires assure qu’on ne lui a promis aucun poste précis advenant une victoire du candidat français.

Sans rôle défini _ et de déménagement immédiat prévu _ pour le moment, l’important, affirme-t-il, est d’aider Emmanuel Macron à se faire élire puisqu’il est un candidat « centriste et modéré » qui souhaite « transformer la société française ».

« Aux États-Unis, les gens ne sont pas allés voter, déplore-t-il. C’est l’un des risques majeurs de l’élection française, c’est que les gens n’aient pas aux urnes. Je ne veux pas me réveiller avec un cauchemar au deuxième tour de la présidentielle française. »

Un récent sondage publié en France place Marine Le Pen _ du Front National _ au coude à coude avec M. Macron, mais le numéro deux de la CDPQ a rappelé qu’il était difficile de se fier à ces enquêtes d’opinion, étant donné que les sondeurs se sont trompés à plus d’une reprise dans le passé.