Le patron de la TD veut mieux encadrer les sociétés financières technologiques
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«PayPal s’est développée si rapidement pendant que les banques étaient tellement lentes à réagir qu’elle a fini par être considérée comme l’entreprise qui permettait de payer en ligne. Des millions de développeurs de sites web ont alors choisi de nous intégrer dans leurs sites et ont ainsi contribué à faire la promotion de notre marque», rappelle Osama Bedier.

Selon lui, le modèle des banques consistait alors à garder les choses dans un état statique et à ne pas prendre de risques. La croissance de PayPal, «à une époque où on ne parlait pas encore de fintech», démontre toutefois à quel point ce modèle traditionnel a été forcé d’évoluer.

Nouveau paradigme

Avant la crise financière de 2008, le modèle d’affaires des banques était basé sur la confiance, mais à la suite de cette crise, la marque bancaire n’avait plus la même valeur et les consommateurs ont commencé à analyser davantage leurs options, a indiqué Osama Bedier.

Soutenues par les avancées technologiques, les options se sont multipliées rapidement. Cela a mis beaucoup de pression sur les banques afin qu’elles réduisent leurs coûts et qu’elles soient davantage agiles, analyse Noah Breslow, chef de la direction d’OnDeck, une firme américaine qui a conçu des modèles analytiques permettant d’évaluer la santé financière de petites entreprises afin de leur offrir du financement.

Auparavant, pour déposer un chèque, il fallait se rendre en succursale. Puis, il est devenu possible de le déposer dans un guichet automatique. Maintenant, on peut effectuer cette transaction à l’aide de son téléphone intelligent, en scannant son chèque. Malgré cela, il faut encore se rendre en succursale afin d’ouvrir un compte. Bientôt, par la force des choses, cette réalité deviendra un non-sens, car le consommateur voudra réaliser ses transactions instantanément, prévoit Noah Breslow.

«Amazon, notamment, est en train de redéfinir la manière de faire des transactions, et leur délai. Les gens veulent répliquer cette expérience dans tous les secteurs de leur vie», soutient Noah Breslow.

Il y a 10 ans, les banques regardaient les start-up de haut. Dans les phases initiales de l’apparition de la fintech, elles affrontaient systématiquement la concurrence, mais ce n’est plus possible, constate Peter Misek, partenaire, IT Venture Fund, qui animait le panel.

Aujourd’hui, les banques, pour servir plus efficacement leurs clients, cherchent à collaborer avec les petites firmes, les start-up plutôt qu’à les combattre ; elles peuvent ainsi intégrer des idées innovatrices à leur pratique. Une réalité qui pousse aussi les institutions financières à apporter des changements structurels importants et même à adapter leurs modèles d’affaires, ajoute-t-il.

Les banques ont dû évoluer au point de ne plus tout à fait se définir comme des institutions financières au sens traditionnel du terme, mais plutôt comme «des sociétés technologiques offrant des services financiers, comme l’a si bien exprimé Jamie Dimon [ndlr : PDG de JPMorgan Chase]», cite Peter Misek.

«Les grandes banques cherchent tant bien que mal à se donner une désignation technologique, mais en raison de leur taille et de celle de leurs systèmes, elles ont souvent de la difficulté à réellement innover», constate Tom Jessop, président de Chain.

«C’est pourquoi elles sont confrontées au dilemme de travailler de concert avec les fintechs. Toutefois, les start-up ne voient pas toujours l’intérêt d’un tel partenariat», dit-il

Les fintechs sont agiles, se développent souvent au sein d’une niche bien précise, et cherchent à combler un besoin bien défini. Il est faux de croire qu’elles ont toutes systématiquement besoin des grandes institutions pour s’épanouir, ajoute Tom Jessop.

Réglementation financière

Bien qu’elles évoluent souvent dans le même environnement, les banques se distinguent des fintechs à bien des égards, notamment en raison de leurs obligations réglementaires, analyse Noah Breslow.

«L’industrie des services financiers est l’une des plus réglementées et il y a de bonnes raisons à cela. En conséquence, les banques doivent dépenser énormément pour l’encadrement réglementaire, ce que les fintechs n’ont pas à faire, du moins au départ», avance-t-il.

Évoquant les partenariats stratégiques établis entre OnDeck et des banques telles que JPMorgan Chase, Noah Breslow précise : «JPMorgan a dû mettre de côté son arrogance lorsqu’elle a commencé à travailler avec nous, mais nous avons eu pour notre part toute une courbe d’apprentissage à suivre en matière de vérification interne et de conformité. Pour être un partenaire de confiance d’une institution telle que JPMorgan ou n’importe quelle autre dans ce secteur, échouer en matière de conformité n’est tout simplement pas envisageable.»

Tous les participants au panel s’entendent sur le fait que l’arrivée de nouveaux modèles d’affaires et le développement de nouveaux produits et services financiers créent beaucoup de pression sur le cadre réglementaire en vigueur et sur les régulateurs chargés de le faire appliquer.

Les enjeux liés à l’évolution de la fintech sont nombreux, par exemple en matière de vie privée et de cybersécurité. La question de l’encadrement réglementaire des fintechs remet notamment en question l’équilibre entre la stabilité du système bancaire et le besoin d’innovation du marché, comme le signalait PwC dans son édition 2016 du «Rapport sur les banques canadiennes».