L'industrie répond au ministre
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La division québécoise de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes (ACCAP-Québec) se concentre sur l’encadrement de la distribution d’assurance. Selon Lyne Duhaime, qui préside l’ACCAP-Québec, en ce qui concerne son secteur, le projet de loi 141 crée bel et bien une seule porte d’entrée pour le consommateur en cas de plainte contre un conseiller, un cabinet ou un assureur.

«Ça va être un guichet unique dans le domaine de l’assurance, ajoute-t-elle. Ce ne sera pas nécessairement le cas pour tous les services financiers, mais l’ACCAP n’a jamais pris position sur la question des Chambres et sur la supervision par l’autoréglementation ou le régulateur provincial.»

Carmen Crépin, ancienne vice-présidente pour le Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), parle quant à elle d’un bouleversement majeur et rappelle que le plus difficile reste à venir : «L’AMF, c’est déjà gros [comme organisation] et difficile à coordonner. Il ne faut pas sous-estimer le défi administratif que ça représente d’intégrer la CSF.»

Même si l’AMF absorbe les activités de la CSF, l’industrie sera loin du guichet unique, selon Gino Savard, président de MICA Cabinets de services financiers : «L’OCRCVM, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM) et l’Institut québécois de planification financière (IQPF) vont continuer d’être là, souligne-t-il. Ça crée en effet un régulateur plus intégré, mais est-ce que ça va être plus efficace ? Je ne le crois pas.»

«Le regroupement de la responsabilité d’encadrement à l’intérieur d’un seul organisme pourrait conduire à l’affaiblissement de l’encadrement des représentants au profit de l’encadrement des cabinets», craint quant à elle Annik Bélanger-Krams, avocate à Option consommateurs.

2. Ce projet de loi ne représente pas un désaveu de l’autoréglementation et du travail des Chambres, selon le ministre des Finances du Québec.

Gino Savard n’est pas du même avis : «Il semble y avoir de l’ouverture quand on lit le projet de loi, mais ce n’est pas clair, noir sur blanc, que le modèle d’autoréglementation sera protégé. Avec ce projet de loi, on a brisé quelque chose qui allait bien pour l’intégrer dans une organisation déjà embourbée. L’AMF n’est pas une mauvaise organisation, mais ils ont déjà plusieurs casseroles sur le feu.»

Le projet de loi témoigne surtout d’une volonté de revoir la structure de l’encadrement des services financiers, selon Carmen Crépin : «Ce n’est pas un vote contre l’autoréglementation, mais plutôt une réflexion visant à savoir comment mieux servir [les] intérêts [de la population et de l’industrie] et quelle structure va permettre de mieux y répondre.»

Lyne Duhaime rappelle quant à elle l’enjeu principal de ce projet de loi : la protection du public. «Est-ce un désaveu de l’autoréglementation ? C’est un gros mot à utiliser. Ce que le ministre a dit, c’est qu’il était d’avis que ce serait plus efficace et mieux pour le consommateur que la réglementation et la supervision des conseillers se fassent au sein du régulateur provincial.»

«[Une CSF intégrée à l’AMF] n’est pas la façon optimale de protéger les consommateurs. L’encadrement qu’on a actuellement est efficace», estime Annik Bélanger-Krams, qui souhaite que Québec corrige plusieurs lacunes du projet de loi 141.

3. Le projet de loi ne restreint pas la marge de manoeuvre ou les activités des représentants, au contraire, dit Carlos Leitão.

Que penser de la vente sans représentant à grande échelle qui serait désormais possible avec l’adoption du projet de loi 141 ? Carmen Crépin met quelques bémols : «Il faut savoir comment tout ça se valide, à qui c’est permis et quelles balises délimitent la question. Je ne suis pas certaine que nous ne soyons pas en train d’ouvrir une boîte de Pandore. Il faut voir comment ça va s’articuler.»

Elle rappelle l’exemple du courtage à escompte : «Il y a certaines firmes qui, même si elles n’en ont pas l’obligation, s’assurent lors de l’ouverture du compte que le client a la capacité de négocier les produits qu’il achète. Moi, je crois à la valeur ajoutée du représentant.»

Gino Savard souligne également que les représentants n’auront plus leur mot à dire sur la gestion de la CSF, une fois qu’elle sera intégrée à l’AMF : «Le pouvoir de représentation et de vote n’existe plus pour les représentants.»

4. Il n’y aura pas de hausse de coûts pour les représentants puisqu’ils ne paieront plus leur cotisation à la CSF, d’après le ministre. Et l’élargissement du Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) se fera également sans coûts supplémentaires.

La création de mégastructures amène rarement des économies, selon Gino Savard : «Je ne crois pas aux gains d’efficacité dans cette fusion et je ne serais pas étonné que ça coûte plus cher.»

Carmen Crépin émet également quelques doutes au sujet de cette théorie : «Personnellement, je suis plutôt sceptique par rapport à l’argument d’économie de coûts. Les coûts et les frais vont se répartir autrement. Je ne crois pas qu’à court terme ça coûte plus cher, mais je ne crois pas que ça va coûter moins cher.»

Le jeu en vaut la chandelle, selon Lyne Duhaime, qui demande par ailleurs que le projet de loi 141 soit adopté le plus vite possible : «L’objectif est une meilleure protection du public. Si c’est ce qu’il faut pour que le consommateur soit mieux protégé, on ne peut pas être contre. Il va falloir se pencher sur les coûts, mais à première vue nous sommes d’accord, puisque le but est de mieux protéger les consommateurs. Il faut évidemment trouver un équilibre.»