Le dirigeant du courtier, qui gère un actif de 850 M$, concède qu’il est beaucoup trop tôt pour ressentir les effets concrets des économies d’échelle permises par l’intégration verticale de toutes les composantes du processus transactionnel boursier.

L’acquisition par Groupe TMX, l’été dernier, du parquet électronique Alpha et de Services de dépôt et compensation CDS, devrait permettre au groupe intégré de générer des économies d’échelle d’environ 20 M$ par an d’ici la fin de 2013.

C’est pourquoi les actionnaires ont pu se réjouir des premiers résultats affichés par la nouvelle entité : des analystes, comme BMO Marché des capitaux et CIBC Marchés mondiaux, estiment que malgré des vents contraires, les résultats qui ont clos l’année financière 2012 ont été «solides».

Alors que les analystes tablaient sur un bénéfice de 0,73 $ par action, TMX en offre 0,61 $. Les coûts de l’acquisition et de l’intégration du parquet électronique Alpha et de Services de dépôt et compensation CDS ont empêché d’atteindre cette cible.

Cependant, les revenus, les profits et les recettes ont tous augmenté, ce qui laisse présager que la machine pourrait très bien performer comme prévu.

La baisse des transactions, qui a nui à l’ensemble des Bourses mondiales, a également touché le TMX. Il reste que le bénéfice net de l’entreprise, de 32 M$, est supérieur aux prévisions. TMX avait déclaré une perte à la fin de 2011.

Pour Luc Bertrand, qui a dirigé le défunt Groupe Maple et qui est aujourd’hui un des administrateurs du TMX, «il est certain que le modèle d’intégration verticale où on fait tout – les catégories d’actif, la compensation, etc. – permet d’être une entreprise d’envergure et dotée d’une très grande expertise».

Nous avions rencontré celui qui est également vice-président du conseil d’administration de la Banque Nationale avant l’annonce des résultats, lors d’une entrevue où il revenait sur les tenants et les aboutissants de la transaction qu’il a mis plus d’un an et demi à réaliser, de février 2011 à août 2012.

En ce qui concerne la croissance future du Groupe TMX, le président et chef de la direction Thomas Kloet a été plutôt réservé lors des discussions portant sur les résultats du 4e trimestre 2012.

«Nous avons traversé une période économique difficile, avec des marchés baissiers, mais je reste optimiste quant à la force de notre modèle d’affaires», a-t-il dit lors de la téléconférence sur les résultats du 4e trimestre, au début de février.

«Le modèle d’affaires est particulièrement intéressant et nécessaire pour le Canada», soutient pour sa part Thomas Caldwell, président-fondateur du courtier torontois Caldwell Securities.

Ancien actionnaire du TSX, celui d’avant la démutualisation de 1999, Thomas Caldwell est lui aussi d’avis que «pour l’instant, les changements sont plus d’ordre interne. Ils ne se traduiront pas dans l’immédiat par des changements notables pour les clients de la Bourse ou les investisseurs, ou encore pour l’économie».

À l’instar d’Alain Chung, de Claret, Thomas Caldwell ne voit aucun bénéfice immédiat pour sa structure de coûts quotidienne. «Nos intentions quant aux coûts qui seront exigés des utilisateurs sont des informations concurrentielles que nous ne pouvons pas divulguer», répond dans un courriel Carolyn Quick, porte-parole du parquet torontois.

Le modèle d’affaires est intéressant, note Thomas Caldwell, d’autant que le TMX s’est débarrassé, en l’intégrant, de son concurrent principal, Alpha, qui contrôlait environ 17 % de la valeur du marché.

Le défi mondial

Pour assurer sa croissance, il faut maintenant que le TMX dépasse les frontières du Canada.

Au lendemain des discussions infructueuses pour l’acquisition du mainteneur de marché américain Direct Edge, l’été dernier, Thomas Kloet avait déclaré que le TMX se préoccupait davantage d’intégration (à la suite de l’acquisition par Maple) que d’acquisition.

Un mantra qu’il n’a pas répété lors de la téléconférence portant sur les résultats du 4e trimestre. Il a cependant fait valoir que pour l’instant, il n’était pas question pour lui de discuter de projet d’intégration avec les analystes, qui l’appelaient à commenter la récente offre d’Intercontinental-Exchange (ICE) pour l’achat du NYSE Euronext pour 8,2 G$.

TMX fait face désormais à un géant des produits dérivés, tout comme son plus proche rival, le Chicago Mercantile Exchange.

Quant aux produits dérivés, sur lesquels Montréal et son parquet, le MX, ont le monopole au Canada, les plans de développement sont un peu plus clairs.

«Nous allons ouvrir un bureau en Asie. Et nous entendons maximiser la participation des investisseurs institutionnels et étrangers sur nos marchés», expliquait plus tôt cette année Alain Miquelon, président du parquet de Montréal.

Il se félicitait alors d’avoir augmenté, dans des conditions adverses, les volumes de négociation de sa Bourse de 4 % par rapport à 2011. Il disait également vouloir faire la promotion de la négociation hors cote et «attirer un plus grand nombre d’intervenants étrangers» sur les marchés de dérivés canadiens.

Thomas Kloet ajoute d’ailleurs que «les produits de la Bourse de Montréal sont de plus en plus prisés» sur la scène internationale.

Les inconnues

Les deux courtiers, Claret et Caldwell, se disent cependant mal à l’aise face à l’utilisation des marchés opaques (dark pools) pour la conduite des négociations.

On craint notamment l’internalisation des transactions par les courtiers bancaires, alors que deux courtiers négocient les cours acheteur/vendeur sans passer par le marché, mais plutôt par l’intermédiaire du marché opaque.

«Je ne comprends pas comment on peut avoir deux systèmes de négociation parallèles», déplore Alain Chung. Thomas Calwdell estime qu’il y a risque d’iniquité entre tous les acteurs du marché.

Questionné sur l’internalisation des transactions, Luc Bertand se veut rassurant.

«Les régulateurs nous ont imposé des règles, les comités de gouvernance et de vérification sont indépendants des actionnaires du TMX, nous avons d’imposantes murailles de Chine entre toutes les opérations», remarque l’homme d’origine franco-ontarienne.

Dans le contexte de réglementation rigide imposé au TMX, l’analyste Doug Young, de Valeurs mobilières TD, affirmait d’ailleurs l’automne dernier que l’imposant cadre réglementaire rend difficiles les actions du TMX.

«Il ne pourra pas, par exemple, augmenter les prix comme il le veut», écrivait l’analyste dans une note aux investisseurs.

L’autre inconnue est la place de Montréal et celle de la Corporation canadienne de compensation des produits dérivés, la CDCC.

«Les préoccupations les plus importantes pour Montréal concernent les systèmes de compensation, et qui aura la haute main sur les développements des produits dérivés et de la compensation des titres négociés hors cote», analyse Pierre Lortie, ancien président de la Bourse de Montréal et de Bombardier Transport, aujourd’hui conseiller principal, affaires, à l’étude Fraser Milner Casgrain de Montréal.

«Si on s’attarde aux fondamentaux d’un parquet boursier, c’est la compensation qui est importante en termes de revenus et de modèle d’affaires.» Une opinion que partage Thomas Caldwell, selon qui la bataille des Bourses ne se fait plus sur le front des inscriptions boursières.

La Bourse de Montréal n’a pas répondu à nos questions à ce sujet.