La mission de ce pôle consistera à participer au développement de l’écosystème en s’appuyant sur une vision commune aux différents intervenants et à soutenir les entreprises qui exercent leurs activités dans ce secteur ou qui veulent contribuer à sa croissance. «Les sociétés financières intègrent de plus en plus les technologies de l’information à leur modèle d’affaires afin de répondre aux besoins des consommateurs qui adoptent rapidement de nouvelles technologies financières», constate le ministre des Finances, Carlos Leitão, dans son «Plan économique du Québec 2017-2018».

Concurrence

L’intérêt du secteur financier pour le développement de solutions technologiques représente une occasion importante pour le Québec, indique-t-on dans le «Plan». Or, Montréal a de la concurrence dans le secteur des fintechs et cet effort du gouvernement du Québec vient à point.

Montréal figure au 13e rang des principaux centres de technologie financière du monde, selon le palmarès publié en janvier 2017 par la firme londonienne Z/Yen pour le compte de l’Alliance des services financiers de Toronto (TFSA). Toronto occupe le 5e échelon du classement, alors que Vancouver figure au 12e rang, tout juste devant Montréal.

Janet Ecker, présidente et chef de la direction de la TFSA, est d’avis que la Ville reine a le potentiel, tout comme Montréal, de gagner des rangs au sein de ce palmarès dont les premières places sont occupées respectivement par Londres, San Francisco, New York et Singapour.

L’agglomération torontoise, qui est le deuxième centre financier en importance en Amérique du Nord, bénéficie du fait que l’Ontario accueille la deuxième concentration de sociétés technologiques. La présence de nombreux incubateurs, accélérateurs et maisons d’enseignement contribue aussi à créer «l’environnement parfait pour devenir une plaque tournante internationale dans le secteur des fintechs», affirme-t-elle.

Mario Albert, qui était directeur général de Finance Montréal jusqu’à la fin du mois de mars 2017, soutient pour sa part qu’en excluant des centres tels que Londres, New York et la Silicon Valley, qui sont en avance sur les autres, Montréal possède d’excellents atouts pour émerger dans le secteur des fintechs.

Il évoque de grands centres de recherche tels que l’Institut de valorisation des données (IVADO) et le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM), une structure d’accompagnement mise au point pour les entrepreneurs, de même que du capital d’investissement disponible.

«Toronto est un plus grand centre financier que Montréal, et Londres en est un plus grand que Toronto, mais nous ne jouons pas à être le premier ou le plus gros. Chez Finance Montréal, notre objectif consiste à mettre en valeur le talent local et à nous assurer que les jeunes qui sortent de l’université et qui s’intéressent aux technologies financières peuvent trouver des emplois et que nos institutions financières ont accès au talent qu’elles recherchent», signale Mario Albert.

Susciter le maillage

La mise en place d’un pôle d’excellence fintech constitue la principale recommandation d’une étude d’EY commandée par Finance Montréal et publiée en février 2017.

Bien que toutes les institutions financières rencontrées collaborent déjà à différents degrés avec des fintechs, l’étude montre clairement qu’il y a un besoin de s’organiser, soutient Sébastien René, associé et leader des Services consultatifs en technologie de l’information d’EY pour le Québec, lors d’un entretien avec Finance et Investissement.

«Le constat tiré de la trame de fond de toutes les entrevues effectuées, c’est qu’à défaut de s’organiser et en laissant le secteur croître de manière « organique », il y aurait tout de même un développement des fintechs à Montréal, mais il ne se ferait certainement pas aussi rapidement», précise-t-il.

Sébastien René est d’avis que le succès de Montréal en matière de fintechs, sur l’échiquier tant canadien que mondial, repose sur la capacité des acteurs locaux de développer des services ou des créneaux «peut-être un peu plus uniques, mais qui seraient complémentaires à ce qui se fait dans le reste du Canada, qui fonctionneraient bien ici et seraient utilisés ou pilotés par les institutions financières québécoises».

Au nombre des atouts mis en relief, Sébastien René cite notamment la position du Québec dans des secteurs tels que l’intelligence artificielle appliquée au secteur financier, ainsi que l’assurance.

«Le Québec est un leader canadien dans le secteur de l’assurance, alors tablons là-dessus pour faire notre place dans le reste du monde, dit-il. Car le succès final, c’est d’être en mesure d’exporter les produits et services découlant de notre expertise dans d’autres régions du monde.»

Outre la mise en place d’un pôle d’excellence, EY recommande l’établissement d’un cursus universitaire uniformisé dans plusieurs universités du Québec qui ferait la promotion des parcours professionnels possibles au sein du secteur des services financiers et de la technologie.

L’étude préconise aussi la création d’un programme de mentorat officiel pour les entrepreneurs fintechs soutenus par les institutions financières du Québec.

«Les entrepreneurs ont des idées et ce qu’ils disent, c’est qu’ils croient savoir où ils s’en vont et dans quels créneaux ils pourraient aider, mais ils veulent pouvoir travailler étroitement avec des institutions financières afin de pousser leurs idées, les structurer et mieux les adapter à la réalité», affirme Sébastien René.

Selon lui, la prochaine étape pourrait consister en la création d’un «registre des entreprises susceptibles de bénéficier de mentorat, auquel s’ajouterait un engagement des institutions financières à prendre sous leur aile un certain lot de fintechs pour un laps de temps déterminé».

Montréal possède les atouts pour soutenir la croissance de son écosystème, estime Sébastien René. Il ajoute toutefois qu’en centralisant le développement des fintechs dans une seule entité, «Montréal consoliderait sa position dans l’industrie canadienne et rehausserait son image de pôle d’attraction des fintechs à l’échelle internationale».

Cerner la vision commune

La publication du rapport d’EY a suscité des réactions dans l’industrie.

«À quel point un rapport de 60 pages sur l’écosystème fintech est-il exhaustif, alors qu’il ne contient aucune mention de la première, plus vaste et plus ouverte communauté de fintechs à Montréal, FinFusion, et qu’on omet d’y mentionner le travail de terrain que ses bénévoles ont fait depuis deux ans», se questionne Thomas Pasturel, cofondateur de FinFusion, faisant écho aux interrogations soulevées par le rapport sur des plateformes comme LinkedIn.

«Comment peut-on espérer bâtir un avenir commun si on ignore le passé ?» demande-t-il.

Quelques exemples suffisent, selon Thomas Pasturel, à illustrer le dynamisme et la diversité des acteurs de l’écosystème local. Outre FinFusion, il évoque le Studio FCP FinTech exploité par les frères Ferst, de Ferst Capital Partners, qui «héberge de nombreuses firmes de fintech qui seront les fleurons de demain». Impak Finance, l’ambitieux projet de Paul Allard et de ses 11 cofondateurs, qui «va révolutionner le rapport que les Canadiens entretiennent avec leur banque, rien de moins». Puis Diagram, l’incubateur fintech lancé par Paul Desmarais III et François Lafortune, en janvier 2017, «qui viendra compléter le paysage du financement dans le secteur».

Thomas Pasturel soutient qu’il «faut davantage briser le clivage entre les institutions financières établies, représentées par Finance Montréal, et la communauté active» si l’on veut que les recommandations du rapport d’EY aient un impact concret.

«Avec son étude, EY a fait un bon tour de roue. Maintenant, ce qui nous intéresse, c’est le développement de l’écosystème dans son ensemble», affirme Mario Albert, en réponse aux impressions suscitées par la publication.

Il ajoute : «Nos membres, ce sont les institutions financières, ce n’est pas un secret. Mais nos collaborations sont déjà nombreuses avec tous les acteurs de l’industrie, les associations, les fintechs, qu’elles fassent affaire ou non avec des membres de Finance Montréal. FinFusion, nous les commanditons. Quant à Ferst Capital, des représentants siègent à certains de nos comités et nous parlons à tous ces gens-là régulièrement.»

Tous ceux qui veulent contribuer sont bienvenus, affirme Mario Albert. «Plus il y aura de fintechs à Montréal, plus grand sera le dynamisme économique dans ce créneau, et mieux nous parviendrons à remplir notre mission.»