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Alors que le cadre réglementaire actuel protège bien le client, aux yeux de plusieurs acteurs de l’industrie, les ACVM devraient attendre de mesurer l’impact des nouvelles exigences de la deuxième phase du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2) et du régime l’information au moment de la souscription (Point of sale).

C’est ce qui ressort des différents mémoires remis aux ACVM à la fin de septembre en réponse au document de consultation 33-404 sur le rehaussement des obligations des conseillers et des courtiers envers leurs clients. Dans cet avis, les ACVM proposent la création d’une norme réglementaire d’agir au mieux des intérêts ainsi qu’une ribambelle de réformes qui, entre autres, précisent les obligations de convenance, de connaissance du client, de gestion des conflits d’intérêt et de connaissance du produit.

L’une des réactions les plus épidermiques provient du Mouvement Desjardins qui juge aussi primordial d’évaluer d’abord le plein effet du MRCC2 et du Point of sale avant de réglementer à nouveau.

« Les ACVM, de par leurs multiples initiatives des dernières années qui se succèdent, voire même qui se chevauchent, sont à la recherche de solutions règlementaires absolues, alors qui y aura toujours de l’incertitude lorsqu’il s’agit de transaction sur les marchés financiers […] Y aurait-il moyen d’atteindre une certaine stabilité dans le domaine des valeurs mobilières pendant quelque temps? », écrit Yvan-Pierre Grimard, directeur relations gouvernementales, au Mouvement Desjardins, dans son mémoire.

Plusieurs acteurs de l’industrie, dont les représentants de l’Association des banquiers canadiens, de BMO Banque de Montréal, de la Banque Nationale, de la Financière Sun Life, de l’Institut des fonds d’investissement du Canada et de Mérici Services financiers, jugent aussi que les ACVM devraient attendre.

« À ce stade, nous pensons qu’il est prématuré d’imposer les réformes proposées. Le fait d’appliquer celles-ci pourrait détourner les ACVM des objectifs et des résultats attendus des initiatives du Point of sale et du MRCC2 dont l’industrie s’est considérablement investie à mettre en place », ajoute pour sa part, l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, dans son mémoire.

« Alors que le changement est une bonne chose, trop de changements, faits trop vite, pourraient être contre-productif si nous ne disposons pas d’une pleine compréhension des conséquences des derniers changements », indique Normand Pépin, vice‐président exécutif et adjoint du président, chez iA Groupe financier, dans son mémoire.

« Nous croyons que les ACVM auraient été avisées de profiter du bénéfice qu’offrent le temps et la réflexion afin de laisser les initiatives en cours s’implanter pleinement et d’ensuite en mesurer concrètement les effets, preuves et chiffres à l’appui », mentionne quant à lui le mémoire de Mérici Services financiers.

Même la Chambre de la sécurité financière (CSF), dont la mission est de protéger le public, propose d’attendre, soulignant au passage que les ACVM ont lancé en août un projet de recherche sur plusieurs années pour mesurer l’incidence des obligations introduites par le MRCC 2 et le Point of sale.

« Il serait effectivement opportun d’accorder le temps nécessaire à l’identification des effets du MRCC dans l’industrie, de son application et de son impact, notamment en matière d’évaluation de la convenance, avant d’adopter de nouvelles exigences de mise à jour annuelle de l’information du client, qui ne sauraient être opportunes pour tous les clients dont les besoins peuvent évoluer au fil du temps et en fonctions des produits et des stratégies mis en place », lit-on dans le mémoire de l’organisme d’autorèglementation, sous la plume de Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF.

Pas assez vite

Certains groupes pressent plutôt les ACVM d’aller plus loin que les réformes proposées et de ne pas y aller par étapes. « On devrait saisir l’occasion maintenant de mettre en place un changement profond vers une norme règlementaire d’agir dans le meilleur intérêt qui fera en sorte que les Canadiens reçoivent le conseil financier professionnel et objectif dont ils ont besoin et s’attendent », lit-on dans le mémoire de Fair Canada.

Cet organisme souligne que d’autres pays, dont le Royaume-Uni, ont implanté des réformes comme le devoir d’agir dans le meilleur intérêt et l’abolition des rémunérations qui sont sources des conflits d’intérêts.

« Ces réformes engendrent une plus grande protection pour les investisseurs dans ces juridictions. Les Canadiens ne méritent pas moins. Nous avons également besoin des réformes globales qui abordent de façon significative le problème des conflits d’intérêts et des ventes de mauvaise qualité qui sont trop souvent dépourvus de « conseils » objectifs », poursuit Fair Canada.

Le Consumers Council of Canada est aussi favorable à la norme d’agir au mieux des intérêts du client, qui, selon eux, protège les clients des comportements égoïstes.

« Il est temps pour les régulateurs canadiens en valeurs mobilières de cesser de blâmer l’investisseur. La protection qui passe par une approche orientée vers le produit, qui repose sur la divulgation, ne tient pas compte des vérités fondamentales et les normes sociales. Cela nuit non seulement aux investisseurs, mais crée aussi un régime dans lequel les investisseurs seront lésés délibérément et intentionnellement », lit-on dans le mémoire du Consumers Consil of Canada.

Le projet d’implanter une norme d’agir au mieux des intérêts du client est positif pour le client et l’industrie, estime l’organisme CFA : « Toutes réformes ciblées ne sera pas aussi efficace pour améliorer les obligations des personnes inscrites qu’une norme d’agir dans le meilleur intérêt. Nous contestons le besoin de mener de vastes consultations alors que propositions telles que celles-ci ont déjà amélioré les résultats pour les investisseurs dans d’autres pays, et ont permis à l’industrie de se déplacer sur l’innovation dans les produits d’investissement et la prestation de conseils dans le cadre d’un nouveau régime de réglementation. », indique Michael Thom, qui dirige l’aile canadienne du CFA Institute, dans son mémoire.

Il reste que plusieurs acteurs de l’industrie ne voit pas du même œil les répercussions de la réforme britannique, aussi appelée Retail Distribution Review. « Il n’y a aucune preuve de l’expérience britannique que les investisseurs obtiennent une meilleure valeur pour leur argent ou de meilleurs conseils financiers. Cependant, il y a des indices de perte d’accès au conseil en raison d’une réduction spectaculaire du nombre de conseillers et une augmentation du coût du conseil », indique Robert Strickland, président de Fidelity dans son mémoire. Celui-ci est favorable à une norme d’agir dans le meilleur intérêt qui est prudemment et raisonnablement définie, mais estime aussi que les régulateurs devraient attendre de tirer des conclusions de l’expérience britannique.