Les gestionnaires d'actifs du Québec bientôt prisés à travers la planète ?
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Avec la collaboration de l’Institut de la statistique du Québec et de Retraite Québec (Régie des rentes du Québec), l’organisme prévoit établir d’ici quelques mois un portrait des fonds qui sont gérés au Québec, déterminer qui gère les actifs des caisses de retraite québécoises, et quels sont les actifs gérés par les gestionnaires québécois.

Les caisses de retraite et les investisseurs institutionnels locaux intègrent graduellement des réseaux à caractère international, signalait le directeur général de Finance Montréal, Mario Albert, lors du 10e Colloque de conformité du Conseil des fonds d’investissement du Québec (CFIQ), en avril.

Selon lui, si cette évolution apporte aux allocateurs d’actifs un bassin de possibilités plus grandes en matière de solution d’investissement, elle est également susceptible de diluer l’espace pouvant être dédié aux gestionnaires locaux et « faire en sorte que des mandats de gestion se trouvent davantage confiés aux quatre coins de la planète. En contrepartie, certains gestionnaires québécois, des grands comme des plus petits, récoltent des mandats à l’étranger, alors dans la balance des choses, il faut voir où l’on se retrouve. »

La « cartographie » des fonds gérés au Québec est la première étape d’une stratégie plus large visant à inciter les allocateurs d’actifs de la planète à choisir les solutions offertes par les gestionnaires du Québec, et qui va se mettre en oeuvre avant la fin de 2016, précise Matthieu Cardinal, vice-président, affaires publiques et partenariats stratégiques chez Finance Montréal, lors d’un entretien avec Finance et Investissement.

« En gestion de fonds, il est possible de gérer les actifs de n’importe qui dans le monde à partir de Montréal. À Londres, cite Mario Albert en exemple, on y gère un nombre élevé de fonds provenant du Moyen-Orient. Alors compte tenu de l’expertise présente à Montréal, nous croyons pouvoir construire une industrie de la gestion de fonds capable de capter des mandats issus d’allocateurs d’actifs d’un peu partout dans le monde et ainsi, créer de l’emploi localement. »

Au nombre des initiatives mises de l’avant pour soutenir cette stratégie, Finance Montréal désire faciliter la participation des membres du Conseil des gestionnaires en émergence (CGE) à des événements d’introduction au capital, qui sont des activités de réseautage visant à mettre en relation des allocateurs d’actifs avec des gestionnaires locaux. Un événement réunissant des mandataires internationaux intéressés par le placement alternatif figure déjà à l’agenda pour l’automne.

Finance Montréal prévoit aussi inviter des firmes membres du CGE à prendre part à des missions économiques à l’étranger. « Nous effectuons chaque année des activités dans différentes régions, par exemple à New York et à Boston. Des gestionnaires pourraient nous accompagner afin de présenter leur entreprise », illustre Mario Albert.

Amorcée en 2015, l’initiative du Programme des gestionnaires en émergence du Québec (PGEQ) s’inscrit également dans cette stratégie. Le PGEQ est un fonds réunissant déjà près de 250 M$ d’actifs entièrement financé par des investisseurs institutionnels, et destiné à être réparti entre une douzaine de firmes du Québec par l’entremise d’autant de mandats.

L’engagement des caisses de retraite et des investisseurs institutionnels envers le PGEQ, « va permettre à de nombreux gestionnaires de se faire connaître auprès des grands allocateurs d’actifs, d’assurer leur croissance et éventuellement, d’atteindre la stature et l’expertise permettant d’obtenir des mandats qui viendront de l’extérieur », signale Mario Albert.

Soutenir les gestionnaires émergents

Le patron de Finance Montréal estime que la volonté de se tourner vers les marchés externes est une ambition qu’il faut nourrir à long terme. Mais pour soutenir une telle ambition et développer une stratégie visant l’attraction de fonds étranger destiné à être géré par des gestionnaires du Québec, encore faut-il « assurer le développement des firmes existantes et encourager la venue de nouveaux entrepreneurs dans le domaine de la gestion de fonds ».

C’est dans ce contexte que Finance Montréal, en 2014, a soutenu la création du CGE, qui regroupe aujourd’hui une cinquantaine de firmes actives en gestion de portefeuille et de fonds, dont l’actif sous gestion est inférieur à 1 milliard de dollars (G$).

Toutefois, selon Mario Albert, « puisque les firmes de Montréal sont mises en concurrence avec des firmes de partout dans le monde », l’objectif premier consiste à en faire des joueurs crédibles, susceptibles de se mesurer à n’importe quel compétiteur sur la planète pour obtenir des mandats qui viendront de l’extérieur.

Par l’entremise du sous-comité dédié à l’évolution de la réglementation au niveau des services financiers de son chantier entrepreneuriat, Finance Montréal a fait le pont entre le CGE et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

« La conformité, ça ne fait pas perdre ou gagner des clients, mais se révéler efficace en matière de conformité nourri la confiance de tous les acteurs de l’industrie. En contrepartie, le régulateur a un rôle à jouer dans le développement des jeunes firmes de gestion et nous cherchons à ce que tout le monde soit au diapason », mentionne Mario Albert.

Ce sous-comité s’est donc assuré d’ouvrir et d’entretenir un dialogue avec l’AMF, mentionne son pilote, Guy Desrochers, vice-président et chef de la conformité chez IPSOL Capital.

« L’AMF invite dorénavant, à deux reprises dans l’année, les gestionnaires de portefeuille à participer à des présentations, ainsi qu’à un forum de discussion au cours duquel les participants interagissent directement avec les représentants du régulateur », explique Guy Desrochers, lors d’un entretien avec Finance et Investissement.

Il confirme avoir également été impliqué dans la refonte d’un module du site Internet de l’AMF, « dont l’interface facilitera l’inscription des gestionnaires de portefeuille ».

Mentorat

Pour sa part, le sous-comité mentorat du chantier entrepreneuriat de Finance Montréal a offert de l’encadrement aux gestionnaires en émergence. Le pilote du comité, Martin Dufresne, vice-président principal et directeur général Québec, et vice-président principal Stratégies alternatives, Marchés institutionnels, chez Fiera Capital, cite en exemple une formation destinée à faire mieux comprendre aux gestionnaires le processus de sélection institutionnel.

« Les gestionnaires en émergence qui n’ont jamais œuvré auprès d’investisseurs institutionnels ne savent pas d’office quel est le rôle d’un consultant, le comportement à adopter devant un comité d’évaluation, et la manière d’adapter son niveau de sophistication en fonction de celui du comité, afin de décrire un processus d’investissement dans les mots qu’un consultant veut entendre », signale-t-il.

Des gestionnaires ont donc été invités à présenter leurs services devant des membres du comité mentorat, « afin d’avoir un aperçu de ce que représente une véritable présentation effectuée auprès d’un investisseur institutionnel, à la suite de quoi nous avons procédé à une rétroaction sur leur présentation », a expliqué Martin Dufresne lors d’un entretien avec Finance et Investissement.

« Souvent, ces gestionnaires sont parvenus à récolter quelques millions de dollars d’actif sous gestion auprès de leurs amis et de quelques personnes riches de leur entourage. Ils se chargent de la gestion de leur fonds, de leur développement d’affaires et de la conformité, mais dès qu’un consultant tel que Towers Watson ou Morneau Shepell est impliqué dans le processus de sélection, ils sont morts parce que le consultant s’avère incapable de bien comprendre leur processus d’investissement à partir des grilles d’évaluation habituelles », mentionne-t-il.

Selon lui, il y a des superbes firmes au Québec. « Sur les 40 ou 50 firmes membres du CGE, j’en ai rencontré plus de vingt et bien sûr, ce n’est pas l’ensemble qui est taillé pour oeuvrer auprès des investisseurs institutionnels, mais il y en a au moins dix qui m’ont fait dire : Wow ! C’est sûr que cette firme va percer et la question n’est plus de savoir si elle va vraiment percer le marché, mais à quel moment elle va le faire », lance Martin Dufresne.