La vague des fonds de fonds s'amplifie
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«Les réseaux de succursales bancaires représentent sans doute les meilleurs conduits pour la distribution de fonds communs de placement au pays», indique James Gauthier dans sa note.

À la fin de février, les fonds de fonds représentaient 33 % de l’actif total canadien en FCP, soit une progression d’environ 10 points de pourcentage par rapport à 2012.

«La situation a vraiment changé depuis une dizaine d’années. Les fonds de fonds ne sont plus un produit comme un autre. Ils forment maintenant le coeur du portefeuille des consommateurs», affirme Jean Morissette, un observateur aguerri de l’industrie, maintenant consultant après avoir été président de Services financiers Partenaires Cartier pour le Québec et associé fondateur de Talvest.

Produits simples

Président et chef de la direction de Banque Nationale Investissements, Jonathan Durocher explique le succès commercial des fonds de fonds par leur formule qui rejoint les clients de tout âge.

«L’innovation se trouve parfois dans la simplicité. Or, c’est ce que procurent les fonds de fonds. Les gens veulent comprendre ce qu’ils achètent. Avec les fonds de fonds, ils accèdent aux meilleurs gestionnaires ainsi qu’à une gamme diversifiée de catégories de fonds et même de produits, comme les fonds négociés en Bourse qui sont maintenant intégrés aux Portefeuilles Méritage», dit-il.

En outre, les fonds de fonds rejoignent les consommateurs jeunes, constamment à la recherche de rapidité.

«La gestion du temps est un défi quotidien. Que choisir ? Les jeunes veulent-ils passer leurs samedis à sélectionner les fonds et leurs gestionnaires ? Voilà ce qui explique, partiellement du moins, l’intérêt des fonds de fonds auprès des clientèles jeunes», affirme Jonathan Durocher.

L’argument du dirigeant de Banque Nationale Investissements ne sort pas d’un chapeau. Selon Investor Economics, parmi les 3 670 fonds disponibles sur le marché canadien, une quantité astronomique de 2 260 a été mise en marché au cours des dix dernières années seulement !

À la Banque Nationale, les vingt Portefeuilles Méritage font un tabac. Fin février, l’actif sous gestion dépassait 3,4 G$.

James Gauthier de Hollis-Wealth relève que les commissions de suivi des Portefeuilles Méritage peuvent atteindre 1,25 % et qu’elles sont plus élevées que la moyenne. Que cela en soit ou non la cause, les Portefeuilles Méritage «ont gagné un certain élan» chez les conseillers indépendants, constate l’analyste de HollisWealth.

Comme les caisses de retraite

Guy Lavoie est consultant en placements pour les Fonds Scotia et spécialiste du développement des affaires au Québec, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard. Lui aussi constate un fort engouement pour les fonds de fonds. «Selon moi, les portefeuilles de fonds représentent au moins 90 % des ventes brutes de la Banque Scotia», dit-il.

Scotia compte cinq familles de portefeuilles. L’une d’entre elles, les Portefeuilles Partenaires Scotia, affiche un actif sous gestion de plus de 8 G$.

Guy Lavoie explique cette popularité par le fait que les consommateurs savent qu’ils ont besoin des connaissances des gestionnaires. «Si on envoie sa voiture chez le garagiste, c’est parce qu’on ne sait pas comment la réparer soi-même. Avec les portefeuilles de fonds, on confie ses économies à des gestionnaires qui les feront fructifier comme dans des caisses de retraite professionnelles. Tout cela, parce qu’on ne peut pas vraiment le faire soi-même», dit-il.

À l’instar des Portefeuilles Méritage de la Banque Nationale, les portefeuilles de la Scotia peuvent être distribués par des conseillers indépendants.

«La commission de suivi varie entre 0,5 % et 1 %. Toutefois, hors du réseau bancaire, nos ventes sont minimes. C’est peut-être dû à l’abondance des fonds de fonds disponibles sur le marché, tels les Portefeuilles Symétrie des Mackenzie de ce monde. Et peut-être aussi parce que les réseaux indépendants veulent garder une certaine distance afin de se distinguer des banques», remarque Guy Lavoie.

La conformité en cause

Directeur général chez Excel Gestion Privée, Normand Morin pense que les exigences en matière de conformité ont favorisé l’expansion des fonds de fonds.

«Les conseillers qui choisissent de bâtir des portefeuilles à la pièce doivent être très vigilants. Ils doivent suivre les fonds, les gestionnaires, la répartition d’actif, ce qui peut être lourd par rapport à la conformité», constate-t-il.

De plus, ajoute Normand Morin, les portefeuilles bâtis d’avance offrent beaucoup de choix en nombre et en champs de spécialité. «On trouve, par exemple, des portefeuilles spécialisés en actions américaines, avec des styles croissance, valeur, petites, moyennes et grandes capitalisations», illustre-t-il.

En outre, ajoute le dirigeant d’Excel Gestion Privée, les frais de gestion des portefeuilles se comparent maintenant à ceux des fonds individuels. «Il y a quelques années, les coûts étaient problématiques. Mais la plupart des manufacturiers de fonds se sont adaptés, notamment dans certaines séries», dit-il.

Normand Morin ajoute un dernier facteur expliquant la popularité des fonds de fonds : la volonté de conseillers en sécurité financière de se concentrer sur leurs affaires en assurance. En ce sens, des conseillers ayant le double permis pourraient concentrer leurs achats de fonds dans des portefeuilles tout faits. «Leur activité principale étant l’assurance, ce choix est rationnel», dit Normand Morin.

Selon Jean Morissette, les fonds diversifiés sortent grands perdants du processus de construction de portefeuilles. «Il est plus intéressant de choisir un fonds de fonds qu’un fonds diversifié. Dans le premier cas, les meilleurs gestionnaires sont à l’oeuvre. Dans le second cas, un très bon gestionnaire tente de tout faire. La performance est plus difficile à maintenir à long terme !» dit-il.