Comme dans l’aéronautique militaire, le «biais du survivant» peut jouer de mauvais tours aux investisseurs, puisque certaines statistiques ne portent que sur les gagnants, c’est-à-dire sur les titres ou les fonds qui survivent aux aléas du marché.

Publiée en avril dernier par Morningstar, aux États-Unis, une étude montre que le «biais du survivant» peut également contribuer à hausser les moyennes générales de rendement de catégories de fonds communs de placement (FCP).

Entre mars 1994 et mars 2014, le rendement annualisé des grandes capitalisations américaines a atteint 8,9 %. Par contre, toujours selon l’étude, si on y ajoute les fonds qui n’ont pas survécu au terme de ces deux décennies, la moyenne annuelle diminue à 8,1 %.

L’impact du biais du survivant est le plus fort, poursuit l’auteur de la recherche, lorsqu’on considère les fonds de croissance à petite capitalisation américaine. Sur une période de dix ans, leur rendement annualisé se situe à 8,7 %. Si l’on exclut les fonds disparus, il baisse subitement à 7,7 %. Au cours de cette période de dix ans, les différences se situent autour de 0,5 %, selon la catégorie considérée.

Président du cabinet De Champlain Groupe financier, rattaché à Investia, Sylvain De Champlain ne considère pas le biais du survivant comme un enjeu dans sa pratique professionnelle.

«Nous cherchons à cerner les meilleurs fonds sur cinq ans par rapport à leurs pairs. Pas par rapport au bois mort ! Ensuite, nous comparons ces fonds de grande qualité à leurs indices de référence. En dernier lieu, nous cherchons les gestionnaires qui battront ces indices», dit-il.

Autrement dit, les rendements de la catégorie du fonds importent peu. «En choisissant les gestionnaires qui battent leurs indices de référence, je n’ai pas à me soucier du biais du survivant. Voilà pourquoi nous n’avons jamais débattu de cette question dans notre cabinet», conclut Sylvain De Champlain.

Prudence avec les fusions

Qu’arrive-t-il lorsque des fonds sont fusionnés à d’autres ? Devrait-on être rassuré quand des fonds aux rendements misérables s’amalgament à des fonds de qualité ?

Les premiers éléments de réponse se trouvent chez nos voisins du Sud, car là, le cimetière des fonds supprimés est réellement très fréquenté. Selon de récents calculs de John Bogle, le fondateur à la retraite de Vanguard, pas moins de 7 % des FCP américains ont disparu, année après année, entre 2001 et 2012. Et 3 500 des 5 000 fonds d’actions américaines n’existeront plus d’ici 2022, prévoit-il (http://tinyurl.com/pck9cy3).

D’après une autre recherche publiée par Vanguard, un fond sur deux seulement pourra souffler sa quinzième chandelle. Portant sur l’univers Morningstar (États-Unis) entre 1997 et 2011, cette recherche ajoute une information significative : même fusionné, un fonds médiocre risque de rester médiocre, car il contaminera probablement le fonds dominant ! (http://tinyurl.com/pmf3mvs)

Une autre recherche, signée par un dirigeant du cabinet de conseillers américains Advisor Partners, ajoute qu’un fond affichant une ou deux étoiles Morningstar sera probablement fermé ou fusionné (http://tinyurl.com/k5vsyzb).

Malheureusement, les données similaires concernant le Canada datent des années 1990 et elles ont perdu de leur actualité.

«On n’a pas mesuré ces phénomènes de façon précise», convient Christian Charest, l’éditeur du site Morningstar Canada.

Toutefois, ce dernier invite les conseillers à aborder les phénomènes de fusions de fonds avec beaucoup de prudence.

«Il y a cinq ou six ans, on voyait fréquemment des fonds une étoile être fusionnés à des fonds plus performants. Aujourd’hui, c’est plutôt rare, mais ça ne veut pas dire que ça ne recommencera pas !» dit Christian Charest.

En cas de fusion de deux fonds de qualité différente – par exemple, entre un fonds une étoile et un autre qui en afficherait cinq -, le spécialiste de Morningstar Canada recommande de consulter l’historique du gestionnaire qui en prendra la direction. Autrement dit, on a alors intérêt à voir que le passé pourra être garant de l’avenir.

Depuis quelques années, précise Christian Charest, la très grande majorité des fusions de fonds, au Canada, ont porté sur des rationalisations. Par exemple, elles ont eu lieu lorsque les manufacturiers ont voulu éliminer des marques précédemment acquises. Elles ont aussi entraîné l’élimination de mandats très spécialisés, créés sous le coup d’effets de mode qui n’ont pas tenu la route, comme l’ont été les fonds d’actions japonaises et les fonds d’actions d’Amérique latine.

«Si les mandats changent, on doit immédiatement s’interroger sur leur impact sur les portefeuilles des clients. Y aura-t-il surpondération dans certains secteurs ? Il faudra se demander si ces nouveaux mandats conviendront toujours aux clients», résume Christian Charest.