Les portefeuilles à date cible (PDC) sont basés sur une approche «cycle de vie» où le niveau de risque du portefeuille du client, établi en fonction de son âge, est ajusté au fur et à mesure qu’il approche de la retraite.

Pour sa recherche, RA a composé trois séries de 101 PDC échéant chaque année et couvrant une période de 141 ans, de 1871 à 2011.

Ainsi, chaque année, un épargnant fictif y investit 1 000 $ pendant une période de 41 ans. Les trois premiers portefeuilles débutent donc en 1871 et atteignent leur date cible en 1911. La série suivante s’étend de 1872 à 1912, la dernière, de 1971 à 2011.

Pour chacune des années, RA a composé trois portefeuilles. Le premier est un PDC de type classique composé au départ à 20 % en obligations et à 80 % en actions, et rééquilibré au fil des ans jusqu’à ce qu’il atteigne une répartition à échéance de 80 % en obligations et de 20 % en actions.

Le deuxième est un portefeuille équilibré à 50/50 qui maintient cette proportion pendant tout son parcours et est rééquilibré chaque année. Le troisième est un «PDC inversé» qui commence avec une proportion de 20 % en actions et de 80 % en obligations, et arrive à échéance avec 80 % d’actions et 20 % d’obligations.

L’hypothèse à la base des PDC vise à donner aux investisseurs plus de capital à l’échéance et, comparé à des stratégies alternatives, à laisser moins d’incertitude quand vient le moment d’évaluer le revenu à la retraite.

PDC classique déclassé

Malheureusement, la théorie des PDC «rate la cible à ces deux chapitres», peut-on lire dans l’article relatant la recherche de RA intitulée «The Glidepath Illusion… and Potential Solutions», publiée dans le Journal of Retirement, à l’automne 2013.

Dans la très grande majorité des cas, le PDC inversé et le PDC équilibré permettent d’accumuler davantage de capital que le PDC classique, le PDC inversé prenant la tête du classement.

Au terme de 41 ans d’investissement, l’épargnant se retrouve en moyenne avec un capital de 152 060 $US dans le PDC inversé et de 137 870 $US dans le PDC équilibré. Dans le PDC classique, la cagnotte est de 124 460 $US, soit 27 600 $US ou 18 % de moins que dans le PDC inversé où, à échéance, les actions prédominent.

Cependant, le PDC inversé affiche l’écart-type le plus élevé, ce qui signifie que les rendements sont davantage volatils.

La recherche de RA «envoie une douche froide sur les gestionnaires, comme une sorte de ice-bucket challenge, juge Fabien Major, associé principal chez Major Gestion privée, à Montréal. Tout particulièrement pour les RVER avec leurs fonds à date cible par défaut.»

«C’est un message à retenir pour les RVER, ajoute Richard Guay, professeur de finances à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Il y a moyen de mieux performer que le portefeuille à date cible par défaut, et pas seulement un peu mieux.»

Cependant, attention. Il ne s’agit pas de rejeter totalement l’option des fonds à date cible, une mise en garde que RA est le premier à faire.

La durée de la période importe

«Nous ne proposerions jamais d’adopter notre formule inversée, tout simplement parce que nous ne savons pas comment seront les marchés à venir, remarque Katrina Sherrerd, présidente et chef des opérations de RA. C’est pourquoi c’est avec l’option d’un fonds équilibré que nous sommes le plus à l’aise, surtout au fur et à mesure qu’on approche de la retraite.»

En effet, un mot clé dans la recherche de RA «est le mot « en moyenne »», fait ressortir Janet Yang, stratège chez Morningstar, à Chicago, et auteur d’une récente étude sur les fonds à date cible.

«Que se passe-t-il si un investisseur ne se retrouve pas dans la moyenne, dit-elle. Une grande part du risque tient aux épisodes extrêmes, comme ceux de 2000 et de 2007.»

C’est une éventualité dont la recherche de RA tient compte. Au cours des 12 années qui s’étendent de 2000 à 2011, «les obligations ont mieux performé que les actions», reconnaît Lilian Wu, recherchiste chez RA.

Contrairement à ce que fait ressortir le corps de la recherche de RA, pour cette période, «un portefeuille qui contient plus d’obligations a mieux performé qu’un portefeuille qui contient plus d’actions».

Actions en tête

Selon Richard Guay, la recherche de RA rejoint les observations faites par Siegel, professeur de finances à la Wharton School de l’Université de Pennsylvanie.

«Dans son ouvrage, relate Richard Guay, Jeremy Siegel montre que pour des horizons d’investissement de plus de 10 à 15 ans, les actions dominent toujours les obligations à plus long terme. Si j’adopte un horizon de 10 ans, les actions performent mieux 78 % du temps depuis 1871. Sur 30 ans, c’est 99,3 % du temps.»

Richard Guay juge qu’un portefeuille devrait être composé à 100 % d’actions jusqu’à l’âge de 45 ans. Il pousse même la limite jusqu’à 55 ans. Plus longtemps l’investisseur détient une part prépondérante d’actions, «meilleure est la rente qu’il peut se payer», selon Richard Guay.

Fabien Major ne croit tout simplement pas aux fonds à date cible, qu’il n’utilise jamais. «J’appellerais ça du fast-food financier, lance-t-il, comme les « combos » chez McDonald’s qui tient pour acquis qu’un mélange hamburger-frites-Coke fait l’affaire de tout le monde.»

Richard Guay n’est pas aussi radical. «L’idée du fonds à date cible n’est pas sans intérêt, reconnaît-il, mais elle devrait s’appliquer seulement dans les dix dernières années qui précèdent la retraite, pas avant.»

Par ailleurs, plutôt que de réduire le risque d’un portefeuille en remplaçant d’office les actions par des obligations, tant Fabien Major, Richard Guay que RA préconisent plutôt d’opter pour des stratégies d’actions à moins haut risque ou pour des portefeuilles dont la diversification dépasse les catégories classiques d’actions et d’obligations.

Par exemple, RA fait ressortir que d’ici 2019, on prévoit que 80 % des fonds à date cible adopteront une gestion passive par indice. Or, bon nombre de ces indices sont composés selon le poids en capitalisation des titres, ce qui veut dire qu’à mesure que le prix de ces titres monte, la proportion du portefeuille en titres sous-évalués, qui sont plus susceptibles de monter, diminue.

C’est pourquoi RA recommande des indices alternatifs basés sur d’autres modèles de répartition : par exemple, privilégiant des titres à plus faible volatilité ou des titres qui ont le meilleur ratio prix/valeur comptable.

Richard Guay ne renie pas la formule par défaut du fonds à date cible dans les RVER. Toutefois, il recommande, comme formule idéale, un portefeuille à risque minimal pondéré par la valeur comptable des titres. «Et ce ne serait pas coûteux de le faire pour plus d’un million de Québécois», note-t-il.