Difficile étude des supercycles
everythingpossible_23RF Banque d'images

En effet, un supercycle s’échelonne sur plus d’une décennie. C’est pourquoi les gestionnaires de portefeuille de ressources ne l’incluent pas nécessairement dans leur analyse quotidienne, mais l’observent plutôt en toile de fond.

«Nous sommes au fait du supercycle. Il est bien de le comprendre, mais nous ne nous assoyons pas chaque matin en nous disant : « Tiens, où en est le supercycle ? ». Lorsque nous analysons les prochaines années, notre recherche se concentre sur l’offre et la demande à court terme de base», illustre Scott Vali, gestionnaire spécialisé dans les ressources chez Gestion d’actifs CIBC.

Selon la définition adoptée par la banque centrale dans son étude, «les supercycles des prix des produits de base sont des périodes prolongées au cours desquelles les prix de ces produits se situent bien au-dessus ou au-dessous de leur tendance à long terme».

À moins de se donner rendez-vous dans 10 ans pour voir comment la situation a évolué, ou encore de tisser des liens entre des données extirpées sur de longues périodes passées, comme dans l’étude de la Banque du Canada, il est plutôt difficile de tirer des conclusions d’avance sur un supercycle des produits de base et son influence sur le marché.

Scott Vali précise qu’il est également important de scruter toutes les ressources séparément, puisque chacune d’entre elles suit son propre cycle. Une innovation technologique ou un changement de donne géopolitique peut avoir une influence différente sur le prix du pétrole ou d’un autre métal. De plus, les gestionnaires de portefeuille ont plutôt tendance à adopter une approche de gestion essentiellement fondamentale, soit d’analyser titre par titre les entreprises dites de haute qualité.

Selon l’étude publiée à l’automne 2016, «l’interaction entre de grands chocs de demande inattendus et de lentes réponses de l’offre est un des facteurs pouvant mener à la formation de ces supercycles». (http://bit.ly/2mKowoz).

Ses auteurs suggèrent que c’est ce type d’interaction qui aurait enclenché le supercycle actuel auquel a contribué l’essor rapide de la Chine et d’autres économies de marché émergentes.

C’est d’ailleurs cette analyse largement répandue qui a permis à la notion de supercycle d’être remise au goût du jour il y a quelques années et qui est moins utilisée présentement, selon Scott Vali.

Pour Thomas George, le terme «supercycle» est toujours d’actualité : «De notre point de vue, il ne fait aucun doute que la Chine et l’industrialisation du pays ont été les moteurs du supercycle dans lequel nous nous trouvons.»

«L’actuel supercycle des prix des produits de base s’est amorcé du milieu à la fin des années 1990, moment où la Chine procédait à une série d’importantes réformes, dont son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001», lit-on dans l’étude de la Banque du Canada.

Le sommet du supercycle actuel a été atteint en 2011 alors que les prix des produits de base étaient de 33 % supérieurs à leur tendance à long terme. Au début de la décroissance du cycle, les prix n’étaient plus que de 23 % au-dessus de leur tendance. La diminution récente a été provoquée notamment par la réaction retardée de l’offre de produits de base à la hausse des prix.

Creux à l’horizon ?

La durée de la baisse du supercycle des prix des produits de base avant qu’elle atteigne le creux «dépendra de différents facteurs qui demeurent très incertains», expliquent les chercheurs de la Banque du Canada.

Leur étude souligne que l’affaiblissement de la croissance mondiale a également contribué à diriger le supercycle dans sa phase descendante. La Chine rééquilibre actuellement son économie. Le pays se réoriente en passant d’un marché industriel à un marché de consommation et cette tendance est observée ailleurs dans le monde.

«De nouvelles pressions liées à la demande pourraient entrer en jeu dans le cas de produits de base à forte valeur destinés aux consommateurs, comme la viande, les produits laitiers et l’essence», cite en exemple l’étude.

De plus, le développement des pays émergents pourrait se faire à un rythme plus accéléré que prévu. «Si vous prenez les cinq grandes régions émergentes ensemble, soit l’Inde, le Pakistan, le Moyen-Orient, l’Afrique, et l’Amérique du Sud, elles représentent à elles seules la moitié de la population mondiale», fait valoir Thomas George.

Ce dernier met toutefois un bémol sur les répercussions du développement de l’Inde à lui seul. «Il y a assurément une classe de consommateurs en expansion qu’il faut prendre en considération, mais ses effets sur le marché des produits de base ne sera jamais comparable au choc provoqué par la croissance vécue par la Chine», assure-t-il.

De plus, même si un choc de la demande était à nouveau suivi d’une réaction tardive de l’offre, les innovations technologiques peuvent parfois permettre de pallier rapidement cet écart. L’étude de la Banque du Canada cite entre autres les technologies de production du pétrole de schiste qui ont réduit les délais de la production pétrolière.

Scott Vali se rappelle quant à lui d’un «supercycle du nickel» qui s’est terminé en 2007. Une innovation technologique avait permis l’exploitation du métal à partir d’une source qui n’avait jamais été accessible auparavant. «Cette production a inondé le marché du nickel», raconte-t-il.

Il reste que pour la construction de portefeuilles, les spéculations sur la tangente que prendra un supercycle n’offrent pas un portrait complet d’une situation.

Néanmoins, les tendances économiques peuvent nourrir l’analyse des gestionnaires. Thomas George mentionne que son équipe investit dans les actions mondiales qui ont une exposition aux produits de base orientés vers la consommation. D’ailleurs, la Chine continuera de jouer un rôle important dans ce marché dans les prochaines années, malgré son ralentissement économique récent.

«Nous investissons par exemple dans la Chine par l’intermédiaire d’entreprises de qualité qui achètent du cuivre partout dans le monde», dit Thomas George.

Selon ce dernier, les supercycles permettent de mieux comprendre la dynamique de l’offre et de la demande, particulièrement lorsqu’il y a de grands écarts entre les deux : «Pour l’analyse de certains produits de base, il est possible d’intégrer cette perspective de supercycle, mais globalement, les choses sont beaucoup plus nuancées».