Le ministre sortant des Finances et de l’Économie, Nicolas Marceau, actuellement en campagne électorale, voulait analyser les recommandations du GTPEQ avant d’envisager leur adoption.

Voici trois mesures qui toucheraient la fiscalité des particuliers.

1. Transfert intergénérationnel

Lorsqu’une société étrangère acquiert une entreprise québécoise, les activités sont réduites considérablement au siège social de cette dernière, constate Claude Séguin, président du GTPEQ et vice-président principal, développement de l’entreprise et investissements stratégiques, de CGI.

Souvent, les activités des ressources humaines, de la comptabilité, des technologies de l’information et de la trésorerie sont transférées au siège social de l’acquéreur. Cela occasionne des pertes d’emploi au Québec, explique-t-il.

Or, au décès du fondateur d’une entreprise, la facture fiscale élevée force parfois ses héritiers à vendre la société afin de payer la note.

En effet, un contribuable est réputé avoir disposé de tout son actif à sa juste valeur marchande juste avant son décès, ce qui entraîne la réalisation d’un gain en capital important pour le fondateur défunt.

«Au Canada, il n’y a pas moyen de reporter cet impôt indéfiniment. Les gens peuvent faire des planifications qui comprennent des fiducies familiales, mais tôt ou tard, l’impôt va réclamer son dû», précise Claude Séguin.

Le groupe de travail souhaite donc que Québec «permette aux propriétaires et aux actionnaires importants d’une entreprise de reporter l’imposition du gain lors de la transmission de la propriété de la société à une autre génération», lit-on dans le rapport.

L’impôt serait exigible uniquement lors de la vente de l’entreprise à des tiers.

«Cela permettrait à la famille et à la succession d’un fondateur de ne pas avoir à composer avec une facture d’impôt importante, tout en essayant de conserver le contrôle de l’entreprise. Cela pourrait faire en sorte que le siège social reste ici», explique Claude Séguin.

«Dans le monde agricole, quand vous vendez votre terre à vos enfants, il n’y a pas d’impôt. Si c’est bon pour l’agriculture, ça doit être bon pour les autres entreprises», poursuit-il.

De plus, le groupe propose d’«introduire une mesure permettant aux fiducies familiales de reporter la réalisation du gain attribuable à leur participation importante dans une entreprise au moment de la vente, plutôt que tous les 21 ans, tant que l’entreprise demeure active», lit-on dans le document.

Actuellement, lorsqu’une fiducie familiale est créée, elle doit effectuer une disposition fiscale tous les 21 ans, ou remettre les actions aux bénéficiaires de la fiducie.

«Lorsque remettre les actions aux bénéficiaires n’est pas une solution, l’imposition devient un irritant», explique Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et services-conseils, chez Banque Nationale Gestion privée 1859.

«La fiducie pourrait être permanente. Tant que l’entreprise continue de fonctionner et que le contrôle reste ici, la fiducie n’aurait pas d’impôt à payer», indique Claude Séguin.

«Cela peut coûter de l’argent au gouvernement sur le coup, mais si l’entreprise est effectivement vendue, il se rattrapera. Et si le siège social reste ici, le gouvernement en profitera aussi : les employés paient des impôts.»

2. Attirer les dirigeants

Recruter un dirigeant de l’extérieur du Québec et le convaincre de déménager dans la province représente «un vrai défi», selon Claude Séguin. Le traitement fiscal des gains sur les options d’achat d’actions explique en partie cette difficulté.

Actuellement, lorsqu’un résident du Québec exerce ses options d’achat d’actions, cela déclenche un avantage imposable, souligne Daniel Laverdière.

Toutefois, l’employé peut bénéficier d’une déduction de 50 % de cet avantage au fédéral, et de 25 % au Québec, précise-t-il.

L’écart entre l’imposition du Québec et celle des autres provinces représente une facture fiscale potentielle de plusieurs millions de dollars pour un chef de la direction. En règle générale, de 60 à 80 % de sa rémunération est variable, souvent sous forme d’option d’achat d’actions, selon Claude Séguin.

Cette facture fiscale survient à des moments précis dans le temps, par exemple cinq ou sept ans après l’embauche du dirigeant.

À ce moment-là, le dirigeant peut changer de lieu de résidence pour s’installer ailleurs qu’au Québec.

«Cela peut être sur l’autre rive de la rivière des Outaouais, car l’imposition provinciale des Canadiens est liée à leur domicile au 31 décembre. Pas besoin d’aller aux îles Caïmans», souligne Claude Séguin.

Ce désavantage est tellement important que les entreprises québécoises ne peuvent pas dédommager les dirigeants pour cette facture fiscale, selon lui.

«Il y a au Québec des sièges sociaux dont les plus hauts dirigeants ne résident pas ici. Chez Bell Canada, pour ne pas la nommer, quatre des cinq hauts dirigeants sont à Toronto».

«Ce que nous disons au ministère, c’est : « Faites vos calculs, parce que vous ne verrez jamais cet argent »», poursuit Claude Séguin, qui souhaite qu’il y ait plus de «vrais sièges sociaux» au Québec.

Le GTPEQ propose donc d’accorder un traitement fiscal des gains sur options d’achat d’actions plus favorable au Québec qu’ailleurs au Canada, afin que les dirigeants jugent la province comme «une bonne place pour se faire taxer».

3. Aide aux employés-actionnaires

Selon le groupe de travail, «certaines sociétés ont vu la part de leurs actions détenues par les employés et les fondateurs constituer des blocs suffisamment importants pour rendre improbable toute offre d’achat non souhaitée».

«Cela peut agir comme une pilule empoisonnée pour quelqu’un qui veut faire une offre d’achat hostile, car cette personne voudra avoir un gros bloc des actions détenues par des employés qui sont susceptibles de ne pas les offrir», explique Claude Séguin.

Le GTPEQ souhaite donc favoriser la détention d’actions par les employés de sociétés inscrites en Bourse en leur offrant un avantage fiscal.

Cet avantage serait un report de l’imposition des employés au moment où ceux-ci vendent les actions, plutôt qu’au moment où ils les acquièrent.

Actuellement, l’employé qui bénéficie d’un régime d’acquisition d’actions de son employeur est imposé au moment où son employeur achète des actions à sa place.

La valeur des actions devient un avantage imposable dans l’année où l’employé acquiert les actions, précise Daniel Laverdière.

«L’employé n’a pas nécessairement l’argent nécessaire pour payer l’impôt sur l’avantage imposable, indique Claude Séguin. En fin de compte, l’État ne perd rien, car il s’agit d’un report de l’impôt.»

Claude Séguin cite l’exemple d’un employé au taux d’imposition marginal de 50 % qui recevrait une action d’une valeur de 36 $. Actuellement, cet employé devrait payer une facture fiscale de 18 $ dans l’année de l’achat de l’action.

Le GTPEQ propose que cet employé ne paie l’impôt sur cet avantage qu’au moment où il vend l’action.

«Il y aurait deux taxations : l’une sur le gain en capital et l’autre sur l’avantage imposable reporté. Si l’employé revendait l’action dix ans plus tard, alors qu’elle vaut 72 $, il paierait de l’impôt sur le gain en capital de 36 $ et paierait l’impôt sur son avantage imposable reporté de 18 $», explique Claude Séguin.