Cette croissance est-elle soutenable pour la vie entière ? «Oui et non. Car la vie entière peut devenir un couteau à double tranchant, pour les assureurs et pour les conseillers», soutient Robert Landry, consultant et ex vice-président exécutif de AXA Canada.

Il s’empresse de faire la distinction entre la vie entière avec participation et la vie entière sans participation à coûts nivelés.

Dans le premier cas, dit-il, «la prime n’est pas garantie. Il y a donc partage de risque entre l’assureur et son client». C’est dans le second cas que les choses se gâtent.

«La vie entière à coûts nivelés est un produit difficilement rentable. Parfois, il est même déficitaire ! Pour les assureurs, il peut s’agir d’un loss leader», dit Robert Landry, en faisant référence aux produits d’appel avec lesquels les distributeurs savent qu’ils ne feront pas d’argent, mais qui servent à attirer les clients. Comme cette douzaine d’oeufs vendue en spécial à 1,69 $ afin que le consommateur puisse acheter autre chose en magasin.

«Avec la vie entière à coûts nivelés, il y a un risque que le taux d’intérêt ne soit pas à la hauteur des attentes de l’assureur. Aussi, les autorités de réglementation exigent de plus en plus de capital pour couvrir ce genre de risque», explique Robert Landry.

Ménager l’assureur

Puisque souvent la vie entière à coûts nivelés n’est pas rentable pour les assureurs, il y a un problème de taille lorsque des conseillers concentrent leurs portefeuilles dans ce segment particulier.

Et il y a parfois trop de conseillers friands de vie entière à coûts nivelés. «Quand j’étais chez AXA, on savait qui ils étaient. C’était sûrement la même chose chez les autres assureurs. Je ne crois pas que ces conseillers obtiennent le maximum en matière de tarification et de souscription», estime-t-il.

En conséquence, Robert Landry pense que les conseillers qui s’intéressent à la vie entière à coûts nivelés ont intérêt à équilibrer leurs portefeuilles, par exemple avec un segment de temporaires pour les petits budgets, un segment de vies entières avec participation pour les gens de 35 à 50 ans à l’aise financièrement, et un segment de vies universelles pour les clientèles fortunées.

«Pour bien servir leurs clients, les conseillers doivent être en bons termes avec les assureurs», rappelle Robert Landry. L’ex-dirigeant d’AXA souligne aussi une autre vérité élémentaire : ne pas concentrer les loss leaders auprès d’un seul assureur.

Avantage : vie avec participation

Aux yeux de ce vétéran de l’industrie qu’est Sylvain Gagné, les produits avec participation seront de plus en plus populaires auprès des consommateurs.

«D’une façon générale, les communautés culturelles recherchent le plus de garanties de rendement possible. C’est la même chose pour les clientèles vieillissantes», remarque Sylvain Gagné qui était jusqu’en décembre dernier directeur général associé chez l’agent général BBA Groupe Financier.

Sans être garantis comme le sont les certificats de placement garanti, les rendements de la vie entière avec participation oscillent entre 6 et 7 % par an.

Cependant, depuis environ un an, ajoute Sylvain Gagné, ces produits tendent à être moins généreux.

«Certains avenants disparaissent peu à peu, par exemple, le remboursement de primes», constate Sylvain Gagné qui a travaillé chez Empire Vie, Axa Canada et RBC Assurances.

Il est probable que les rendements des produits avec participation diminueront au cours des prochaines années, selon Yan Charbonneau, président de l’agent général AFL Groupe Financier : «À long terme, ces taux annuels de 6 à 7 % finiront par baisser. Mais la diminution sera lente, et le produit devrait rester attrayant pour les clients qui cherchent des rendements et peu de risque.»

Nouvelles règles en 2017

Depuis environ un an, plusieurs assureurs ont rafraîchi leurs produits d’assurance vie universelle, constate Anny Plamondon, directrice, Assurance vie et marketing avancé au Groupe Cloutier : «La Financière Manuvie, BMO Assurance, Industrielle Alliance et Canada-Vie ont repositionné leurs vies universelles. Il y a, entre autres, des frais de gestion plus concurrentiels et de nouveaux mécanismes de réduction de la volatilité.»

Cette vague de changements serait loin d’être terminée, puisqu’à partir de janvier 2017, explique Anny Plamondon, de nouvelles règles fiscales modifieront l’imposition des polices d’assurance vie : «La fiscalité de la vie universelle pourrait devenir moins intéressante en janvier 2017. Voilà pourquoi nous pensons que les assureurs continueront à retoucher leurs vies universelles d’ici là».

La spécialiste en assurance vie et marketing du Groupe Cloutier recommande ainsi aux conseillers d’utiliser les prochains mois pour examiner comment les produits actuels en vie universelle pourraient répondre aux besoins actuels de leurs clients d’affaires.

Dans une communication adressée à sa clientèle, le premier vice-président et actuaire chez Conseils PPI, John McKay, soutient que les nouvelles règles «touchent principalement les polices d’assurance vie universelle, notamment les polices à coût d’assurance nivelé» (http://tinyurl.com/qydbtbr).

Ces règles, précise John McKay, «permettront de mettre plus d’argent à l’abri de l’impôt au cours des dix premières années d’une police, mais moins à plus long terme. Les effets seront surtout ressentis par les titulaires de certaines polices d’assurance vie universelle» (http://tinyurl.com/qxqogfb).