Le gouvernement du Québec entend aussi déposer prochainement un projet de loi afin de réviser la Loi sur les assurances.

Compte tenu d’un calendrier législatif «très chargé», le ministre n’a toutefois pu préciser si le dépôt de ces projets de loi se fera au cours de la session parlementaire d’hiver ou d’automne.

Écart réglementaire revu

Lors de l’événement, Louis Morisset, président-directeur général de l’Autorité des marchés financiers (AMF), a indiqué que le régulateur envisage de mener une consultation publique en 2016 sur l’écart entre les exigences d’encadrement des fonds communs de placement (FCP) et celles des fonds distincts.

En raison de l’entrée en vigueur des nouvelles obligations de divulgations de rendement et de rémunération du courtier liées à la deuxième phase du modèle de relation client-conseiller (MRCC2), certains conseillers pourraient privilégier la vente de fonds disctincts plutôt que celle de FCP, car les premiers ne sont pas touchés par le MRCC2.

«Le risque d’arbitrage réglementaire entre les secteurs des valeurs mobilières et de l’assurance est au coeur de nos préoccupations, en tant que régulateur intégré», a indiqué Louis Morisset.

Son équipe a comparé l’encadrement des FCP à celui des fonds distincts, tant en matière de distribution qu’en ce qui concerne les manufacturiers.

«On constate des différences entre les deux régimes dans le libellé des règles, mais les objectifs sont généralement similaires. Seulement quelques écarts significatifs sont notés, les principaux étant liés aux nouvelles exigences du MRCC2», a-t-il noté.

«Il nous faut donc maintenant déterminer si ces écarts sont justifiés, compte tenu de la réalité propre à chacun des produits», a-t-il dit. C’est pourquoi l’AMF travaille avec le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA) en vue d’une consultation publique sur le sujet.

S’assurer sans conseil

Lors de l’événement, Louis Morisset a plaidé en faveur de la distribution d’assurance de personnes par Internet sans l’intervention obligatoire d’un représentant.

«Sous réserve des orientations finales que prendra le ministère des Finances, nous considérons que des transactions en ligne dans le domaine de l’assurance pourraient se faire sans l’intervention d’un représentant et sans conseil», a-t-il soutenu.

Il souligne toutefois que des conditions très précises devront être respectées, comme celle de fournir aux clients des outils d’auto-évaluation adéquats et d’assurer l’accès aux conseils d’un représentant certifié quand le besoin s’en fait sentir.

«Nous croyons par ailleurs qu’il faudra porter une attention particulière à la fiabilité des transactions et à la protection des renseignements personnels, de même qu’au type de produit d’assurance qui sera offert sur Internet», a ajouté Louis Morisset.

«Si on en venait à conclure que les produits offerts sont trop complexes et que le consommateur risque sérieusement de ne pas être en mesure de faire une auto-évaluation adéquate, nous devrons avoir la capacité d’intervenir», a-t-il poursuivi.

Selon Louis Morisset, la vente d’assurance par Internet «offre un réel potentiel de réduction du fardeau administratif que supportent les représentants. […] Ceux-ci pourraient se concentrer sur des activités qui mettent davantage en valeur leurs compétences, leurs connaissances et leur capacité de conseiller adéquatement le client, en particulier pour répondre aux besoins les plus complexes.»

Par ailleurs, au début de 2016, l’AMF dévoilera les résultats de la troisième mesure de l’Indice Autorité, un indice qui vise à déterminer le niveau de connaissance et d’adoption par les Québécois de comportements vigilants en matière de consommation financière.

«L’Indice Autorité 2016 nous fournira donc les plus récentes données, et nous permettra de cibler des actions concrètes pour accroître le niveau de vigilance des Québécois et l’adoption de bons comportements face à la gestion de leurs finances personnelles», a mentionné Louis Morisset.

Peur de se faire prendre

Par ailleurs, selon les panélistes d’un atelier sur la dissuasion de la fraude, la probabilité de se faire prendre semble être le facteur le plus dissuasif pour les fraudeurs de l’industrie financière.

«Pour [eux], c’est un exercice de gestion du risque qui va se faire sur deux axes. Premier axe, quelles sont les chances que je me fasse prendre, et deuxième axe, quelles sont les conséquences si je me fais prendre», a expliqué Frédéric Pérodeau, directeur principal des enquêtes à l’AMF.

Selon les observations de l’AMF, trois éléments sont susceptibles de pousser un conseiller à commettre une fraude : la pression ou le besoin financiers, une occasion et la rationalisation.

«Généralement, ce sont des hommes de plus de 40 ans, qui occupent une fonction où il y a certaines occasions», a-t-il dit.

Malgré tous les efforts d’éducation financière, Frédéric Pérodeau croit que c’est au client qu’une bonne partie de la responsabilisation incombe.

«Si vous êtes capable de magasiner des heures et des heures sur Internet pour un barbecue à 400 $, quand vient le moment d’investir une somme importante, renseignez-vous, a-t-il illustré. Si c’est trop beau pour être vrai, c’est trop beau pour être vrai.»

De plus, durant le panel, Jean-François Fortin, directeur général du contrôle des marchés à l’AMF, a présenté une série de facteurs pertinents de dissuasion en matière de «mise en application», lesquels ont été mis en avant par l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV).

Parmi ceux-ci, on retrouve la mise en place d’exigences réglementaires claires et compréhensibles, d’activités de surveillance des marchés ou de mécanismes de dénonciation. Les régulateurs doivent aussi faire connaître leurs activités et leurs intentions, et imposer avec discernement des sanctions punitives, compensatoires et justes. Les autorités doivent également collaborer entre elles, tant sur le plan local que mondial.

Non à la commission unique

Par ailleurs, sans surprise, le ministre Carlos Leitão a rappelé l’importance du secteur financier montréalais dans le monde, tout en réitérant que le Québec n’«abdiquera pas» dans le dossier de la commission nationale unique des valeurs mobilières.

«Nous en avons référé à la Cour d’appel, nous attendrons la décision de la Cour d’appel sur sa constitutionnalité, et [par ailleurs], on attend du nouveau gouvernement fédéral une meilleure consultation avec les provinces, a-t-il indiqué. […] Nous nous attendons à une meilleure collaboration avec le gouvernement fédéral, sachant très bien que c’est un champ de juridiction provincial et [que] nous n’avons pas l’intention d’abdiquer quoi que ce soit.»