En effet, des conséquences fiscales indésirables peuvent en résulter, notamment en matière de désignation de résidence familiale, prévient le fiscaliste Luc Lacombe, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton.

Depuis 1982, les membres d’un couple ne peuvent désigner qu’un seul immeuble comme résidence principale, et qui peut par conséquent être vendu sans incidences fiscales. Lorsqu’une famille possède une maison en ville et un chalet, un problème fiscal risque de survenir si chacun des ex-conjoints garde une propriété différente au terme de leur union.

Après le divorce ou la cessation de vie commune pour une période de plus de 90 jours, l’un des ex-conjoints pourrait, par exemple, vendre le chalet et le désigner comme résidence principale durant la période de vie commune, note Luc Lacombe, dans un document diffusé au dernier congrès de l’Association de planification fiscale et financière.

«Dans cette situation, le conjoint qui a l’impression qu’il possède la résidence principale et que le gain en capital est totalement exempté subira des incidences fiscales importantes au moment de la disposition de ce bien, et ce, même si cela survient plusieurs années plus tard, y lit-on. En effet, dans ce cas, le conjoint qui détient la résidence ne pourra pas effectuer le choix d’exempter la résidence d’impôt pour les années de vie commune.»

Résultat, le propriétaire de la résidence principale devra payer de l’impôt sur la moitié du gain en capital ainsi réalisé, ce qui peut représenter une facture fiscale salée et, surtout, imprévue.

Si rien n’est prévu au moment de l’entente de divorce ou de cessation de vie commune, un des conjoints pourrait même «provoquer une transaction fiscale» à l’insu de son conjoint afin de concrétiser son exemption pour résidence principale, selon Luc Lacombe. Pour ce faire, le client peut générer une disposition présumée en transférant son immeuble dans une fiducie dont il est le bénéficiaire et dont il a le contrôle.

«Le fait de provoquer cette disposition et d’effectuer le choix requis permettant de l’exempter d’impôt permettrait donc de cristalliser, dans le coût de cette résidence, la valeur accumulée durant la vie commune sans incidences fiscales et d’empêcher l’autre conjoint de pouvoir en bénéficier sur la résidence qu’il détient. Évidemment, cette façon de faire ne fera qu’envenimer la relation», écrit-il.

Bonne entente

Pour favoriser la bonne entente entre anciens partenaires, on peut bien sûr rédiger une entente de séparation équitable, selon Natalie Hotte, fiscaliste chez Banque Nationale Gestion privée 1859. Cet accord peut prévoir que, par exemple, pour la moitié des 20 années de vie commune, le chalet sera désigné comme la résidence principale. Pour les 10 autres années, ce sera la maison. Chacun des conjoints profitera de l’exemption pour résidence principale au moment de la vente de leur immeuble.

On peut aussi déclencher artificiellement le gain en capital sur l’une des deux résidences au moment du divorce ou de la cession de vie commune pour les conjoints de fait, selon Natalie Hotte.

«La Loi de l’impôt sur le revenu permet de choisir de considérer que le transfert de la résidence se fait à la valeur marchande, au lieu de se faire au coût fiscal, explique-t-elle. En faisant le transfert à la valeur marchande, je déclenche un gain et on pourra exempter la partie de gain en capital qu’on aura choisi d’exempter.»

Le choix de résidence principale est ainsi cristallisé pour de bon. Il faut toutefois que la résidence appartienne à l’autre conjoint. Autrement, dans le cas d’une détention conjointe, le transfert ne s’appliquerait que sur la moitié de la résidence.

L’entente de séparation peut aussi prévoir une autre option, d’après Francys Brown, fiscaliste chez FBSA Fiscalité Financière : «L’un des conjoints peut prendre toute l’exemption pour son immeuble et l’autre recevra une compensation financière.»

Il reste que si le couple n’a acquis qu’un seul immeuble au cours de l’union, il n’y aura pas d’enjeu quant à la désignation de la résidence principale, d’après Natalie Hotte.

«Plus l’un des conjoints a d’actif, plus la valeur des actifs est disproportionnée par rapport à celle de l’autre conjoint, et plus il faut s’asseoir et vérifier ce qu’on fait et pour qui», conseille-t-elle.

Rompre avant le 31 décembre

En outre, pour les clients qui songent à quitter leur conjoint ou dont l’entente de divorce est imminente, le fait d’officialiser fiscalement sa rupture avant le 31 décembre peut être un «bon timing», soutient Luc Lacombe.

Célébrer le Nouvel An à titre de célibataire fiscal permet d’éviter de «contaminer» toute une autre année au cours de laquelle il aurait été plus avantageux de vivre seul, signale-t-il.

Par exemple, dans l’année au cours de laquelle la séparation devient officielle aux yeux du fisc, un seul choix peut être effectué par l’une ou l’autre des parties à titre de résidence principale.

«Il faut que les conjoints aient été séparés tout au long de l’année pour que les deux conjoints ne soient plus considérés dans la même famille et pour qu’ils puissent effectuer le choix de résidence principale sur deux maisons différentes», soutient Natalie Hotte. Elle ajoute qu’une séparation judiciaire ou un accord écrit de séparation doit rendre la rupture officielle.

Par ailleurs, en changeant de statut, un nouveau célibataire fiscal pourrait être avantagé ou non par les programmes et crédits fiscaux québécois et fédéraux, selon son revenu et s’il a des enfants mineurs.