Il y a également des pourcentages maximums qu’une banque peut maintenant détenir sur la dette subordonnée d’autres institutions financières.

«Ces restrictions ont exercé des pressions sur les firmes de courtage afin que celles-ci réduisent leurs inventaires obligataires, particulièrement dans le cas des titres moins liquides comme les crédits aux grandes sociétés, puisque cela coûte plus cher de les détenir», renchérit Elisabeth Préfontaine, directrice pour le Québec de BlackRock iShares.

Cette perception n’est pas ressentie seulement localement par les conseillers en placement. «C’est un phénomène mondial. Entre 2007 et le premier trimestre de 2013, les inventaires de titres obligataires individuels détenus par les Primary Dealers aux États-Unis est passé de 230 G$ US à un peu plus de 50 G$ US», mentionne Elisabeth Préfontaine, citant des données provenant de la Réserve fédéral de New York.

En fait, ce n’est pas tant la taille des inventaires que leur composition qui a changé, croit Richard Belley, stratège de taux d’intérêt pour la clientèle privée et gestionnaire de portefeuille chez BMO Nesbitt Burns.

Même son de cloche chez Benoît Martineau : «Les inventaires de mon groupe sont sensiblement les mêmes et n’ont pas vraiment baissé ces dernières années».

«Si ces règles de capitalisation ont limité les inventaires au jour le jour, les négociateurs ont la flexibilité d’offrir des produits qui ne sont pas toujours visibles dans l’inventaire ou même le système électronique de la firme. On peut « travailler » la commande d’un conseiller. On s’adaptera à la demande, selon le type de produit désiré», précise Richard Belley.

Les rendements des obligations canadiennes et provinciales étant moins attrayants, les investisseurs se sont tournés vers les titres de sociétés, disent les experts consultés. Il y a également plus de demande pour les obligations à haut rendement dont la cote de crédit s’établit à BBB, BB+ ou BB.

«Les investisseurs recherchent du rendement et sont prêts à supporter plus de risque de crédit sans que l’offre des émetteurs au Canada ait nécessairement suivi», ajoute Richard Belley.

Appétit pour les nouvelles émissions

«Bien que le total des émissions obligataires de sociétés ait peu changé ces dernières années, l’accessibilité aux émissions primaires pour les conseillers en placement demeure difficile, convient Benoît Martineau. Mais ces obligations seront relativement faciles à trouver sur le marché secondaire, au surlendemain d’une émission, par exemple.»

Selon BlackRock iShares, ces nouvelles émissions de sociétés ont même plutôt augmenté dans le cas des obligations de bonne qualité et de celles à haut rendement. «Les émetteurs ont voulu profiter des bas taux d’intérêt», remarque Elisabeth Préfontaine.

Si les conseillers en placement n’ont pas accès à ces titres, c’est qu’il y a eu une très forte demande des clients institutionnels pour ces obligations qui offrent plus de rendement. «Ils ont absorbé le gros de ces émissions», affirme Elisabeth Préfontaine.

«Même les clients privés veulent acheter des obligations de sociétés. Il y a une demande grandissante et généralisée pour cette catégorie d’actif», constate Richard Belley.

Les sociétés les émettent parfois dans des termes de 10 ans, voire 30 ans, alors que les investisseurs particuliers sont plus frileux devant ce genre d’échéance. «Et si tout le monde cherche à réduire sa duration ou sa sensibilité aux taux d’intérêt en achetant des obligations de sociétés de trois ou quatre ans alors que les émetteurs ne sont pas dans ce secteur, il se pourrait qu’on manque de produits et qu’il y ait moins de liquidité», reconnaît Richard Belley.

Risques fiscaux des titres à prime

Par ailleurs, le marché obligataire actuellement cher a fait grimper les prix des titres bien au-delà du pair.

«On observe aujourd’hui des primes de 3, 4, 5, 10, et même 15 $ sur ces titres. Il est ainsi de plus en plus difficile de bâtir un portefeuille d’obligations dans un compte non enregistré sans avoir d’impact fiscal», précise Benoît Martineau. Une obligation achetée 110 $ qui expire au pair (100 $) aura ainsi accumulé une perte en capital de 10 $.

«Plusieurs conseillers dont les clients ont souvent des comptes taxables [non enregistrés] vont critiquer le produit disponible dans les inventaires en le disant soit trop cher vu les bas taux d’intérêt, ou encore à trop forte prime», renchérit Richard Belley.

Certains détenteurs d’obligations à prime risquent même d’obtenir un rendement après impôt et frais de gestion de niveaux insignifiants, nuls ou négatifs pendant les prochaines années, si on néglige les conséquences du rendement après impôt du revenu d’intérêt et de la perte en capital, révélait une récente étude de Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés (http://bit.ly/1GRylnl).

Les nouvelles émissions sont donc plus populaires puisqu’elles sont émises près du pair. «Mais elles sont également chères. On ne s’en sort pas», constate Benoit Martineau.

FNB, l’autre option

Les conseillers en placement, particulièrement ceux qui font de la gestion discrétionnaire, se tournent de plus en plus vers les fonds négociés en Bourse (FNB) obligataires.

«Ils ont de la difficulté à trouver de l’inventaire, ils constatent que les écarts entre les cours acheteurs et vendeurs se sont élargis, spécialement dans les obligations de sociétés de bonne qualité (investment grade) et dans les obligations à haut rendement», affirme Elisabeth Préfontaine.

«Ces conseillers recherchent une variété de titres, une duration particulière et surtout une quantité suffisante pour servir leur clientèle. Ils veulent gérer plus spécifiquement le risque de leur portefeuille obligataire, mais ils sont limités dans leurs actions», ajoute-t-elle.

Certains gestionnaires discrétionnaires qui ont des portefeuilles modèles trouveront parfois difficile d’avoir les mêmes obligations au même moment dans tous les comptes, selon Richard Belley : «Les FNB peuvent alors offrir certains avantages. Personnellement, je les recommande pour toute la portion autre que canadienne, afin d’éviter le risque de liquidité entraîné par la détention d’un ou de quelques titres. Pour les petits clients, le FNB est idéal pour réduire les frais de transaction, tout en offrant plus de flexibilité qu’une obligation individuelle.»

«Les obligations sont normalement négociées sur un marché hors cote. Dans le cas des FNB obligataires, ces titres se retrouvent sur un marché d’échange centralisé, organisé, où tous les acheteurs et les vendeurs se rencontrent, c’est plus concurrentiel», explique Elisabeth Préfontaine.

«Cela peut être une option pour les plus petits clients, mais il faut faire attention. La duration d’un FNB sera plus ou moins fixe dans le temps, et se rapprochera de la duration de l’indice obligataire qu’il réplique. Lorsqu’on détient des titres individuels, on a une certaine protection contre les hausses de taux, puisque la durée va naturellement baisser dans le temps», note Benoît Martineau.

«Si on pense que les taux vont monter, il sera plus facile de repositionner le portefeuille en détenant des FNB. On pourrait par exemple vendre son FNB pour raccourcir la duration en rachetant un FNB qui ne détient que des titres à court terme. On pourrait changer de type de crédit selon sa vision du marché obligataire. Il ne faut pas oublier non plus le risque de réinvestissement lié au fait de laisser des titres arriver à échéance. Dans les FNB, il y a généralement un flot constant de titres qui sont réinvestis. Le conseiller n’a pas à le faire», argumente Elisabeth Préfontaine.