Blackrock est reconnue comme un colosse de la gestion de portefeuille, sa plateforme Aladdin aide d’ailleurs à gérer des actifs totalisant plus de 18 000 G$ US. On peut aussi maintenant la qualifier de géant de la technologie.

Comme le font Google et Facebook un peu partout dans le monde, BlackRock compte sur un complexe de serveurs dans l’État de Washington, rapporte The Economist (http://econ.st/19no1mJ). Ces installations regroupent quelque 6 000 ordinateurs qui supervisent l’actif de plus de 170 institutions financières, dont des fonds de pension comme CalPERS et des banques comme la Deutsche Bank.

Un système nerveux central

Aladdin, le système de gestion et d’analyse de risque mis au point par les informaticiens de BlackRock, est au cœur de ce centre gigantesque. Aladdin constitue ainsi «le système nerveux central» du géant, rapporte un article du Financial Times (http://on.ft.com/2bsyM2p).

«L’entreprise compte plus de 1 000 développeurs, et le programme, plus de 25 millions de lignes de code», indique Marcia Moffat, chef de la direction de BlackRock Canada.

À partir d’une importante base de données, les utilisateurs d’Aladdin – au premier chef, les gestionnaires de BlackRock – peuvent produire un nombre incalculable de simulations et de tests pour évaluer la solidité de leurs portefeuilles.

Par exemple, un gestionnaire peut étudier comment son portefeuille résisterait à des conditions de marché courantes ou à des conditions exceptionnelles semblables à celles qui prévalaient durant la crise financière de 2007-2009. Ou encore, il peut voir dans le détail si ses catégories d’actif sont trop fortement corrélées.

«BlackRock a toujours été mue par la technologie, affirme Marcia Moffat. Cela fait partie de notre ADN.»

En effet, dès la création de l’entreprise en 1988 dans un petit bureau de Manhattan, un serveur de Sun Microsystems œuvrait à l’établissement des prix d’obligations hypothécaires adossées à des actifs, rappelle le Financial Times.

Pas de FNB sans techno

Depuis, le portefeuille technologique de BlackRock s’est beaucoup diversifié.

Il faut comprendre que les fonds négociés en Bourse (FNB), dont BlackRock est le plus grand manufacturier au monde, «n’auraient pas pu voir le jour sans l’informatique», souligne Daniel Straus, chef de la recherche et de la stratégie sur les FNB à la Financière Banque Nationale. «Une société de FNB doit se penser elle-même comme une entreprise de technologie», ajoute-t-il.

Sans les avancées technologiques, il serait impossible de relever le défi de maintenir à jour, en temps réel, les cours des FNB, explique Daniel Straus.

À l’époque de la création de TIPS, le premier FNB, par la Bourse de Toronto au début des années 1990, les négociateurs avaient recours à des ordinateurs relativement peu sophistiqués pour suivre les prix à tout moment.

«Dès leur apparition, les FNB étaient très technologiques et requéraient des négociateurs rompus aux technologies informatiques, souligne Daniel Straus. Puis, grâce aux avancées en algorithmes, les logiciels se sont démocratisés. Aujourd’hui, le simple investisseur peut utiliser des outils faciles pour négocier. Les FNB sont les fintech originales !»

Plus récemment, BlackRock a mis au point un dérivé d’Aladdin, le Aladdin Risk for Wealth. Tandis que le premier système s’adresse aux gestionnaires de portefeuille, ce dernier-né vise la gestion privée de fortunes personnelles dans les banques, indique Marcia Moffat. Il permet de construire des portefeuilles, d’effectuer des modèles d’analyse et, surtout, de superviser centralement tous les portefeuilles des clients pour en évaluer et en ajuster le niveau de risque.

Ce produit «cible un besoin de plus en plus important à la suite des changements réglementaires qui ont lieu partout dans le monde, notamment les nouveaux impératifs fiduciaires qui prescrivent d’agir dans l’intérêt des clients», souligne la dirigeante de BlackRock Canada.

«Devant les exigences accrues en matière de transparence, un tel outil permet aux conseillers de mieux montrer à leurs clients la valeur ajoutée qu’ils apportent», ajoute-t-elle.

Dans l’univers des robots

Enfin, dernier ajout d’importance au portefeuille technologique, BlackRock a acquis en août 2015 FutureAdvisor, d’une entreprise de San Francisco du même nom, un système de robot-conseiller.

«Si nous l’avions développé nous-mêmes, nous aurions pris du retard dans le marché. Et c’est sans compter qu’il nous manquait certains types d’ingénieurs en informatique», confie Marcia Moffat.

BlackRock a commencé à vendre FutureAdvisor à des institutions financières qui seront en mesure de l’adapter et d’y afficher leur marque de commerce. RBC Gestion de patrimoine aux États-Unis est un des premiers clients à avoir lancé en février 2016 un site pilote de FutureAdvisor.

Risque systémique ?

En plus de l’actif sous gestion de 4 300 G$ US de BlackRock, en date de juillet 2014, la plateforme Aladdin servait à une soixantaine d’institutions financières du monde qui gèrent des actifs totalisant 14 000 G$ US. Au final, Aladdin soutient donc la gestion de plus de 8 % des actifs financiers totaux dans le monde (qui s’élevaient à 225 000 G$ US à la fin de 2013, selon The Economist).

C’est beaucoup d’argent concentré en un seul endroit, jugent The Economist et le Financial Times. Les deux vénérables journaux craignent que les gestionnaires de portefeuille n’en viennent à adopter une vision du monde unilatérale calquée sur celle de BlackRock, et qu’ils se lancent dans des «gageures unilatérales» susceptibles de déséquilibrer les marchés financiers.

Les dirigeants de BlackRock nient que leur système puisse entraîner de tels déboires, rapporte The Economist, puisque chaque client d’Aladdin peut configurer le logiciel selon ses besoins. Et ces besoins varient considérablement d’un client à l’autre.

Le logiciel est seulement un outil d’analyse, qui ne recommande nullement d’acheter ou de vendre.

Cela est vrai en théorie, rétorque le Financial Times. «Un coup d’œil à l’histoire des marchés financiers donne lieu à des inquiétudes, affirme-t-on dans l’article. Black-Scholes, Intex, les copules gaussiennes et les modèles de valeur à risque (VaR) sont autant d’exemples de formules et de logiciels considérés comme des outils de pointe en gestion de risque qui se sont avérés dangereux.»