Cette mesure fiscale permettrait au conjoint à revenu plus élevé d’attribuer jusqu’à 50 000 $ en revenu imposable au conjoint qui a un taux d’imposition inférieur, pour un bénéfice maximal de 2 000 $. Les contribuables québécois ne pourront profiter que de 83,5 % de ce bénéfice en raison de l’abattement du Québec.

Les couples qui ont des enfants mineurs à charge et pour lesquels les revenus de chaque conjoint s’établissent dans des tranches d’imposition différentes sont les plus avantagés par cette mesure.

«Attention, le fait de transférer 50 000 $ ne donne pas nécessairement droit à un crédit d’impôt de 2 000 $, tout dépend des taux d’imposition, indique Patricia Besner, notaire, fiscaliste et planificatrice financière chez Fiducie Desjardins. L’avantage lié au fractionnement ne doit pas dépasser 2 000 $.»

Dans une récente chronique publiée sur le site Web de Finance et Investissement (bit.ly/1sIsj1J), Francys Brown, associé en fiscalité chez Corporation fiscalité financière FBSA, cite l’exemple d’un couple au sein duquel l’un des conjoints a un revenu de 200 000 $, et l’autre, un revenu de 50 000 $.

Si le conjoint le plus fortuné transfère le revenu maximal, soit 50 000 $, l’avantage lié au fractionnement se chiffrera à 3 016 $, ce qui est supérieur à la limite permise.

«Autrement dit, dans cet exemple, un revenu de 28 571 $ transféré d’un conjoint à l’autre permettra de maximiser le crédit à 2 000 $», explique-t-il.

Avantageux pour les parents au foyer

L’avantage fiscal est toutefois limité à certaines familles. Québec n’a pas l’intention de reproduire cette mesure fiscale fédérale, a confirmé Carlos Leitão, ministre des Finances du Québec, en novembre.

De plus, les couples qui gagnent des revenus semblables et les chefs de familles monoparentales ne pourront pas profiter du nouveau crédit d’impôt.

«Ce type de fractionnement de revenu est plus efficace pour les couples où un conjoint reste à la maison et n’a aucun revenu, alors que l’autre conjoint travaille, souligne Patricia Besner. C’est vraiment la situation idéale. Le conjoint qui a un emploi pourra fractionner son revenu avec le conjoint qui n’en a pas ou peu. Le conjoint qui travaille bénéficiera donc d’un taux d’imposition plus faible.»

«Cette mesure s’avère discriminatoire, car son applicabilité est tributaire d’un écart de revenu entre conjoints qui sont assujettis à des tranches d’imposition différentes selon la fiscalité fédérale», soutient Gaétan Veillette, Fellow Administrateur agréé et planificateur financier à Brossard, en Montérégie.

«Cette mesure pourrait aussi comporter plusieurs disparités régionales en favorisant les régions où la culture encourage un des membres du couple à rester à la maison ou à travailler à temps partiel», ajoute-t-il.

Patricia Besner n’est pas prête à prédire que le fractionnement de revenu motivera un retour à la maison d’un des conjoints : «Le crédit d’impôt ne pourra jamais dépasser 2 000 $. Je ne suis pas certaine qu’il vaudrait la peine d’arrêter de travailler. Ça donne un coup de pouce, mais sans plus».

Le crédit d’impôt offre un avantage inusité aux clients qui élèvent leur enfant en garde partagée.

En effet, lorsqu’un enfant de moins de 18 ans réside avec ses parents tout au long de l’année, un seul de ces parents peut utiliser le fractionnement de revenu.

Toutefois, si les parents d’un enfant, après leur divorce ou leur séparation, se sont remariés ou ont tous deux à nouveau un conjoint de fait, l’un des conjoints de chaque nouveau couple pourra demander un crédit d’au plus 2 000 $.

«Cependant, un enfant doit habituellement résider avec chaque couple tout au long de l’année. En cas de garde conjointe ou partagée, il peut s’agir dans certaines situations du même enfant qui réside habituellement avec chaque couple», spécifie le ministère des Finances du Canada dans son document explicatif (bit.ly/1oCCHvE).

Que veut dire le gouvernement par «habituellement» ? Benoit Chaurette, directeur produits d’investissement à la Banque Laurentienne, suggère de consulter la définition qui s’applique déjà dans le cas de la Prestation fiscale canadienne pour la garde d’enfants (PFCE).

Selon l’Agence de revenu du Canada (ARC), l’enfant est en garde partagée s’il habite avec deux personnes différentes dans des résidences séparées pendant des périodes plus ou moins égales.

«Par exemple, si l’enfant habite avec un parent quatre jours par semaine et avec l’autre pendant trois jours par semaine, [s’il] habite avec un parent une semaine et avec l’autre parent la semaine suivante [ou] tout autre cycle régulier de rotation de garde», explique l’ARC dans le guide Prestations canadiennes pour enfants (bit.ly/1zPS1Jb).

Est-ce à dire qu’on assistera à une multiplication des crédits dans les familles reconstituées ? Pas nécessairement, selon Patricia Besner : «Si madame divorce, elle ne pourra pas profiter du fractionnement de revenu si elle n’a pas de conjoint. Tout comme son ex-mari, elle devra se trouver un nouveau conjoint avec qui elle aura un écart de revenu assez important pour pouvoir profiter du fractionnement».

En autorisant les parents divorcés d’un enfant à utiliser le fractionnement de revenu avec leur conjoint respectif, le gouvernement fédéral va toutefois à l’encontre de ce qu’il exige pour plusieurs autres crédits d’impôt.

En effet, les montants alloués pour la condition physique et les activités artistiques des enfants ainsi que le montant pour enfant de moins de 18 ans ne peuvent être réclamés deux fois. Les parents séparés doivent donc s’entendre et déterminer qui demandera quel montant dans sa déclaration de revenus, explique Patricia Besner.

Pas d’impact sur les autres crédits

Le crédit d’impôt pour fractionnement de revenu des familles est calculé en fonction de la différence entre l’impôt payable par un couple avant et après l’attribution de revenu, selon le ministère des Finances du Canada.

Plusieurs autres crédits socio-fiscaux, qui sont calculés selon le revenu annuel combiné des deux conjoints ou selon d’autres critères, ne seront pas touchés.

Il n’y aura donc pas d’impact par exemple sur le crédit de TPS/TVH, le crédit pour les dons de charité ou encore le crédit pour les dépenses liées aux sports ou aux loisirs des enfants, même si on tiendra compte de ces mêmes avantages dans le calcul du crédit d’impôt lié au fractionnement de revenu.

Ainsi, lorsqu’un des conjoints a de faibles revenus et qu’il ne peut donc pas épuiser l’ensemble de ses crédits d’impôt non remboursables, alors que l’autre conjoint a des revenus élevés, le crédit d’impôt lié au fractionnement de revenu sera bonifié, puisqu’il tiendra compte de l’épuisement de ces crédits d’impôt.

«Les conjoints font leurs déclarations individuellement comme par le passé. Par la suite, on fait le calcul pour voir quel avantage résultera d’un fractionnement potentiel de revenu. Aucun argent n’est transféré, souligne Benoit Chaurette. Le calcul du crédit d’impôt qui en résulte tiendra compte des crédits d’impôt non remboursables et autres avantages auxquels le couple a droit. C’est ce qui déterminera, entre autres, le montant du crédit pour fractionnement de revenu, qui sera de 0 à 2 000 $.»

Par ailleurs, ce crédit d’impôt ne serait pas accordé pour l’année où un particulier ou son conjoint ne produit pas de déclaration de revenus, choisit de fractionner son revenu de pension ou fait faillite.