La réaction des conseillers et de l’industrie vis à vis de la vente en ligne est vive. Selon notre «Baromètre 2015 de l’assurance» : une nette majorité, soit 82 % de conseillers interrogés, s’y opposent fermement. «J’en ai les cheveux dressés sur la tête. L’assurance de personnes est un domaine trop complexe pour laisser le client seul avec lui-même», commente un conseiller sondé.

Toutefois, les 13 % de répondants favorables à la vente sur Internet – 5 % sont indécis – jugent cette évolution «inévitable», principalement en raison des comportements d’achat des jeunes clients. «Internet, c’est l’avenir. C’est ainsi qu’on rejoindra les jeunes», a résumé un autre conseiller en sécurité financière lors du sondage.

Confiance fragile

Joint par Finance et Investissement, le conseiller en sécurité financière Benoit Lizée n’a pas mâché ses mots.

«J’aurais de la difficulté à travailler avec des assureurs qui tiendraient un double discours de vente. Car faire distribuer des produits d’assurance de personnes par des conseillers en sécurité financière, c’est une chose. Mais vouloir les vendre sur Internet sans l’intervention obligatoire d’un conseiller, c’en est une autre. Il faudra choisir», dit-il.

Copropriétaire du Groupe financier BCL, Benoit Lizée soulève la question de l’équité.

«En tant que conseillers en sécurité financière, nous avons la responsabilité de bien connaître nos clients, de faire l’analyse de leurs besoins, ainsi que d’expliquer les produits et les conséquences des achats. Les systèmes de vente en ligne satisferont-ils à ces exigences de façon aussi approfondie que les conseillers en sécurité financière ? J’ai des doutes. Je crains que l’aspect conseil en vienne à disparaître sur Internet», ajoute-t-il.

Le logiciel saura-t-il ?

Conseillère en sécurité financière chez Services Financiers Groupe Investors, Isabelle Cantin soulève la question de la définition des besoins réels du client.

«En assurance de personnes, il y a une énorme différence entre les besoins que les gens pensent avoir et ce dont ils ont réellement besoin. S’il n’y a pas d’interventions de conseillers en sécurité financière, les gens risquent d’être mal assurés. Ou de payer trop cher», note-t-elle.

Isabelle Cantin donne l’exemple d’un beau-frère hypothétique qui croirait, dur comme fer, que rien ne bat l’assurance vie permanente parce qu’il en a entendu parler ou parce qu’il l’a lu quelque part.

«L’achat de produits d’assurance de personnes fait partie d’une démarche de planification globale. Imaginons un père de deux enfants. Il doit penser à financer ses obligations familiales et son fonds de retraite. A-t-il une protection du vivant, un produit trop souvent oublié ? En dernière analyse, il pourrait seulement avoir besoin d’une assurance temporaire 10 ans afin de couvrir son hypothèque», dit-elle.

Autrement dit, un beau-frère qui rechercherait une vie permanente sur Internet peut-il savoir qu’une Temporaire 10 ans lui conviendrait mieux ? Et que cette dernière donnerait, de surcroît, la marge financière suffisante pour une assurance salaire ? Un logiciel pourra-t-il le guider jusque-là ?

«Les conseillers vont s’adapter»

En vacances à Paris, James McMahon, président pour le Québec de Groupe Financier Horizons, a tenu à donner son point de vue : «En assurance de personnes, la vente sur Internet est inévitable. Mais ce ne sera pas une hécatombe pour les conseillers».

James McMahon souligne que l’arrivée sur Internet des produits d’assurance de dommages n’a pas été une catastrophe : «En IARD (Incendie, Accidents, Risques Divers), les conseillers se sont adaptés. Ils le feront aussi en assurance de personnes».

Le patron de Groupe Financier Horizons, dont la firme a acquis en juin Excel Gestion privée, base son argumentation sur les coûts que devront assumer les sites de vente.

«Les produits ne seront pas moins chers sur Internet, car les dépenses d’infrastructures sont très élevées. Les produits à émission rapide sur Internet coûtent de 10 à 12 % plus cher que les produits à tarification ordinaire. Les conseillers ne seront donc pas concurrencés par rapport aux prix», dit James McMahon.

Comme le révèle notre sondage, plusieurs conseillers pensent que les réseaux virtuels seront favorisés en raison de leur structure de coûts moins lourde (peu d’espaces de bureaux, moins de formations et d’appui aux conseillers, etc.).

Si la vision de James McMahon se réalise, les conseillers ne feraient donc pas les frais de ce qui s’annonce être une inéluctable reconfiguration du paysage en assurance de personnes sur le Web.