On craint que des assureurs favorisent la vente d’assurance en ligne, ce qui ferait retomber sur les épaules des clients la responsabilité de prendre de bonnes décisions et les risques qui l’accompagnent.

On redoute que le projet de loi ne retire aux représentants certifiés l’exclusivité de l’acte de conseil, ce qui permettrait à n’importe qui de conseiller des produits d’assurance de personnes.

Ces craintes sont légitimes dans une certaine mesure et elles ont comme dénominateur commun de pouvoir être apaisées par la réglementation relative aux lois du secteur financier, que l’Autorité des marchés financiers (AMF) devra concevoir et mettre en oeuvre une fois que la loi aura été sanctionnée. Le ministère des Finances du Québec approuvera cette réglementation.

Entendons-nous : le fait que l’AMF puisse empêcher certains de profiter des brèches possibles du projet de loi 141 est une bonne chose. C’est même rassurant. Là n’est pas le problème.

Le problème est plutôt le suivant : est-ce que cette réglementation va bel et bien fermer les brèches tant redoutées ? Est-ce que l’AMF va faire son travail en ce sens, avec comme principal souci la protection du public ? Est-ce que l’encadrement réglementaire va évoluer d’une manière pertinente pour la protection du public tout en demeurant sensé pour l’industrie financière ? Et est-ce que les lois et leurs règlements vont bien vieillir, donc résister à l’interprétation de l’industrie et des tribunaux ?

Certains répondront oui à toutes ces questions. Or, on le sait, la réalité n’est jamais toute blanche ou toute noire. En matière législative, il y a souvent plusieurs nuances de gris et plusieurs interprétations ou lectures des règlements et lois.

Au moment d’écrire ces lignes, nous ignorons si le gouvernement va amender son projet de loi. Invité à se prononcer au sujet de certaines préoccupations, le cabinet du ministre des Finances a répondu par courriel : «Nous prenons très au sérieux les questions qui ont été soulevées, notamment en ce qui concerne la protection du consommateur, qui demeure l’objectif principal du projet de loi. Nous aurons le plaisir d’accueillir les groupes en commission parlementaire pour échanger avec eux, apporter les précisions nécessaires pour répondre à leurs préoccupations et apporter si nécessaire des améliorations à l’encadrement proposé.»

Si le gouvernement ne modifie pas son projet de loi afin d’en éloigner toutes les préoccupations et de réduire les zones grises, il risque de laisser à l’AMF l’entière responsabilité de créer un cadre réglementaire évitant tout dérapage qui pourrait découler de l’incertitude juridique liée à la nouvelle loi. Le gouvernement risque-t-il ainsi d’accorder un trop grand pouvoir à l’AMF ? La question mérite d’être posée. Surtout dans un contexte où les fonctions de la Chambre de la sécurité financière seront intégrées à l’AMF, ce qui créera un régulateur amplifié.

Créer un méga-organisme de réglementation auquel le gouvernement accorde sa confiance est une chose. Avoir une confiance aveugle dans ce régulateur en est une autre. Le gouvernement devra rechercher un équilibre dans son processus de surveillance de l’AMF, dans la mise en place et le réexamen de la gouvernance de l’organisme et dans son suivi de l’amélioration continue au sein de celui-ci.

À une époque où l’accès au conseil financier est plus que jamais crucial afin de favoriser la sécurité financière des clients et de leur famille, le gouvernement a le devoir d’adopter des politiques publiques qui favorisent l’accès aux produits financiers offerts avec du conseil financier. Protéger le public, ce n’est pas seulement lui offrir des professionnels supervisés étroitement, mais également lui assurer un accès facile au conseil.

L’équipe de Finance et Investissement