C’est par cette phrase laconique que Michael Scherer, journaliste au Time Magazine, concluait le long texte expliquant pourquoi l’équipe éditoriale de la revue nommait le président élu « Personnalité de l’année 2016 ».

Cette affirmation du journaliste risque-t-elle de s’appliquer à l’économie ? Selon une brochette d’économistes consultés par Les Affaires, il est permis d’en douter.

Un élément du discours de celui qui deviendra président le 20 janvier a de quoi susciter des craintes quant à un changement majeur sur la scène économique. En effet, il est difficile d’oublier les promesses iconoclastes quant au protectionnisme que lançait tout au long de la campagne électorale le candidat Trump. En plus d’être rarement appuyés par des études valables, ces propos tranchaient certainement avec l’orthodoxie républicaine, explique Francis Généreux, économiste principal au Mouvement Desjardins.

La question du protectionnisme est la grande crainte en ce qui concerne le scénario économique de la future administration, croit également Matthieu Arseneau, économiste principal, Financière Banque Nationale. « Ériger le protectionnisme serait le renversement d’un processus important à l’échelle mondiale et constituerait un retour en arrière majeur », dit-il.

Toutefois, les informations dont nous disposons à ce sujet sont pour l’instant très préliminaires, et l’homme nous a démontré qu’il peut changer d’idée souvent et rapidement, s’empresse d’ajouter l’économiste. « On verra ce qu’il fera le temps venu », dit-il.

Pour le reste, les projets de dépenses en infrastructures et les baisses d’impôts sont à l’intérieur du cadre des politiques économiques généralement mises de l’avant par les républicains et ne constituent pas un grand changement, explique Francis Généreux.

« Les politiques économiques pourraient être différentes de ce que l’on a vu au cours des dernières années, mais pourquoi pas », demande Jean-Luc Landry, économiste et président de Gestion de portefeuille Landry.

Une augmentation importante des dépenses gouvernementales constituerait une politique très sensée, car l’administration américaine est bien placée pour les financer en ce moment étant donné que les taux de rendement des obligations sont encore à des niveaux très bas, selon M. Landry.

Une augmentation importante des dépenses en infrastructures était d’ailleurs à l’agenda du président Obama depuis 2012, mais les majorités républicaines au Congrès l’ont empêché de procéder.

Il est certainement un peu tôt pour conclure que le monde ne sera jamais plus le même à la suite de l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, ironise M. Landry. « On avait dit la même chose en septembre 2001 lorsque les tours du World Trade Center s’étaient écroulées », rappelle-t-il. « Nombreux sont ceux qui avaient alors annoncé une récession mondiale. Elle n’est venue que huit ans plus tard et pour une autre raison, soit la crise financière causée par les prêts à risque », dit-il.

Pour juger s’il y aura vraiment des changements à l’ordre économique, les journalistes Blake Hounshell et Daniel Lippman du site politico.com rappellent ces déclarations d’un président élu.

« Je vais protéger votre environnement de travail », assurait-il aux travailleurs du secteur manufacturier dont les emplois étaient en danger.

« Je vais sauver de l’argent en n’acceptant pas des changements coûteux à mon avion présidentiel (il faisait allusion à l’hélicoptère Marine One) », disait-il ensuite aux payeurs de taxes.

« Je vais dépenser des milliards pour réparer les routes et les ponts du pays qui tombent en ruine », affirmait-il devant le Congrès.

Enfin, il disait trouver honteux que les sociétés s’enrichissent outrageusement aux dépens des gens ordinaires et qu’il allait les ramener à l’ordre.

Pour faire tout cela, il disait qu’il allait créer une nouvelle organisation politique pour mettre de la pression sur ceux qui refuseraient de se conformer.

Ces propos étaient ceux de Barack Obama à la suite de son élection en novembre 2008, rappellent les deux journalistes de politico.com. « À bien des égards, Donald Trump semble vouloir suivre un script assez semblable à celui de son prédécesseur et adversaire de longue date », disent-ils.