Table ronde des gestionnaires : 2015 sous le thème de la volatilité

Trois gestionnaires d’Investissement Standard Life ont accepté de partager avec Finance et Investissement leurs prévisions quant aux marchés et à l’économie pour l’année 2015. Michel Pelletier est premier vice-président, titres à revenu fixe, Marie-Ève Savard est gestionnaire de portefeuille et spécialiste des actions canadiennes alors que Christopher Mann est gestionnaire de portefeuille et spécialiste des actions américaines.

Finance et Investissement : Comment est-ce que l’évolution des prix du pétrole affectera l’économie en 2015?

Michel Pelletier: Au Canada, les pôles de croissance des quatre ou cinq dernières années vont changer. Avant, c’était surtout le secteur énergétique, soit les régions de l’Alberta et de la Saskatchewan.

Maintenant, nous pensons que les pôles de croissance vont se déplacer vers des secteurs plus traditionnels et des régions comme l’Ontario et le Québec. Le pétrole aura aussi un effet baissier sur le dollar canadien, ce qui favorisera une reprise des exportations manufacturières.

Marie-Ève Savard: Les états membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) ont augmenté leur production alors que la production en Amérique du Nord grimpait également. La demande était bonne jusqu’à un certain point l’année dernière. Il y a eu un petit ralentissement qui a été suivi d’un choc au niveau des prix. Ce que nous avons vu, c’est que l’OPEP a décidé de ne pas diminuer sa production en novembre dernier alors que le marché s’attendait à ce qu’elle la réduise pour que les prix se maintiennent. Le message lancé à l’Amérique du Nord, c’est que l’OPEP n’est pas prête à ralentir sa production et peut tolérer des prix d’énergie beaucoup plus faibles qu’attendus.

Par contre, la consommation va bénéficier de la baisse des prix du pétrole. Aux États-Unis, c’est une bonne nouvelle puisque plus de la moitié de l’économie américaine dépend des dépenses de consommation. Ce sera bon pour la demande en général et pour la demande pétrolière également. En somme, nous sommes plutôt pessimistes pour la première partie de l’année jusqu’à une stabilisation de l’offre et de la demande.

Finance et Investissement : Et sur le marché américain et canadien, à quoi peut-on s’attendre?

Christopher Mann:
Le marché américain sera plutôt volatile en 2015. La Réserve fédérale a été assez claire sur le fait qu’elle va augmenter les taux d’intérêt et à chaque fois que c’est arrivé durant les dernières années les marchés ont été assez nerveux quant à la vitesse et à la progression de ces hausses. Je m’attends à ce que le marché américain donne un rendement se situant entre 8 et 10 % durant l’année à venir.

Quant au pétrole, durant la première moitié de l’année, nous verrons les pétrolières couper entre 10 et 50 % de leur budget de dépenses d’investissement de capital («CAPEX»). Il y aura aussi un impact sur les entreprises qui produisent des équipements pour l’industrie pétrolière aux États-Unis.

De leur côté, les consommateurs recevront l’équivalent d’un retour d’impôt parce que les prix de l’essence sont bas. L’optimisme des investisseurs devrait perdurer, soutenu par les bas prix de l’essence, ce qui devrait être favorable à l’économie. D’autant plus que la consommation représente une grande partie de l’économie américaine.

Marie-Ève Savard:
Pour l’instant, nous sommes plutôt pessimistes pour le secteur des ressources au Canada en 2015. Nous aurons besoin de voir les prix du pétrole se stabiliser avant que le TSX ne puisse respirer.

Parmi les secteurs cycliques domestiques, les banques seront vraisemblablement également sous pression puisqu’elles ont souvent des prêts du côté des entreprises pétrolières en Alberta, mais également sur le marché résidentiel. Si on voit une croissance économique plus faible qu’attendue, les banques vont être touchées au niveau des prêts. Nous ne sommes pas extrêmement pessimistes, mais le sentiment des investisseurs risque de rester négatif à court terme.

Même si les banques pourront accroître leur bénéfice cette année, ça sera plus difficile en raison du ralentissement de la croissance des prêts ainsi que dans le secteur relié aux marchés des capitaux. Rappelons que durant les quatre dernières années, il y a eu beaucoup d’activité sur ce marché avec des transactions, des fusions et des émissions de dettes. Cette activité était souvent liée au secteur de l’énergie qui, s’il va moins bien, va peser sur le secteur financier.

Finance et Investissement: Monsieur Pelletier, comment envisagez-vous l’année 2015 du côté du revenu fixe?

Michel Pelletier: Si on regarde un graphique des taux d’intérêt des cinq dernières années, on peut penser que les taux vont rester dans le bas de la fourchette et probablement encore dans la tendance baissière. Ils pourraient monter, mais pas de beaucoup.

Le marché obligataire devrait être un peu ennuyeux en 2015, ce qui va probablement frustrer ceux qui s’attendent à une augmentation des taux ou une surperformance du crédit. Nous ne prévoyons pas de catastrophe du côté des écarts de crédit, mais il faut être prudent.

Je ne dirais pas que le dollar supplémentaire d’investissement doit aller au crédit corporatif ou en obligations à haut rendement, mais ce n’est pas nécessairement une raison d’en sortir non plus. La valeur ajoutée devient seulement très difficile à aller chercher.

Dans nos portefeuilles, nous avons une certaine surpondération en crédit corporatif, mais dans les titres à très courte échéance, soit entre 0 et 5 ans.

Il y aura des opportunités du côté de la dette souveraine des pays émergents. Certains pays ont souffert récemment et leurs politiques monétaires demeurent souples, ce qui peut bénéficier à leurs taux d’intérêt et à leur devise.

Note importante: cette entrevue a été réalisée avant l’annonce de la baisse du taux directeur par la Banque du Canada la semaine dernière.

Photo Bloomberg