Pensions : une entente sans le Québec
alphaspirit_123RF

Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a salué la conclusion de l’entente, parlant même de « journée historique ».

En conférence de presse, le ministre a voulu se montrer rassurant, affirmant que le changement « sera très graduel ». Selon lui, le futur RPC sera « mieux pour les petites et moyennes entreprises et mieux pour les employés qui vont pouvoir comprendre comment faire [pour en bénéficier] ».

« Nous sommes arrivés à la conclusion que nous améliorerons la sécurité financière des Canadiens à leur retraite. Nous améliorerons le Régime de pensions du Canada afin qu’il puisse faire une véritable différence dans la vie future des Canadiens », a-t-il déclaré.

Toute modification au RPC devait obtenir l’aval de sept provinces représentant les deux tiers de la population canadienne, ce qui procurait de facto à l’Ontario un droit de veto mathématique. Le Québec, qui s’est exclu du RPC dans les années 1960 pour créer son propre Régime de rentes, avait quand même son mot à dire dans cette réforme, qui n’entrera pas en vigueur avant trois ans.

Même s’il n’a finalement pas entériné l’entente, le ministre des Finances du Québec, Carlos Leitao, a refusé de quitter Vancouver en claquant la porte. Au contraire, après avoir rappelé que le Québec avait déjà mis en place sa propre Régie des rentes pour administrer son régime public des pensions, il s’est réjoui de voir le gouvernement fédéral aller de l’avant avec une réforme du système.

Il a souligné que le Québec avait participé « activement aux discussions », et déclaré que son gouvernement était « en faveur d’une amélioration du Régime de pensions du Canada et du Régime des rentes du Québec qui serait ciblé, modeste et graduel ». Il a ajouté vouloir profiter du caractère asymétrique de la fédération canadienne pour faire adopter au Québec « une solution qui [sera] un peu différente que celle qui est mise en place pour le Canada, dans l’intérêt des Québécois ».

« Nous allons devoir faire un travail supplémentaire pour voir comment le Régime des rentes du Québec pourra être bonifié », a-t-il dit.

Bill Morneau a reconnu que le Québec représentait un cas à part. « Le Régime des rentes du Québec est un instrument différent. Les coûts ne sont pas pareils à ceux du Régime de pensions du Canada. L’idée voulant qu’une analyse plus profonde était nécessaire [avant de réformer le Régime des rentes] a tout à fait été comprise par tous les participants autour de la table », a-t-il souligné.

La prudence du ministre des Finances du Québec a été applaudie par le Conseil du patronat du Québec. L’organisme patronal n’a toutefois pu s’empêcher de critiquer les nouvelles orientations du RPC et de ses répercussions sur l’économie canadienne. « Il faut éviter l’épargne forcée de manière étatique, appliquée globalement sur l’ensemble des employés et des employeurs, car le besoin d’épargne n’est pas généralisé, tel que démontré par plusieurs analyses, et il est préférable de cibler les bonnes initiatives à cet égard », a déclaré Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du CPQ, par voie de communiqué.

Entente

En vertu de l’entente, la contribution mensuelle d’un travailleur gagnant environ 55 000 $ par année grimpera de 7 $. Son employeur devra l’égaler. L’augmentation se poursuivra pour atteindre 34 $ d’ici 2023.

Le nouveau programme n’entrera en vigueur qu’en 2019 et sera graduellement mis en place pendant six ans jusqu’en 2025. Alors, la prestation maximum annuelle d’un retraité aura grimpé d’environ 33 % pour atteindre 17 478 $.

« Nous savons que c’est très important d’avoir une amélioration qui est graduelle. C’est important pour les gens de comprendre les changements dans leurs contributions dans l’avenir. Nous avons [donc] décidé de commencer [d’implanter cette réforme à partir de l’année 2019], a indiqué Bill Morneau.

Le ministre des Finances de l’Ontario, Charles Sousa, a déclaré que l’entente sera profitable à la jeunesse canadienne. « Aujourd’hui, ce gouvernement fédéral a fait preuve d’un grand leadership et d’une grande volonté de faire quelque chose qui profitera grandement à nos jeunes ».

Son homologue de la Colombie-Britannique, Mike de Jong, a souligné que le nouveau programme sera abordable pour les employés. « Nous avons atteint un équilibre pour mettre en place des objectifs. »

Mais Carlos Leitao a exprimé des craintes au sujet de l’entente. « La proposition privilégiée par le gouvernement fédéral serait très coûteuse et pas suffisamment ciblée sur les besoins de bonification identifiés pour le Québec. Elle générerait des cotisations additionnelles de l’ordre de 3,5 milliards $ par année auprès de l’ensemble des employés, des travailleurs autonomes et des employeurs. Une telle augmentation des cotisations aurait des conséquences économiques importantes, notamment à l’égard de l’investissement et de l’emploi au Québec », a-t-il affirmé par voie de communiqué.

Au cours de la journée, le Québec avait présenté sa propre proposition, optant pour une bonification du système « ciblée, modeste et graduelle ».

Selon cette proposition, l’augmentation des primes de retraite aurait été valable uniquement pour ceux dont le revenu annuel est supérieur à 27 000$, montant qui correspond à la moitié du maximum qu’il est possible de réclamer en prestations pour 2017.

Selon le gouvernement québécois, si l’on voulait aider les Canadiens ayant de plus faibles revenus, on peut y parvenir par l’entremise d’autres programmes comme la Pension de sécurité de vieillesse et le Supplément de revenu garanti.