Les REER après 60 ans : devraient-ils être encore une priorité?

Et ceux qui ont plus de 60 ans, alors? Quand tout le monde pense à la retraite et que la date de fin des REER est seulement dans quelques années? Est-ce qu’il est toujours prioritaire de faire un usage maximum d’un REER, ou est-ce le moment d’envisager d’autres endroits où placer ses économies?

L’espérance de vie étant de nos jours généralement plus longue, les investisseurs de 60 ans et plus doivent continuer à économiser et investir. « La plupart d’entre nous pouvons envisager de vivre jusqu’au milieu de nos quatre-vingts ans et plus, alors notre argent doit croître », dit Rober Kerr, président de Groupe financier Kerr à Montréal. « Il devrait être investi dans une perspective de risque et de croissance modérés, et une échéance plus longue ainsi qu’une bonne diversification réduiront les risques de pertes sur le marché. »

Toutefois, comment et quand on peut le faire dépend énormément des circonstances spécifiques de chacun.

Un REER est un outil puissant qui permet d’accumuler une épargne-retraite importante à long terme. Il permet d’investir de l’argent avant impôt et de faire fructifier cet argent sans imposition immédiate dans son régime. Cela se produit parce qu’on réclame une déduction fiscale pour une cotisation à son REER, sans que l’on ait à signaler le revenu gagné sur cet argent tant qu’il est compris dans le régime.

Lorsque le moment est venu d’utiliser cette épargne pour financer sa retraite, le montant retiré est entièrement imposable. Cela veut dire que l’on paie des impôts sur son capital initial ainsi que sur le revenu gagné par ce placement au sein du régime. Dans l’idéal, non seulement on gagne de l’argent en cumulant dans le temps ce placement libre d’impôt, mais en théorie on aura aussi un revenu inférieur à la retraite et on paiera donc moins d’impôt en retirant cette épargne par le truchement d’un Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR) ou d’une rente enregistrée.

On ne saurait nier l’avantage d’avoir de l’argent sur lequel on devrait payer des impôts s’il ne se trouvait pas dans un REER, et de le laisser fructifier avec imposition différée pendant de nombreuses années. Qui plus est, ce report continue une fois que l’argent a été converti en FERR, bien que ce soit seulement dans la mesure où les fonds n’ont pas été retirés.

Mais sur une période relativement courte, le report de l’impôt est moins convaincant. De plus, si le revenu demeure élevé après l’âge de 71 ans (quand on est obligé de commencer à percevoir un revenu de son REER par le biais d’un FERR ou d’une rente), cette épargne sera imposée à un taux élevé, peut-être même plus que lorsque les cotisations originales ont été effectuées.

« Si le taux personnel d’imposition chute de 50 % à, disons, 30 % à la retraite, peut-être vaudrait-il la peine de cotiser à un REER », dit M. Kerr à propos des gens qui ont dépassé 60 ans. De plus, ajoute-t-il, selon le revenu l’année où une cotisation est effectuée, on peut choisir de retarder une demande de déduction pour une cotisation à une année ultérieure, dans laquelle le revenu pourrait être plus élevé, bien qu’il faille le faire alors que le REER est encore intact.

 

 

Toutefois, le revenu peut demeurer élevé après que l’on a commencé à percevoir un revenu d’un FERR ou d’une rente si l’on travaille encore (par exemple comme consultant). Le revenu d’après-retraite pourrait lui aussi être élevé si on vend sa maison ou reçoit un héritage. Le revenu de placement gagné sur ce nouveau capital d’investissement pourrait faire passer un client dans une fourchette d’imposition plus élevée.

Il convient de noter que les actifs reçus par héritage ne sont habituellement pas imposables entre les mains du bénéficiaire parce qu’une succession paie normalement des impôts sur ses actifs avant leur distribution aux héritiers. Et l’argent provenant de la vente d’une résidence principale n’est pas imposable non plus.

La vente d’un chalet ou d’une résidence secondaire, pour sa part, génère des gains en capital imposables, à moins qu’il ne soit plus logique de la déclarer comme votre résidence principale plutôt qu’un autre domicile, en ville ou ailleurs. Les règles d’imposition vous permettent d’identifier des périodes spécifiques où un domicile peut être considéré comme résidence principale, du moment qu’il est « habituellement utilisé ».

Si on envisage de toucher un héritage comme un transfert « en nature » d’actions et d’autres titres, sachez qu’il n’y a aucun avantage fiscal à le faire parce qu’il a été déterminé que ces titres ont été « vendus » à la personne décédée après son décès, et que les impôts sur tous les gains et revenus provenant de ces actifs sont exigibles à cette date.

On est habituellement bien avisé de toucher un héritage en argent liquide et de l’investir selon ses besoins et objectifs personnels, dit M. Kerr. « Ne restez pas coincé avec le vieux portefeuille de papa. Faites des changements qui conviennent à vos objectifs de placement. »

Si on pense que son revenu sera plus faible lorsque les retraits de votre FERR seront effectués, « cotiser à un REER au cours de la décennie de ses 60 ans peut être utile, dit M. Kerr. Mais si ce n’est pas le cas, il peut être préférable de faire diminuer sa dette de façon à ce qu’elle ne pèse plus sur la retraite, ou d’investir dans un compte d’épargne libre d’impôt s’il reste des droits à faire valoir. » (Les CELI sont récemment devenus un facteur plus important de l’épargne-retraite, le gouvernement fédéral ayant fait passer la limite de cotisation annuelle de 5 500 $ à 10 000 $.)

Prendre cette décision signifie qu’il faut se mettre à planifier dès maintenant. « La planification pour la retraite implique des projections pour voir à quels taux d’imposition on sera assujetti et comment on peut gérer au mieux ses flux de trésorerie », dit M. Kerr.

Un objectif essentiel pour ceux qui sont mariés ou qui vivent une union de fait est de maximiser le fractionnement du revenu d’après-retraite. Si c’est ce que le client fait déjà, qu’il cotise au REER de son conjoint(e) de façon à ce que leurs deux flux de revenu soient aussi égaux que possible, ce qui pourrait réduire leur imposition combinée au cours de la retraite. « Bien que le système fiscal actuel permette le fractionnement des revenus-retraite allant jusqu’à 50 % des revenus perçus, un REER de conjoint(e) peut fournir des occasions supplémentaires d’atteindre la cible convoitée de revenus imposables égaux pendant la retraite », dit M. Kerr.

Il est aussi possible que les gouvernements augmenteront les impôts dans l’avenir, prévient M. Kerr. « On peut présumer que les niveaux d’imposition actuels vont se maintenir. Peut-être pensez-vous qu’en raison du vieillissement de la population, les politiciens vont essayer de maintenir les taux d’imposition des personnes âgées aussi bas que possible, mais compte tenu du besoin de remplacer les vieilles infrastructures, il est vraisemblable que les impôts vont continuer à augmenter. »

Photo Bloomberg