Afin de départager le vrai du faux, analysons ce qu’il en retourne et établissons quelles sont les conditions gagnantes de la stratégie.

L’action accréditive constitue l’une des rares occasions de placement assorties d’une aide fiscale dont disposent les investisseurs. Le rendement est excellent et la volatilité est très faible si l’on considère les avantages fiscaux.

L’action accréditive est un titre émis par une société de ressources qui ne sera sans doute pas en mesure de déduire ses frais d’exploration (en raison des pertes lors de la phase d’exploration) et qui préfère les transférer aux investisseurs en contrepartie d’un financement. La société minière doit remplir certaines conditions afin d’officialiser la renonciation aux frais d’exploration et doit s’engager à ce que les fonds reçus soient dépensés en frais admissibles.

Il s’agit également d’une action ordinaire, avec droit de participation aux profits futurs de l’entreprise. Il s’agit donc à la fois d’un investissement et d’un mécanisme de transfert de déductions fiscales.

D’entrée de jeu… pourquoi le rendement est-il autant au rendez-vous?

Prenons un exemple simple : un investisseur achète 10 000 $ d’actions accréditives et son taux marginal est de 50 %. Son achat lui accordera des déductions de 12 000 $, soit une réduction d’impôt de 6 000 $. La somme à risque se chiffre donc à 4 000 $. Toute vente à un prix supérieur à 40 % de son prix d’achat engendrera un profit. Si la vente se situe à 5 000 $, on réalise donc un rendement de 25 % (1 000 $/4 000 $). Dans ce contexte, il est facile de constater que la volatilité n’est en pratique que dans un sens : le bon…

Avantages fiscaux au fédéral

Frais d’exploration/d’aménagement

Les frais d’exploration constituent la déduction la plus importante, donc le plus important avantage fiscal de la stratégie. La définition prévue à la Loi de l’impôt sur le revenu est longue et ennuyeuse, mais on retiendra essentiellement qu’il faudra le plus possible que l’achat se traduise par des frais d’exploration élevés engagés par les entreprises. La déduction viendra réduire le revenu net et, par la force des choses, le revenu imposable de l’investisseur.

L’investisseur aura parfois des frais « d’aménagement » au lieu « d’exploration »; les frais d’aménagement auront une valeur légèrement inférieure en raison de la déduction dégressive à 30 % au lieu de l’être à 100 % dès la première année comme les frais d’exploration.

Crédit d’impôt à l’investissement

Le crédit d’impôt à l’investissement (« CII ») représente pour sa part 15 % des frais d’exploration au Canada et vient ajouter une plus-value importante à ce type d’investissement depuis 2000. Le crédit est non remboursable, mais on peut le reporter sur les 3 années antérieures et sur les 20 années postérieures. Lorsque le crédit est utilisé, il devient alors imposable pour l’investisseur l’année suivante (au fédéral seulement).

Notons que les frais admissibles au CII excluent le pétrole/gazier, ce qui donne d’office un avantage non négligeable au choix des entreprises n’exerçant leurs activités que dans l’exploration minière de surface.

Frais d’émission

Dans tout investissement de ce type, l’investisseur constatera la présence de frais d’émission, ce qui représente ici une perte d’entreprise sur le plan fiscal pour lui, soit une réduction de son revenu imposable. Pour les années subséquentes, aucun feuillet ne sera délivré, mais il perdurera des déductions pendant quelques années supplémentaires, tel qu’en fera foi un calendrier de déductions transmis à l’investisseur. Nerf de la guerre ici? Le suivi! L’investisseur ou le comptable moins attentif verra la rentabilité de l’investissement légèrement diminué en l’absence de suivi quant à ces déductions.

Incidences fiscales à la vente sur la déclaration fédérale

Les actions accréditives héritent d’un prix de base rajusté (« PBR ») de départ qui tend presque à 0 $ à l’achat (car la totalité de la somme a été déduite), donc un gain en capital suivra nécessairement la vente. En l’occurrence, la totalité du prix de vente sera considérée comme du gain en capital.

Avantages fiscaux au Québec

Frais d’exploration

Selon le même principe que les frais d’exploration au Canada, les investisseurs québécois qui auront investi dans des actions accréditives dont les entreprises auront eu des frais d’exploration au Québec se verront transférer les frais en question. Il importe donc au contribuable de s’assurer que l’action accréditive misera le plus possible sur des titres d’entreprises qui maximiseront leurs frais admissibles au Québec!

Déduction additionnelle relative aux ressources québécoises

Les frais d’exploration au Québec servent de nouveau ici à obtenir une déduction additionnelle, de l’ordre de 10 % du montant tout comme les frais d’exploration minière de surface, pétrolière ou gazière dans la même proportion de 10 %.

Il convient de noter que le Budget du Québec de 2014 a modifié la déduction additionnelle qui se chiffrait à 25 % chacune, depuis des années. L’incidence n’est évidemment pas pour le mieux, mais elle est somme toute limitée suivant quelques calculs…

Frais d’émission

La situation est identique à celle qui a cours au fédéral; attention au suivi!

Incidences fiscales à la vente au provincial

Le Québec va plus loin que le fédéral dans l’avantage qu’il accorde aux investisseurs et celui-ci n’est pas négligeable : la déduction pour gains en capital sur biens ressources qui existe depuis 2004.

Tel qu’il a été mentionné précédemment, le PBR d’une action accréditive est toujours fixé à 0 $ ou presque. À la vente de l’action, l’investisseur s’impose donc au fédéral sur le gain en capital, soit… le prix de vente.

Le Québec, pour sa part, différencie le gain en capital sur biens ressources des autres gains en capital en limitant le gain à l’excédent du prix de vente sur le prix d’achat. La déduction viendra réduire le gain fiscal entre le PBR (soit 0 $) et le moindre du prix d’achat et du prix de vente. Il est donc plutôt rare que l’investisseur doive s’imposer sur un gain en capital sur biens ressources au Québec, mais il ne s’agit que d’une excellente nouvelle lorsque cela survient! La déduction pour gains en capital sur biens ressources ne s’applique que sur la partie des investissements faits au Québec :

  • si le prix a été de 10 $ (avec un PBR à zéro) et que l’action est revendue à 6 $, il n’y aura aucun gain en capital;
  • si le prix a été de 10 $ (avec un PBR à zéro) et que l’action est revendue à 13 $, le gain en capital sera de 3 $ (soit l’excédent du prix de vente sur le prix d’achat).

Enfin, soulevons que cette déduction sur biens ressources ne réduit pas le plafond d’exonération pour gains en capital sur vente d’actions admissibles de petite entreprise (AAPE).

Report possible des avantages fiscaux

Toutes les déductions mentionnées ci-dessus peuvent être reportées indéfiniment.

Pour ce qui est du CII, il est non remboursable, mais il est possible de le reporter sur les 3 années antérieures et sur les 20 années subséquentes.

La principale situation qui mène à un report est un changement de revenu imposable en cours d’année pour l’investisseur tels une perte d’emploi, une baisse marquée du revenu de placement anticipé, un gain en capital d’importance qui ne se matérialise pas, etc.

Conditions gagnantes

Les actions accréditives ne sont pas des placements qui conviennent à tous les investisseurs, encore faut-il déterminer les cinq conditions gagnantes afin de maximiser le « rendement fiscal » (ainsi que le rendement financier assujetti à plus d’impondérables).

1) Achat en groupe versus à la pièce

Fondamental! On peut régler cette question en une seule interrogation : pourquoi un investisseur devrait-il s’exposer à l’éventualité que l’action accréditive perde beaucoup de sa valeur en achetant le titre d’une seule entreprise (plus ou moins solide financièrement selon le cas…) alors qu’il recherche avant tout les avantages fiscaux? Mieux vaut tenter de stabiliser l’aspect financier en conservant à l’esprit que les avantages fiscaux réduisent de beaucoup la somme à risque et que le rendement global aura ainsi plus de chance d’être au rendez-vous.

2) Maximiser l’investissement au Québec

Les frais d’exploration engagés au Québec, la déduction additionnelle relative aux ressources québécoises et la déduction pour gains en capital sur biens ressources militent tous en faveur de cette avenue compte tenu de la rentabilité améliorée.

3) Maximiser l’investissement dans les minières de surface

On ne laissera pas tomber bêtement le CII tout de même!

4) Revenu imposable élevé

Étant donné que le « rendement fiscal » provient majoritairement du fait qu’on réduit le revenu imposable, cette composante est nécessairement avantagée lorsque la déduction se fait à un taux marginal d’imposition élevé. Si l’on considère 10 000 $ de déductions fiscales, le contribuable ayant un revenu imposable entre 142 350 $ et 202 800 $ en 2017 bénéficiera d’un remboursement d’impôt de 4 997 $, tandis que la même déduction de celui qui déclare un revenu de 42 705 $ ne profitera que d’un retour de 2 850 $, soit 43 % de moins. Notons que la principale exception à soulever ici concerne l’investisseur dont le seul taux marginal d’imposition est loin de la vérité en raison des crédits sociaux-fiscaux importants.

5) Éviter l’impôt minimum de remplacement

Rappelons que l’impôt minimum de remplacement (« IMR ») existe afin d’éviter qu’un contribuable bénéficiant d’allègements fiscaux ne puisse diminuer son impôt payable sous un seuil prescrit par la loi. Tous les revenus imposés comme le salaire (intérêt, revenu locatif, travail indépendant, etc.) sont moins sensibles à ce critère, mais ils doivent quand même faire l’objet d’une évaluation pour éviter les désagréments potentiels de cet impôt. Dans les cas où le revenu à « éliminer » (en d’autres mots, le revenu retranché à la suite de l’utilisation des déductions) est un revenu de dividende, la prudence est de mise puisque le calcul de l’IMR se générant est sensible aux déductions qui s’ajoutent en raison des crédits d’impôt pour dividende… Bref, à valider afin d’éviter de mauvaises surprises.

Rendements

Malgré des performances dans les minières qui se suivent, mais qui ne se ressemblent pas nécessairement, les actions accréditives ont sans équivoque « surperformé » sur le marché minier depuis 2009. Le taux de rendement interne net pondéré moyen de toutes les émissions recommandées se chiffre à tout près de 30 %! Les quelques rares émissions qui ont un peu moins bien « performé » ont aisément été contrebalancées par d’excellentes.

Conclusion

Ne cherchons pas midi à quatorze heures : un investisseur satisfaisant aux conditions gagnantes a très peu de chances de décrier la stratégie…! Le fait d’opter pour un achat de titres regroupés diminue énormément la volatilité et l’achat d’émissions concentrées au Québec et les minières de surface maximisent les chances de l’investisseur. Finalement, il sera de mise de recommander la stratégie à ceux qui peuvent réduire leur revenu imposable dans des fourchettes élevées (incluant l’incidence des crédits sociaux-fiscaux) et éviter idéalement la création d’IMR afin de compléter le tableau pour que la recette s’avère la plus gagnante possible.

Ce texte provient du Stratège, une publication de l’Association de planification fiscale et financière (APFF), et a été écrit par Robin Lévesque.